Asie, choc en retour

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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La bataille contre le Covid-19 est loin d’être gagnée en Asie.  Mais la Chine tente déjà d’en écrire l’histoire.

Accaparés par notre propre lutte contre le Covid-19, soumis aux contraintes du confinement qui s’étend jour après jour, nous avons peut-être perdu de vue que la pandémie était loin d’être vaincue en Asie. Les pays les premiers touchés, à commencer par la Chine, craignent désormais l’assaut d’une deuxième vague. De plus, à la menace sanitaire s’ajoutent les conséquences économiques de l’extension de la pandémie à la planète. Aussi observe-t-on avec attention ce qui se passe en Chine.

L’Inde vient de se confiner pour 21 jours, étendant son ordonnance aux transports publics et menaçant la survie économique de millions de ses citoyens. Partout en Asie, les frontières se ferment plus hermétiquement aux étrangers – notamment les visiteurs européens et américains - en imposant également des quarantaines strictes aux nationaux de retour au pays. C’est le cas de la Chine, de Hong- Kong, de Taïwan ou encore de la Thaïlande. Là où seules les écoles avaient fermé, de plus en plus de lieux publics et de rassemblement doivent baisser le rideau. Au Japon, juste après avoir annoncé le report des Jeux Olympiques, de nouveaux cas de contamination ont conduit la gouverneure de la capitale à renforcer les mesures de fermetures des lieux publics et les appels à rester chez soi. Il en a été de même ces derniers jours en Corée du sud, à Singapour, dans plusieurs provinces d’Indonésie, des Philippines ou encore en Malaisie. Ainsi, même là où les tests systématiques avaient été privilégiés pour limiter les contraintes sur l’activité et la circulation des personnes, le confinement se durcit progressivement.

Le Japon avance un nouveau plan de relance
d’un montant de… 500 milliards de dollars.

Aussi la récession s’annonce-t-elle brutale, et les espoirs d’un rebond rapide de l’activité se sont envolés avec l’extension de la pandémie hors de Chine. Les chaînes de production de la région entière sont en train de se briser du fait des fermetures de frontières et des interruptions d’activité. Le repli massif de la demande domestique, régionale et internationale, limite considérablement les aires d’expéditions. Ainsi, en amont du cycle de production, les hauts-fourneaux japonais vont probablement s’arrêter. L’industrie chimique est également menacée. Les secteurs, déjà fragilisés de l’automobile et de la tech, restent particulièrement affectés. Les reports d’investissements sont légion.

Comme partout, les plans de soutien économiques et financiers fleurissent. Le gouvernement indien annonce débloquer 23 milliards de dollars d’aides, la Malaisie promet 53 milliards de dollars. Le gouvernement de Shinzo Abe avance un nouveau plan de relance d’un montant exceptionnel de … 500 milliards de dollars pour le mois de mai. En Chine les autorités s’apprêtent à renforcer les mesures d’aides budgétaires et de soutien monétaire.

Les statistiques chinoises sont-elles fiables?
La Chine peine à convaincre.

La deuxième puissance mondiale redémarre-t-elle pour de bon? La première question en appelle une autre. La pandémie est-elle bien contenue? Quel en est le bilan? A mesure que le nombre de décès augmente en Europe et aux Etats-Unis, le malaise grandit. Les statistiques chinoises sont-elles fiables? L’option du confinement brutal (assorti d’un contrôle de la population, peu soucieux des libertés individuelles) est-elle vraiment la seule voie possible? La Chine, qui se veut exemplaire dans la lutte contre la pandémie, peine à convaincre. Les autorités multiplient les rapports de levée progressive du confinement et de retour des travailleurs migrants, bloqués dans les provinces depuis les fêtes du Nouvel An. L’augmentation du trafic automobile et de la consommation d’électricité témoignent de cette amélioration. Mais elle reste partielle et fragile au regard du risque de résurgence de la pandémie. Faute de faire redémarrer rapidement l’activité, les autorités craignent-elles de ne pouvoir empêcher un exode massif des entreprises étrangères de leur sol? Là ne s’arrêtent pas les questions, ni le trouble. Les soupçons et accusations sur l’origine du virus ont ravivé les tensions avec les Etats-Unis. Les envois d’aide en direction de nombreux pays, la promesse d’une «Route de la Soie» de la santé, attisent la méfiance des récipiendaires, autant qu’elle séduit des gouvernements parfois aux abois. La «diplomatie des masques chirurgicaux» (expédiés en hâte vers les Pays-Bas, ou la République Tchèque entre autres), l’envoi de médecins et d’autres matériels, sont soupçonnés d’être assortis de lourdes conditions (signatures de contrats commerciaux, alignement diplomatique) qui pourraient rendre ces initiatives à la longue contre-productives.

La situation reste donc encore tendue en Asie, où la menace d’un contre-choc pandémique n’est pas encore écartée. Le rôle et le discours de la Chine font débat. 

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