Investir aux temps du coronavirus

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

2 minutes de lecture

Quand l’horizon se brouille, investir sereinement relève du défi. En prenant du recul, ces temps de doute peuvent receler de nouvelles opportunités.

L’extension du Covid-19 hors de Chine a marqué un tournant. La contagion menace d’atteindre un niveau pandémique. Les mesures de confinement et de restriction de déplacements se multiplient ; on annule un peu partout des salons professionnels et des rassemblements. Le Président Xi Jinping a renoncé à sa visite d’Etat au Japon en avril prochain. En Chine, où le redémarrage de l’activité est encore très limité, les indices de confiance des entreprises se sont effondrés en février, bien en-deçà des anticipations. Dans le même temps, les annonces de ruptures d’approvisionnement et de plans contingents se multiplient.

Les marchés boursiers, jusque-là complaisants, ont brutalement basculé du côté de l’angoisse. A mesure qu’est révélée l’ampleur des interdépendances industrielles, les investisseurs prennent peur.  Ainsi, la crise se mue-t-elle en une sorte de risque de contrepartie qui se propage de proche en proche. En 2008, cette défiance avait fait muter la crise de liquidité en une crise de solvabilité qui avait totalement figé le système financier. Aujourd’hui, la composante de crédit n’est pas centrale mais collatérale à la crise actuelle. Elle n’en favorise pas moins sa propagation et l’amplification du phénomène. Comment dans ce cas apprécier la valeur d’une entreprise et ses perspectives bénéficiaires?

L’injection de liquidités ne semble pas la meilleure
solution au regard des difficultés.

Deux questions restent néanmoins en suspens. Quelle sera la durée et l’ampleur de l’épidémie? Quelles en seront les conséquences? Sur le plan macroéconomique, il convient de rappeler que l’épidémie fait irruption au point bas d’un cycle qui voyait déjà l’activité manufacturière et l’investissement en contraction. L’alphabet de la reprise est ainsi de retour. Reprise en V, en U, en L? Bien que les marchés anticipent désormais une nouvelle vague de détentes monétaires, les banques centrales laissent entrevoir une double impuissance : le niveau déjà bas des taux d’intérêt ne leur laisse que de faibles marges de manœuvre. Celles-ci pourraient s’avérer inopérantes face à un choc d’offre. D’où les appels de plus en plus pressants en direction des Etats à prendre le relais. Mais qui le peut vraiment? Seront-ils plus efficaces? Là encore l’injection de liquidités ne semble pas la meilleure solution au regard des difficultés.

Du point de vue des investisseurs, le retournement brutal des marchés – attendu par certains – pose une fois de plus la question de savoir comment échapper au piège du suivisme, pour se concentrer sur les meilleures opportunités d’investissement. Nous pouvons d’ores et déjà énoncer quelques constats. En identifiant par exemple les continuités et les ruptures que provoque cette situation. Nous avons déjà vu que la position du cycle joue un rôle central. Car l’épidémie est déjà en train d’éprouver la résistance des entreprises touchées. La purge serait d’autant plus sévère que s’est formé un vaste nuage de dettes. Face à cette menace, le secteur bancaire s’est consolidé, et d’autres acteurs financiers sont entrés en lice.  

La question climatique, et avec elle les enjeux de la transition
énergétique, sont au cœur de nos préoccupations.

Le Covid-19 sera-t-il plus fort que la guerre commerciale? La révélation de l’ampleur de la dépendance du monde aux chaînes de production chinoises a fait l’effet d’un électrochoc. Après les barrières douanières, vive le cordon sanitaire, clameront les tenants du protectionnisme! Il n’empêche, mieux maîtriser les circuits de production va conduire de nombreuses entreprises – non directement tributaires du marché chinois pour leur distribution – à se réorganiser. Vers d’autres zones économiques? Chez elles? Cela reste à voir. Les entreprises chinoises risquent également de disséminer plus largement leurs investissements dans le monde, tandis que l’Etat central devrait probablement se concentrer à domicile sur la promotion d’une économie de la santé et de l’environnement.

Le Covid-19, sera-t-il l’accélérateur de la nouvelle révolution industrielle? Depuis la crise de 2008, la technologie a connu de grandes avancées et son adoption change déjà en profondeur nos organisations, nos habitudes de consommation, notre mobilité et bien d’autres domaines encore. Emblématique de cette décennie, l’IPhone première génération est sorti en 2007. L’IPad en 2011. Amazon web services, inauguré en 2006, est la première source de profit de l’entreprise. La 5G est à nos portes, l’internet des objets se profile, l’intelligence artificielle progresse à grands pas. La santé, la robotisation, sont en plein essor. La question climatique, et avec elle les enjeux de la transition énergétique, sont au cœur de nos préoccupations.

La pandémie du Covid-19provoque une double prise de conscience. A court terme, elle nous renvoie aux enjeux de la logistique et de l’ajustement des politiques contra-cycliques. A moyen terme, elle met en évidence de nouvelles opportunités d’allocation d’actifs en faveurs des investissements qui vont répondre à l’urgence et aux défis d’avenir. Le repli actuel est un dur rappel aux réalités, il n’offre pas moins de nouvelles opportunités.

A lire aussi...