Selon les analystes de l’agence S&P, plus de la moitié des vingts plus gros réassureurs ont maintenu ou réduit leur exposition aux catastrophes naturelles durant la période de janvier 2023.
Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs, dont l’activité consiste à assurer les assureurs, ont décidé de moins s’exposer à certains périls. Un choix compréhensible mais qui pose la question de l’assurabilité du changement climatique.
«Certaines entreprises se retiraient déjà du marché de l’assurance en 2022, mais dorénavant même les réassureurs les plus solides se retirent, principalement en resserrant leurs garanties pour limiter leur exposition», ont souligné dans une note les analystes de l’agence de notation Fitch, quelques jours avant les «Rendez-vous de Septembre», où assureurs et réassureurs se réunissent à Monaco jusqu’à mercredi.
«Plus de la moitié des 20 plus gros réassureurs ont maintenu ou réduit leur exposition aux catastrophes naturelles durant la période de renouvellement (des contrats) de janvier 2023, malgré l’augmentation (du prix des contrats) et une hausse de la demande» de la part des assureurs, complètent les analystes de l’agence S&P.
A titre d’exemple, les primes perçues par Axa XL Réassurances, filiale d’Axa dédiée à cette activité, ont reculé de 3% au premier semestre, à 1,7 milliard d’euros, en raison d’une «forte réduction de l’exposition aux catastrophes naturelles», même si la hausse des prix de 6,3% sur la période a en partie compensé ce trou.
Les réassureurs se détournent en particulier des périls dits «secondaires», des sinistres de taille petite ou moyenne dont la fréquence explose avec le changement climatique, mais «offrent toujours d’importantes couvertures contre les sinistres les plus sévères», précisent les auteurs de la note de Fitch.
«Il y a eu une sous-estimation de la fréquence des événements, et je pense qu’on a aussi sous-estimé le développement des populations dans différentes zones», ce qui fait grimper la facture en cas de catastrophe, explique à l’AFP Jean-Paul Conoscente, directeur général de la branche dommages du réassureur Scor, qui a cherché à revoir son exposition aux catastrophes naturelles dès 2021.
«Très populaires il y a deux ou trois ans», selon Robert Mazzuoli, analyste pour Fitch, les produits qui permettaient aux assureurs d’être indemnisés dès qu’un type de risque, par exemple la grêle, dépassait un coût défini à l’avance, ont complètement disparu.
Ce type de protection contre des sinistres à «très haute fréquence» n’a «aucun sens», a ainsi fait valoir lors d’une conférence de presse Thomas Blunck, administrateur du numéro un de la réassurance, l’allemand Munich Re.
A l’origine, les dispositifs des réassureurs concernant les catastrophes naturelles visaient à protéger les assureurs pour éviter qu’ils ne se retrouvent balayés au moindre événement extrême, et non pas à les protéger contre la volatilité inhérente à l’activité d’assurance, explique M. Conoscente pour défendre le revirement de la profession.
Ce repositionnement des réassureurs n’est toutefois pas sans conséquence pour les assureurs traditionnels.
«Cela fait partie des critères qui nous incitent à avoir des perspectives plutôt négatives, y compris en France, sur le secteur de l’assurance non vie», explique Manuel Arrivé, de Fitch.
Dans ce contexte, et alors que «les grands équilibres de l’industrie ont été sérieusement chamboulés», «il est hors de question que l’exposition (des assureurs) continue de se dégrader», alerte Jean-Philippe Dogneton, directeur général de l’assureur Macif.
S’il dit comprendre le rééquilibrage souhaité par les réassureurs, il en critique la «rapidité» et la «brutalité».
Ce changement a été d’autant plus mal perçu que certains réassureurs «traitent mal leurs clients et sont très brusques», confirme M. Mazzuoli.
Pour s’adapter à cette nouvelle donne, les assureurs risquent de ne pas avoir d’autre choix que d’augmenter les tarifs à leur tour et de mieux sélectionner les risques qu’ils couvrent.
Au point de ne plus couvrir certaines zones ou risques en France, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays? «C’est ce qu’il faut éviter», plaide M. Dogneton, à la Macif.
«On peut s’assurer partout», mais à condition de «payer le prix nécessaire», estime pour sa part M. Conoscente chez le réassureur Scor, pour qui le problème est «qu’une grande partie de la population n’est pas prête à payer le prix économique» du changement climatique.