Gonet: l'actualité des marchés au 9 août

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +0,41%, S&P 500 +0,17%, Nasdaq -0,40%, Russell 2000 +0,53%, SOX -0,36%, Eurostoxx +0,32%, SMI -0,19%.

Wall Street envoie la plupart de ses indices un peu plus haut après la publication du très attendu rapport sur l’emploi aux Etats-Unis, qui dépasse les attentes et de loin (j’y reviens). C’est dans une ambiance estivale que le marché appréhende La statistique économique du mois, les volumes d’échanges reculent, la saison des résultats de sociétés touche à sa fin (j’y reviens également), les deux semaines à venir seront quasi vides de nouvelles (attendues du moins) et laisseront la place à des mouvements de marchés erratiques, les volumes fondant comme neige au soleil. Les gains du jour sont modestes mais permettent tout de même à l’indice S&P500 (SPX) de réaliser un nouveau record historique à la cloche, le 44e de l’année… les actions dites de valeur surperforment celles de croissance de 2%, bien que les bonnes nouvelles macro-économiques ne parviennent pas à faire oublier les inquiétudes croissantes causées par la vigueur inaltérée du variant delta. La volatilité se prend les pieds dans le tapis, l’indice VIX (volatilité du SPX) recule de 6,5% à 16,15, retenons le niveau de 15 comme principal support.

Au chapitre des secteurs, le podium du jour se compose des titres de l’énergie et des materials mais surtout des financières, qui applaudissent à tout rompre le rebond prononcé des rendements obligataires, le 10 ans revenant de 1,24% à 1,30% ce matin. Du côté obscur de la cote, on retrouve les titres de la santé, de la consommation et les technologiques. Le dollar se renforce contre la plupart des monnaies, la paire eur/usd traite à 1,1757 ce matin, elle regarde son support de 1,1704, c’est le bas intraday du 31 mars. Et que dire de l’or? qui se prend un uppercut comme rarement, les intervenants délaissant le métal jaune qui devient nettement moins attractif lorsque les taux d’intérêts remontent, quoi que si les craintes d’une inflation pérenne se trouvent confirmées, on pourrait assister à un retour de manivelle tout aussi violent… L’once d’or donc, qui traite à 1800 dollars juste avant le rapport, pour plonger à 1690 dollars très tôt ce matin et rebondir à 1745 dollars actuellement. Le pétrole ne fait guère mieux, qui glisse encore un peu plus et envoie le baril de WTI Light Crude à 66,65 dollars ce matin, clôturant ainsi sa pire semaine depuis octobre de l’an passé.

On l’aura compris, quelque chose s’est passé vendredi en début d’après-midi, quelque chose de tout sauf anodin. Le rapport sur l’emploi montre que les employeurs américains ont créé des jobs en juillet au meilleur rythme depuis près d'un an et que le taux de chômage a fortement diminué. 943'000 nouveaux postes de travail ont été initiés, les économistes s’attendaient à 870'000. Notons aussi que le chiffre de juin est fortement révisé à la hausse, de 850'000 à 938'000. Sur le front du taux de chômage, ce dernier chute de 5,9% à 5,4%, les attentes se situaient à 5,7%. Ces chiffres permettent d’apaiser quelque peu les inquiétudes quant à l'impact du variant delta sur l'économie. Le secteur des loisirs et de l'hôtellerie, qui comprend les restaurants, a été particulièrement dynamique, avec 380’000 emplois supplémentaires. Il s'agit d'un signe encourageant pour un secteur qui a souffert plus que la plupart des autres pendant les périodes de fermeture dues à la pandémie. Le rapport montre deux signes encourageants en particulier: le rythme de croissance des emplois de cols blancs montre que les bureaux continuent de s'ouvrir alors que la progression des emplois dans le secteur des services indique que les dépenses de consommation reprennent.

