La chronique des marchés de Vontobel au 5 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Vontobel

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Nasdaq -3,8%, SPX -3,2%, Dow -3,1%, Russell -4,4%, SOX -5%, Eurostoxx -0,8%, SMI -0,24%.

 

Wall-Street n’aura pas célébré le G20 bien longtemps. Les démons du marché resurgissent hier, l’indice S&P500 (SPX) clôturant au plus bas du jour dans de forts volumes d’échanges. Le marché des actions prend conscience que rien n’a véritablement changé dans la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis à la Chine. Cela étant dit, c’est surtout l’attitude du marché obligataire qui déclenche de nombreux signaux d’alarme auprès des intervenants du marché des actions. La courbe des taux US continue de s’aplatir, l’écart de rendement entre le 2 et le 10 ans se réduisant à seulement 12 points de base. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans traite à 2,91%. Le message du marché obligataire est simple: un nombre croissant d’investisseurs doute que le rythme de la croissance US parvienne à se maintenir. Le mot «récession» revient sur de nombreuses bouches et la nervosité reprend ses droits, l’indice VIX bondissant de 26% à 20,74. Il n’y a pas de doute, hier le SPX accélère sa baisse alors que la courbe intensifie son aplatissement. Si l’on regarde le graphique du jour, on notera aussi que le SPX a accéléré son plongeon dès après avoir traversé sa moyenne mobile à 200 jours (2763), les CTAs (Commodity Trading Advisors) sont passés par là.

Donald Trump s'est vite remis à menacer la Chine de relever les barrières douanières en cas d'échec des négociations. «La Chine est censée commencer à acheter des produits agricoles (américains) immédiatement. Le président Xi et moi-même souhaitons que cet accord soit conclu, et ce sera probablement le cas. Mais sinon, souvenez-vous que je suis un Homme de Tarif. Lorsque des personnes ou des pays viennent piller la grande richesse de notre nation, je veux qu'ils paient pour le privilège de le faire. Ce sera toujours le meilleur moyen de maximiser notre pouvoir économique. Nous prenons actuellement des milliards de dollars en tarifs douaniers. Rendons l’Amérique de nouveau riche», a ainsi lancé le Président américain dans son style inimitable.

Revenons au nerf de la guerre: les yeux des investisseurs étaient rivés hier sur le marché obligataire américain, où les cours ont monté (sous l'effet d'achats de sécurité, les obligations faisant office de valeurs refuge), mais où les taux d'intérêts, qui évoluent en sens inverse des cours, ont reculé. Ce recul a surtout affecté les échéances de long terme, entraînant les taux longs dangereusement près des taux à court terme, un signe considéré comme avant-coureur d’une récession par les économistes. Le rendement de l'emprunt d'Etat américain (T-Bond) à 5 ans (2,78%) est tombé en dessous de celui à 2 ans (2,79%) et celui à 3 ans (2,80%), ce qui constitue une anomalie de marché. En outre, le «spread» entre le T-Bond à 2 ans et le 10 ans s'est réduit en séance à seulement 0,12 point de pourcentage, tout proche de l'inversion. Une inversion durable de la courbe des taux (c'est à dire si les obligations à long terme rapportent moins que celles à court terme), est souvent un indicateur de récession, qui intervient généralement dans un délai de deux trimestres après le début du phénomène. Dans un marché normal, les investisseurs exigent des rendements plus élevés pour prêter à long terme qu'à court terme. La situation inverse traduit un manque de confiance dans l'avenir de l'économie à court terme. Dans cet environnement très incertain, un responsable de la Fed a ajouté à l'anxiété générale, mardi, en se montrant plutôt «faucon» sur la future politique monétaire de la Fed. John Williams, le président de la Fed de New York, a ainsi indiqué qu'il «continuait d'anticiper des hausses de taux progressives pour accompagner l'expansion économique» des Etats-Unis. Ces propos semblent diverger de ceux du président de la Fed, Jerome Powell.

Le mot d’ordre du jour hier est donc «aversion au risque». Tous les secteurs défensifs surperforment avec notamment les utilitaires, les restaurants, les pharmas, le tabac et l’immobilier. Les secteurs bancaire et des semi-conducteurs abandonnent tous deux 5%, Apple rend 4,4% après qu’HSBC l’a retirée de sa liste d’achats. Caterpillar chute de 6,9%, elle semble concernée par la guerre commerciale. Boeing souffre aussi beaucoup, de 5%.

A noter que les marchés américains (actions et obligations) seront fermés aujourd’hui, en hommage à l'ex-président George H.W. Bush récemment décédé, ce qui explique en partie une fin de séance agitée, les traders ne souhaitant pas conserver de positions ouvertes avant ce jour de congé.

Les places financières européennes ouvrent en baisse d’environ 1,3%. En l’absence du grand-frère américain, la retenue devrait prévaloir.

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