L’immobilier vers de nouveaux sommets

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

2 minutes de lecture

Les prix de l’immobilier montent encore. Les politiques macro prudentielles et fiscales tentent de contenir ce phénomène avec des succès limités.

Plus moyen de se loger en ville! L’exclamation est quasi générale. En France, la question est au cœur de la campagne pour les élections municipales. Paris perd des habitants année après année, les prix n’en continuent pas moins de flamber. Corseté d’innombrables règles, le renouvellement du parc immobilier de logements et commercial reste insuffisant faute de foncier disponible.

Une étude récente de la Banque des Règlements Internationaux (BRI)1, nous offre une mise en perspective globale. Les crises immobilières entraînent toujours de dures récessions économiques, les autorités monétaires le savent, et y sont particulièrement vigilantes. L’étude dont nous résumons les conclusions, rapporte plusieurs observations. La première concerne bien évidemment la hausse quasi générale des prix de l’immobilier en zone urbaine à travers le monde, tant pour le logement que l’immobilier commercial. La hausse des prix de l’immobilier résidentiel notamment, induit désormais des valorisations excessives dans une majorité de pays. On peut légitimement s’inquiéter de l’apparition de bulles de prix dans de nombreuses régions. La concentration urbaine qui soutient la demande face à une offre peu élastique, la baisse tendancielle des taux d’intérêt, et l’évolution des revenus figurent en haut de la liste des facteurs qui expliquent cette tendance.

Les auteurs du rapport révèlent également que l’augmentation des investisseurs internationaux sur ces marchés y exerce une influence grandissante qui accroît la concordance des mouvements de prix à travers le monde. L’importance des capitaux étrangers est particulièrement sensible dans l’immobilier commercial, mais elle n’épargne plus le logement. Selon les auteurs, le mouvement s’est enclenché au début des années 2000. Ainsi l’Allemagne, Hong Kong, la Corée du Sud, les Pays-Bas et l’Espagne ont connu les convergences les plus fortes, tandis que le Canada, le Japon et la Suède semblent rester à l’écart de ce mouvement.

La plupart des pays ont mis en place ou renforcé les mesures de surveillance
macro-prudentielle visant à limiter la croissance trop forte du crédit.

Lié à l’investissement, le marché de l’immobilier commercial est, par définition, plus cyclique. Il est également plus spéculatif et plus volatil. La présence antérieure et plus significative des capitaux étrangers leur confère une influence d’autant plus marquée. Toujours selon l’étude de la BRI, c’est à partir de 2013 que les prix de l’immobilier commercial (bureaux et commerces) rebondissent dans la plupart des régions, à l’exception notable de l’Italie et des Pays-Bas pour les bureaux, et de l’Espagne et de l’Irlande pour le commerce – où les prix ont continué de baisser. Depuis 2010, les principaux marchés émergents n’ont connu qu’un seul sens, la hausse. Dans ce secteur, les valorisations sont un peu plus dispersées et rendent les généralisations plus délicates.

Bien entendu, les facteurs domestiques continuent de prévaloir sur ces marchés. Ils tiennent notamment aux conditions locales de l’offre du crédit. De même, la présence plus ou moins importante d’investisseurs non-résidents sur le marché dépend-elle de la réglementation locale. Ainsi, Singapour qui a connu une forte hausse des investissements étrangers dans ses transactions immobilières (passées de 9% à 20% du marché entre 2009 et 2011), a mis en place des mesures qui ont contribué à réduire leur présence, retombée depuis à moins de 6% des transactions.

Pourquoi les bulles immobilières font-elles si peur? Comment les éviter? La question n’est pas nouvelle. Elle s’articule toujours autour de la question de la dette croissante des emprunteurs, de l’effet boule de neige de la baisse des prix de l’immobilier sur la valorisation du portefeuille des emprunteurs comme des prêteurs; de l’excès de dette et de faillites qui fragilisent le système financier et de la contraction de l’offre et de la demande de crédit, des revenus et de l’activité.

Depuis la crise de 2008, la plupart des pays ont mis en place ou renforcé les mesures de surveillance macro-prudentielle visant à limiter la croissance trop forte du crédit. De plus, des politiques fiscales visant à limiter la hausse des prix et la spéculation ont également été mises en œuvre. Ces mesures concernant principalement l’immobilier résidentiel, n’ont pas pu inverser la tendance à l’exclusion générationnelle, les primo-accédants étant de plus en plus éloignés de l’acquisition. Pour certains analystes c’est aussi bien, car propriété rime avec immobilité.  

L’immobilier est (presque) un marché comme les autres. Il connaît des cycles de hausse et de baisse des prix. Le rapport de la BRI s’inquiète de la concordance croissante des marchés entre eux qui accentuerait le risque d’une crise globale. Croissance urbaine et aménagement des territoires comptent ainsi parmi les plus importants défis que doivent relever les gouvernants.

 

A lire aussi...