Actions des marchés émergents: qu’attendre après la décennie perdue?

Roger Merz, Vontobel

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Les actions des marchés émergents sont-elles prêtes à rebondir?

Si l’on compare la trajectoire des bénéfices des entreprises des marchés émergents à celle des entreprises des marchés développés au cours de la dernière décennie, il est logique que beaucoup la considèrent comme une décennie perdue pour les actions des marchés émergents.

Modification des perceptions sur les actions des marchés émergents

La faiblesse du dollar américain et les attentes concernant le redressement de l’économie chinoise à la suite de la levée des restrictions de zéro-Covid ont provoqué des changements dans la perception des actions des marchés émergents. En témoigne l’indice MSCI EM, qui a surperformé l’indice MSCI World de +12,5% pour la période du 31/10/2022 au 31/01/2023 (en USD). En outre, après 39 semaines de sorties de capitaux, les fonds communs de placement actifs sur les marchés émergents mondiaux ont enregistré des entrées nettes depuis début 2023.

Ces changements semblent positifs pour les actions des marchés émergents, mais sont-ils le signe d’une tendance appelée à durer? La question est de savoir ce qu’il faudra pour que les actions des marchés émergents deviennent, et restent, une part importante de l’allocation d’actifs d’un investisseur. Pour y répondre, commençons par comprendre ce qui a stimulé la performance lors de la dernière décennie, en identifiant et en caractérisant les différentes phases de performance observées dans les actions des marchés émergents.

Bilan de deux décennies

La graphique 1 ci-dessous présente le rendement total net de l’indice MSCI EM de 2002 à 2022. Chaque année est décomposée pour afficher les moteurs du rendement de ladite année, tels que les dividendes et le ratio cours/bénéfices (C/B). Il est notable que la performance à long terme des marchés émergents est caractérisée par deux phases distinctes et contrastées: une période de croissance des bénéfices, représentée par les barres bleues pour les années 2002-2010 et 2011-2022, et une période de fortes fluctuations de la valorisation, comme le montrent les barres jaunes pour les années 2008-2011 et 2020-2021.

Ces deux phases distinctes deviennent encore plus nettes si l’on examine le graphique ci-dessous qui montre la performance à long terme des marchés émergents. Comme le révèlent les graphiques à barres, la croissance globale des bénéfices pour les entreprises représentées dans l’indice MSCI EM est passée de +14% au cours de la période 2001-2010 à 0% au cours de la période 2011-2022.

Quels sont les facteurs à l’origine de la mauvaise performance?

Un examen des actions des marchés émergents dans cette perspective décennale montre que la mauvaise performance de ces dernières années ne s’explique pas simplement par une augmentation des incertitudes géopolitiques. Quelles pourraient en être les raisons? Des problèmes structurels ont-ils empêché la distribution des bénéfices? Ou le manque de développement des cadres juridiques dans les marchés émergents en est-il la cause? Notre avis est que le déclin de la croissance des bénéfices s’explique probablement mieux par les raisons fondamentales suivantes: une croissance plus faible des revenus en raison du ralentissement de la croissance du PIB, des marges plus faibles du fait de l’intensification mondiale de la concurrence, la baisse des taux d’intérêt, la chute des prix des matières premières et des effets de rééquilibrage au sein de l’indice.

Adopter une vision à long terme

Toutefois, comme le montre le graphique 2, la performance des marchés émergents sur toute la période de 21 ans reste légèrement supérieure à celle des marchés développés (8,0% contre 6,6%), même après la décennie perdue. Que faudra-t-il pour que les marchés émergents surperforment les marchés développés à long terme? En toute logique, sur la base des discussions précédentes, ce ne pourra être qu’une meilleure croissance des bénéfices qui, à son tour, conduira à de nouvelles expansions multiples.

Nous pensons que ce scénario est réaliste. Premièrement, la croissance potentielle du PIB à long terme des marchés émergents devrait encore augmenter par rapport aux pays développés. Dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008 à 2009 et de la pandémie de Covid-19, des facteurs tels que la croissance démographique (sauf en Chine), l’augmentation des gains de productivité et la hausse des investissements en capital devraient contribuer à cette normalisation.

Deuxièmement, les marchés émergents d’Asie du Nord (Chine, Corée et Taïwan) comptent un nombre important et croissant d’entreprises hautement spécialisées dominant le marché, comme les fabricants de semi-conducteurs ou les producteurs de batteries. En raison de leurs fortes dépenses en matière de recherche et de développement, ces entreprises leaders mondiales devraient pouvoir renforcer encore plus leur position sur le marché.

Cela permettrait à ces secteurs à forte rentabilité et à forte croissance de gagner en importance, et d’augmenter ainsi éventuellement la croissance des bénéfices des entreprises des marchés émergents par rapport à celle des entreprises des marchés développés.

La décennie perdue étant révolue, à quoi les investisseurs doivent-ils maintenant s’attendre?

Les actions des marchés émergents sont-elles prêtes à rebondir? Du point de vue de la valorisation, nous nous trouvons maintenant à un point de départ intéressant: le ratio C/B de Shiller des actions des marchés émergents se négociant à une décote importante (>40%) par rapport à celui des actions des marchés développés.

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