Gonet: l'actualité des marchés au 6 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Wall Street fermée, Eurostoxx -1,53%, SMI -0,66%.

La vie boursière peut parfois y ressembler, mais en ce moment elle est loin d’être un long fleuve tranquille. Cette semaine débute en l’absence de Wall Street, occupée à célébrer le Labor Day, qui tire ses origines d'une grève des cheminots qui, en 1894, avaient voulu soutenir les ouvriers de l'entreprise Pullman, eux-mêmes en grève contre leur employeur. Sujet d’actualité s’il en est, on observe depuis quelques temps de timides tentatives de constitutions de syndicats dans des firmes comme Apple, Amazon ou encore Google. Ces tentatives sont bien souvent réprimées dans l’œuf par les directions concernées, qui font des concessions tout en ne cédant pas un pouce sur leur volonté farouche de ne pas laisser naître ces syndicats tant espérés par leurs otages employés. Pour en revenir à Wall Street, je me demande du coup si le mot « célébrer » est approprié en la matière, ceci dit les indices boursiers des Etats-Unis restent fermés hier et privent du coup leurs alter ego européens de boussole.

Sur le vieux continent, les indices font grise mine. Vladimir Poutine a abattu une carte majeure en ordonnant à Gazprom de ne pas rouvrir le robinet du gazoduc Nordstream 1, la crise énergétique prend un peu plus d’ampleur et les marchés chutent de 3% à l’ouverture. Le piège semble se refermer sur la vieille Europe, mal équipée en réserves énergétiques, faisant face à une récession de plus en plus probable alors que sa banque centrale s’apprête à accélérer le rythme de ses hausses de taux, l’inflation ne cédant pas de terrain. La séance se termine un peu moins mal qu’elle n’a débuté, l’indice Eurostoxx 50 recule au final de 1.5% alors que le Footsie 100 britannique se paie le luxe de grappiller 0.09%, probablement pas pour fêter l’arrivée de Liz Truss au pouvoir mais simplement parce qu’il est composé de beaucoup de firmes pétrolières et minières, ces secteurs menant le bal hier. En Allemagne, le Dax prend cher et abandonne 2.2%, pénalisé par l’importante présence de sociétés industrielles. Notons que le secteur automobiles souffre hier après que Morgan Stanley a publié une note prudente sur le secteur, une vue qui n’est pas partagée par tout le monde et de loin, de nombreux analystes estiment que le parc automobile a fondu, que la demande refoulée (essayez donc de commander une voiture neuve et de la recevoir avant 12 mois), l’amélioration notable de la chaine d’approvisionnement et le retour à des valorisations raisonnables plaident en faveur du secteur automobile européen. Quoi qu’il en soit, la note de Morgan Stanley fait effet hier, ou plutôt provoque une exagération du mouvement baissier de ce lundi.

La semaine des marchés débute réellement aujourd’hui avec le retour de Wall Street aux affaires, une Europe qui semble toujours déprimée par son état de manque de gaz évident et un agenda assez léger, mais marqué d’une croix rouge jeudi, jour où la Banque Centrale Européenne (BCE) annoncera sa décision sur les taux d’intérêts. Les économistes s’attendent à une hausse de 75 points de base, ce qui est littéralement énorme. En parallèle du discours de Christine Lagarde, qu’elle donnera aux alentours des 14h30, le patron de la Fed Jerome Powell parlera également, pas certain que le timing soit judicieux mais c’est ainsi, après tout nous sommes équipés de deux oreilles…Le sentiment du marché, même s’il est probablement plus solide que de nombreux ours voudraient l’admettre, a pris de nombreux uppercuts dans la figure ces derniers temps, cela a débuté avec le discours de Jackson Hole, il y a dix jours, à l’occasion duquel Jerome Powell a remis les pendules à l’heure en ne laissant pas de place au doute, la Fed reste dans une dynamique de hausses de taux, quitte à faire trébucher la sacro-sainte croissance économique des Etats-Unis. C’est précisément la politique monétaire des banques centrales, Fed en tête, qui importe réellement aux marchés des actions. En ce moment, leurs doses quotidiennes de liquidités s’évaporent lentement mais surement, ce qu’ils détestent au plus haut point. Ces trois semaines à venir sont pavées de banques centrales (BCE, Banque d’Angleterre et Fed), on peut donc s’attendre à ce que dame volatilité reste parmi nous jusqu’au 21 septembre au minimum, mais gardons en tête que tout n’est pas à jeter dans ce marché, loin de là, de belles opportunités commencent à se dessiner pour qui sait faire preuve de patience.