L’économie américaine va donc mieux, elle n’a certes pas encore recréé tous les emplois détruits par la pandémie, mais elle accélère sa reconstruction. C’est une excellente nouvelle que celle de vendredi, ou pas. Pour le marché en tous les cas, qui dit économie vigoureuse dit que la Fed va inévitablement réduire la voilure de ses achats d’actions dans un future plus proche que lointain. La banque centrale américaine inonde actuellement les marchés financiers de milliers de milliards de liquidités dans le but de soutenir le prix des actifs et l'économie. Elle continue d'acheter 120 milliards de dollars par mois de titres du Trésor et de titres hypothécaires. Pour les investisseurs, il s'agit de déterminer quand l'amélioration des chiffres économiques conduira la Fed à réduire ses mesures de relance. Dans ce contexte, le marché regardera de très près les chiffres de l’inflation aux Etats-Unis, qui seront publiés ce mercredi. La Fed a été claire, selon elle le retour de l’inflation est temporaire. Si les chiffres de mercredi contredisent cette vue, le marché se mettra en mode «tapering en vue» et enverra les taux obligataires un peu plus haut encore. En l’état les Fed Funds pricent au moins une hausse de taux d’intérêts d’ici à décembre 2022, sachant que le tapering doit intervenir avant ces dernières.

En dehors des nouvelles macro-économiques, le marché s’ennuie passablement. La saison des résultats de sociétés touche à sa fin, 90% des firmes américaines ont publié des chiffres tout à fait excellents, 86% d’entre elles battant les attentes en termes de bénéfices et 87% surpassant les prévisions sur la partie des revenus. Une superbe saison de résultats d’entreprises donc, oui mais n’oublions pas que l’effet de base est désastreux, voire pandémique, il faut donc savoir raison garder tout en ne boudant pas le plaisir de voir bon nombre de compagnies en forme.

Mais (il y a toujours un «mais» dans le joyeux monde de la finance ou je me trompe?), le virus n’en finit pas de jouer les prolongations. Rappelons-nous, il y a un an nous nous réjouissions tous de cet été 2021 «où je vais me payer un de ces voyages à l’autre bout du monde je vous le dis!». Et paf la désillusion, il se trouve que je partirais bien rendre visite à un ami proche et mentor dans le nord de la Thaïlande, mais comme tout un chacun, je dois encore patienter. Oui mais vous êtes en bonne santé, n’est-ce pas tout ce qui compte? Certes… Pour quitter cette digression mais pas le coronavirus, la Maison-Blanche envisagerait de retenir les fonds fédéraux de certaines institutions afin de stimuler les vaccinations. La FDA espère avoir une stratégie sur les rappels du vaccin Covid-19 d'ici début septembre, alors que Bloomberg note que les données à haute fréquence suggèrent un certain ralentissement de la dynamique de reprise suite à la propagation du variant. En clair, on doute de plus en plus autour du globe, le variant delta est un «game changer» et on sait ce qui peut le freiner, puis le stopper, mais tout le monde ne semble pas avoir saisi les données du problème…

Anthony Fauci déclare à CNN que les injections de rappel pour les personnes les plus à risque aux États-Unis devraient avoir lieu «assez rapidement», s'écartant ainsi de l'appel lancé par l'OMS la semaine dernière en faveur d'un moratoire sur les inoculations supplémentaires. Un tiers des adultes israéliens de plus de 60 ans ont reçu des rappels. Norwegian Cruise Line obtient une décision de justice préliminaire qui l'autorise à exiger une preuve de vaccination pour monter à bord de ses navires dans l'État de Floride. Tesla va exiger que les travailleurs de son usine de Reno portent des masques à l'intérieur, selon le Wall Street Journal. Hong Kong assouplit les règles d'entrée pour les visiteurs entièrement vaccinés.

