Gonet: l'actualité des marchés au 8 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

3 minutes de lecture

Dow -1,72%, S&P 500 -1,53%, Nasdaq -1,25%, Russell 2000 -1,11%, SOX -1,07%, Eurostoxx -0,81%, SMI -0,75%.

On connait le vieil adage boursier, qui suggère à tout un chacun de ne pas combattre la Fed. Et bien figurez-vous qu’hier le marché obtient une énième confirmation du bien-fondé de cette maxime. Plantons rapidement le décor: le joyeux royaume des actions se détendait depuis quelques jours, grâce à une toute petite phrase du patron de la Fed d’Atlanta, Raphael Bostic qui évoquait la possibilité d’une pause dans le cycle de hausses de taux d’ici à la fin de l’été. Et puis hier en fin d’après-midi, Dark Vador Jerome Powell prend la parole devant la commission bancaire du Sénat des Etats-Unis et lui tient à peu près ce langage: «Les dernières données économiques ont été plus fortes qu’attendu, ce qui suggère que le niveau final des taux d'intérêt sera probablement plus élevé que prévu». Crispation générale, Oncle Jay n’en a cure et poursuit: «Les pressions inflationnistes sont plus fortes que lors de la dernière réunion de la Fed». La courbe des taux US s’affole, le premier banquier au monde s’en moque et prononce la sentence: «le niveau final des taux d'intérêt sera probablement plus élevé que prévu, la Fed est prête à accélérer le rythme des hausses de taux si l'ensemble des données devait indiquer qu'un resserrement plus rapide est justifié».

Le discours du patron de la Réserve Fédérale des Etats-Unis est puissant est sans équivoque. Après les performances boursières observées depuis le premier janvier, nul n’aurait été choqué de voir les indices d’actions rendre 3 à 4%, et pourtant point de réaction de ce genre sur cette partie-ci du marché, ça recule certes, mais dans des proportions fort raisonnables, j’y reviens. Le marché obligataire en revanche envoie un signal clair comme de l’eau de roche : la volonté affichée de la Fed d’emmener ses taux encore plus haut va tuer la croissance. Voyez la courbe des taux et le spread 2 / 10 ans, qui s’écarte ce matin à -106 points de base (c’est le rendement du 2 ans qui a explosé à la hausse). Ce niveau de spread n’avait plus été observé depuis 1981. En parallèle, le pétrole chute de 4%, le baril de WTI Light Crude revient à 77.11$. Alors certes, on peut attribuer une partie de ce repli à la force du dollar (la paire EUR/USD est de retour à 1.0542), mais mon petit doigt me souffle que les craintes croissantes de récession sont la principale raison de la chute du prix du baril. L’or se replie à 1814 dollars l’once.

Ces craintes de récession affichées par au moins deux classes d’actifs dans le marché disent l’importance croissante que prend le calendrier macro de ces prochains jours. Vendredi sera publié le rapport mensuel sur l’emploi américain, la semaine prochaine la Fed sera bâillonnée (black out period), le second oral de Jerome Powell d’aujourd’hui sera donc scruté à nouveau, même s’il semble peu probable qu’il revienne sur ses propos d’hier. Mardi prochain ce sera le tour de l’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis et, le 22 mars, la réunion de la Fed, le marché anticipe désormais 60% de probabilités d’une hausse de 50 points de base à cette occasion, puis 25 points de base en mai. Le taux terminal de la Fed est désormais attendu à 5,63%.

On revient à Wall Street avec un indice S&P500 (SPX) qui plonge dès le début du discours de Jerome Powell, pour clôturer près de son plus  bas du jour. Tous les secteurs du SPX reculent, avec sur le podium du jour les biens de consommation de base, les services de communication et la technologie, étonnant. Les volumes d’échanges sont faibles avec 9,49 milliards de titres traités sur le NYSE. La volatilité retrouve logiquement des couleurs, le VIX gagne 5,2% à 19,59. Le breadth est déplorable, seulement 6% des titres du SPX terminent leur journée dans le vert. Techniquement, le SPX repasse en-dessous de sa moyenne mobile à 50 jours en clôture, mais se maintient bien au-dessus sa 200 jours, qui constitue le support de référence et se situe à 3940 points, contre une clôture à 3986 pts hier soir. Les 4'000 points sont franchis à la baisse à nouveau, mais on ne peut s’empêcher de se dire que la casse est bien limitée Downtown Manhattan hier soir.

Selon Ken Griffin, l'économie américaine se dirige vers une contraction. «Les conditions d'une récession sont en train de se mettre en place», déclare le fondateur de Citadel. Les hausses de taux de la Fed n'ont qu'une efficacité limitée dans la lutte contre l'inflation, ajoute-t-il. Il compare l’action de la Fed à «une opération chirurgicale avec un couteau émoussé». Selon Rick Rieder, de BlackRock, la Fed pourrait porter son taux directeur à 6% au cours de ce cycle en raison de la vigueur de la masse salariale et de la rigidité de l'inflation. De son côté, Goldman ajoute une hausse de la Fed en juillet à ses prévisions et relève son estimation du pic.

La RBA (Reserve Bank of Australia) approche du moment où une pause dans son cycle de resserrement de la politique monétaire sera nécessaire. «La politique monétaire étant désormais restrictive, nous nous rapprochons du moment où il conviendra de suspendre les hausses de taux d'intérêt afin de disposer de plus de temps pour évaluer l'état de l'économie», déclare le gouverneur Philip Lowe. Il s'exprime un jour après avoir relevé les taux d'intérêt à leur niveau le plus élevé depuis 2012.

Les États-Unis pourraient assouplir les exigences en matière de tests Covid pour les voyageurs en provenance de Chine vendredi, car les cas diminuent dans ce pays, selon le Washington Post. Ils ont imposé cette obligation le 5 janvier, alors qu'une vague d'omicron déferlait sur le pays.

Au menu macro-économique du jour, la production industrielle allemande (sortie nettement plus forte que prévu) précèdera aux Etats-Unis l'enquête ADP sur l'emploi (14h15) et l'enquête JOLTS (16h00).

Kuehne + Nagel: Baader Helvea reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 239 à 278 francs. Adidas: le dividende va être réduit à 0,70 euro. Geberit: le bénéfice net est supérieur aux prévisions pour 2022. Logitech: les revenus sont attendus en baisse marquée sur le premier semestre du nouvel exercice qui débutera en avril. Intel demande 5 milliards de dollars supplémentaires de subventions allemandes pour une usine de fabrication de puces électroniques. JetBlue et Spirit Airlines poursuivent leur fusion malgré les poursuites antitrust engagées par le ministère américain de la justice. L'UE et la Suisse ouvrent une enquête sur l'industrie des parfums à la suite d'allégations d'entente, visant notamment Givaudan. Heineken réaffirme son intention de quitter la Russie et espère un accord au premier semestre. PayPal annonce que Blake Jorgensen quitte son poste de directeur financier. Salesforce dévoile une intelligence artificielle générative pour les ventes et Slack en partenariat avec OpenAI.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en repli, à l’exception de Tokyo qui profite du renforcement du dollar contre le yen, l’indice Nikkei225 gagne 0,48% à la cloche. Hong Kong recule de 2,37%, Shanghai égare 0,06% et Séoul perd 1,28%. Le future SPX traite à l’équilibre, il semble entré en catatonie, probablement dans l’attente des payrolls de cette fin de semaine. L’Europe ouvre en repli de 0,4%.

A lire aussi...