La livre sterling poursuit son rebond après que des fonctionnaires proches de la nouvelle première ministre aient déclaré que Liz Truss réserve jusqu'à 130 milliards de livres sterling pour plafonner les factures énergétiques annuelles des ménages en dessous de 2’000 livres sterling. Ce montant est à comparer aux presque 3’600 £ par an que les factures devaient atteindre cet hiver. Dans le cadre de ce plan, les compagnies d'énergie factureront moins aux consommateurs et le gouvernement comblera la différence. Liz Truss entre en fonction aujourd'hui après avoir rencontré la reine Élisabeth en Écosse. Le Câble revient à 1.1600.

L'Allemagne maintiendra deux centrales nucléaires ouvertes cet hiver, contrairement à ce qui était prévu, après qu'il soit devenu évident que l'approvisionnement en gaz sera insuffisant en raison de la décision de la Russie de ne pas reprendre les flux de Nord Stream. Olaf Scholz et Emmanuel Macron conviennent de s'entraider avant les négociations européennes de cette semaine, M. Macron s'engageant à acheminer du gaz vers l'Allemagne si nécessaire. Gazprom déclare que l'utilisation de la seule turbine à gaz fonctionnelle au point de départ de Nord Stream n’est pas conforme aux exigences de sécurité obligatoires, suite à la découverte de fuites de pétrole. La Russie met le problème de la station de compression sur le compte des sanctions. Je me demande sincèrement pourquoi ils prennent encore la peine de justifier leurs actions. Cela dit, Vladimir dispose-t-il d’un levier supplémentaire après avoir fermé Nordstream ? on verra bien mais il semble que le maître du Kremlin ait montré son jeu.

"Les alliés de l'Ukraine devraient faire tout leur possible pour aider à mettre fin rapidement à l'invasion de la Russie, car Moscou est prêt à poursuivre le combat pendant une longue période» déclare le premier ministre ukrainien Denys Shmyhal. "Le temps jouera en faveur de la Russie", ajoute-t-il, précisant que Kiev remplit toutes ses obligations en matière de transit de gaz envers les clients européens et pourrait pomper cinq fois plus que le volume actuel.

Le super typhon Hinnamnor laisse une traînée d'inondations, de pannes de courant et de perturbations après avoir traversé la Corée du Sud. Selon les projections du US Joint Typhoon Warning Center, la tempête se déplace dans la mer orientale de la Corée et pourrait toucher terre à nouveau dans l'est de la Russie.

Au menu macro-économique du jour, les commandes d'usines allemandes (8h00) précéderont, aux Etats-Unis, l'indice PMI des services (15h45) et son alter-ego l'ISM des services (16h00).

Volkswagen va lancer l'IPO de Porsche. Gazprom affirme que la reprise de Nord Stream 1 dépend de Siemens Energy. CVS va acheter Signify Health dans le cadre d'une transaction de 8 milliards de dollars. Le régulateur irlandais inflige une amende de 405 millions d’euros à Instagram (Meta Platforms) pour les données sur les enfants. Les pilotes de Lufthansa feront à nouveau grève cette semaine, selon un syndicat. Siemens Energy rejoint le DAX à la place d'HelloFresh. Honda forme un partenariat avec Hanwa pour un approvisionnement stable en métaux pour batteries. Philip Morris pourrait abaisser le seuil de succès de l'offre sur Swedish Match, selon l’agence Bloomberg. La mort du directeur financier de Bed Bath & Beyond est considérée comme un suicide.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en légère hausse. Tokyo grappille 0.03% à la cloche, Hong Kong gagne 0.14%, Shanghai progresse de 1.37% et Séoul monte de 0.26%. Le future SPX avance de 0.4% et l’Europe ouvre en baisse de 0.2%. Le dollar rend un peu de terrain face à l’euro, la paire traite à 0.9971, le pétrole reste faible et se maintient en-dessous des 90 dollars le baril de WTI Light Crude tandis que l’or remonte légèrement, à 1717 dollars l’once. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans progresse à 3.25%, c’est intéressant car cela ne semble pas froisser les actions américaines, à suivre de près, le sentiment du marché pourrait être plus solide qu’en apparence.

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