Le vote final du Sénat américain sur le paquet de 550 milliards de dollars pourrait avoir lieu aujourd'hui après que celui-ci ait franchi les derniers obstacles de procédure. Cependant, il n'y a pas eu de résolution immédiate sur certains amendements encore sur la table. Après ce projet de loi, les démocrates du Sénat entameront un débat de plusieurs jours sur le plan fiscal qui sous-tend le plan économique de 3’500 milliards de dollars du président Biden.

La semaine qui débute sera nettement plus pauvre que les précédentes en termes de résultats de sociétés. Nous suivrons notamment ceux de  DIS, EBAY, DISH, JWN, PRGO, SYY, TSN, WEN, WIX, AMC, PLNT, ARMK, CHGG, ABNB, HAE, DASH, COIN et GDRX. En ce qui concerne le calendrier économique, les ouvertures d'emplois JOLTS seront suivies de l'indice NFIB des petites entreprises, des coûts unitaires de main-d'œuvre SAAR q/q (prélim.) et de la productivité SAAR q/q (prélim.) mardi. Mercredi, le vice-président exécutif de la Banque de réserve fédérale de New York, M. Logan, s'exprimera en vidéoconférence. Les chiffres de l’indice des prix à la consommation, les salaires horaires, la semaine de travail moyenne et le budget du Trésor sont attendus, tandis que les données hebdomadaires des demandes d'emploi et l'indice des prix à la production sont prévus jeudi. Pour terminer la semaine, les indices des prix à l'exportation et à l'importation et le sentiment du Michigan (préliminaire) sont attendus.

Parmi les indicateurs du jour, les chiffres de l'emploi en suisse (2,8% au mois de juillet, en ligne et inchangé, mais comment faisons-nous donc?), l'indice du sentiment des affaires de la Banque de France et l'enquête JOLTS sur les ouvertures de postes aux Etats-Unis. Au cours du weekend, la Chine a fait état d'une nette hausse de ses exportations en juillet, même si la dynamique est un peu moins forte que prévu par les économistes, et d'une inflation annuelle de 1% en juillet, après 1,1% en juin. En outre, les prix à la production restent orientés en vive hausse, davantage que ce qui était prévu.

Philip Morris a relevé son offre sur Vectura à 165 GBp par action, contre 150 GBp initialement et une surenchère à 155 GBp de Carlyle. Le patron de Logitech pense possible de réaliser un nouveau record de chiffre d'affaires sur l'exercice 2020/2021. Continental Grain et Cargill seraient proches de racheter le géant des poulets Sanderson Farms pour 4,5 milliards de dollars, selon le Wall Street Journal. Aramco dégage 25,5 milliards de dollars de bénéfice net au deuxième trimestre. Sika se renforce au Mexique. ByteDance relance son projet d'IPO à Hong Kong malgré la pression exercée par Pékin sur son secteur technologique.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse, hormis Séoul qui recule de 0,30%. Tokyo est fermée, Hong Kong progresse de 0,39% et Shanghai avance de 1,02%. Les acteurs chinois des semi-conducteurs sont chahutés en bourse après que la télévision d'Etat eut suggéré que Pékin pourrait taper sur les doigts des entreprises qui spéculeraient sur les pénuries actuelles. Le future SPX recule de 12 points et l’Europe ouvre en repli d’environ 0,2%. La période la plus calme de l’été débute ce matin, de nombreux indices traitent à des records historiques, les résultats de sociétés sont derrière nous et l’horizon semble se dégager pour que la Fed pense passer à la prochaine étape de sa politique monétaire. Le PE (Price Earning) du SPX à 12 mois se situe à 21,1 contre une moyenne de 16,2 sur les dix dernières années, mais le TINA (There Is No Alternative) et le FOMO (Fear Of Missing Out) sont là qui veillent, quelque peu inquiétés il est vrai par le rebond des rendements obligataires. Les volumes d’échanges vont se réduire considérablement à Wall Street ces deux prochaines semaines, la volatilité est bon marché, qui offre des possibilités de couvertures à bon compte, bienvenue en plein «summer doldrums».

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