Gonet: l'actualité des marchés au 5 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

5 minutes de lecture

Dow -1,07%, S&P 500 -1,07%, Nasdaq -1,31%, Russell 2000 -0,72%, SOX -1,02%, Eurostoxx +2,54%, SMI +2,14%.

A ma gauche le dollar, en forme olympique, à ma droite l’euro et la livre sterling, dans les cordes comme rarement, j’y reviens tout au long de cette chronique.

La séance boursière de vendredi est un peu bizarre à plusieurs titres, notamment si l’on compare les performances de chaque côté de l’Atlantique, le timing is définitivement everything. Le très attendu rapport américain sur l’emploi génère quelque ardeur dans le camp des taureaux, surtout après que l’on eût réalisé que le taux de participation (la part de la population qui travaille ou cherche du travail) augmente à 62.4% contre 62.2% attendus. En grattant la surface de cette statistique, on réalise que le taux de participation des travailleurs âgés entre 25 et 54 ans augmente fortement, à 82.8%. Ce taux de participation en hausse constitue indéniablement une bonne nouvelle pour la Fed, car il pourrait conduire à un nouveau ralentissement de la croissance des salaires mensuels et vient s’ajouter aux signes de ralentissement des pressions inflationnistes. Ancien gouverneur de la Fed,  Randall Kroszner souligne que : « Plus les gens reviennent sur le marché du travail, plus cela contribue à réduire l'étroitesse de ce marché. ». Et l’on sait que la pire des inflations est celle induite par les salaires. Ajoutez à cela un taux de chômage qui remonte à 3.7%, les économistes prédisaient un statu quo à 3.5%, et tout le marché de revoir ses attentes de hausses de taux pour le FOMC du 21 septembre. Les Fed Funds prévoient désormais 63% de probabilités de 75 points de base à cette occasion, contre 71% de chances avant le rapport sur l’emploi.

La première réaction du marché est de globalement se détendre. Après tout on est vendredi, les actions prennent la route du nord, la volatilité se fait discrète, les rendements obligataires se détendent, surtout sur la partie courte, le dollar rend du terrain et revient à parité contre euro, le pétrole n’en a cure, trop empêtré entre la volonté farouche de l’Opep+ de lui maintenir la tête au-dessus de 100 dollars le baril et les craintes de ralentissement économique en Chine, qui pourraient impacter considérablement la demande. On peut donc dire que le marché prend bien ce rapport et que la séance de vendredi devrait permettre un apéro en toute tranquillité, suivi d’un diner ma foi fort agréable.

Mais ça, c’est sans compter sur Vladimir…

Un peu comme dans un mauvais James Bond, Gazprom (Vladimir étant trop occupé à rendre hommage à Michael Gorbatchev), annonce que le gazoduc Nord Stream, qui devait reprendre du service ce samedi, ne livrera plus aucune molécule de gaz jusqu'à nouvel ordre. Arrêté depuis 3 jours pour des opérations de maintenance, le gazoduc, qui relie la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique, rencontrerait de nouveaux problèmes techniques sur une turbine. Sur la messagerie Telegram, Gazprom fait état d'une fuite d'huile. Le Kremlin affirme de son côté que le problème serait lié à une pénurie de pièces de rechange en raison des sanctions visant la Russie. Moscou affirme notamment que ces sanctions empêchent la restitution d'une turbine Siemens qui avait été envoyée au Canada pour y être réparée. L'Allemagne, où se trouve la turbine, assure que c'est la Russie qui bloque le retour de cette pièce-clé. Hormis le fait que Vladimir se fiche de nous comme rarement et que, au passage, il nous rappelle de plus en plus souvent qui a la main sur le robinet de gaz (Winter is coming), on se dit une fois de plus que gouverner, c’est prévoir, dans les livres tout au moins…mais qu’ont donc fait les dirigeants européens ces dix dernières années à ce sujet, si ce n’est rien…

Je vous prie donc de bien vouloir oublier les évolutions de différentes classes d’actifs mentionnées ci-dessus, on reprend tout à zéro. Le S&P500 (SPX) renverse la vapeur après l’annonce de Gazprom, il termine sa séance tout près de son plus bas du jour, le seul secteur parvenant à terminer la journée dans le vert étant celui de … l’énergie. Il n’y a pas que du mauvais sur la partie des actions ceci dit, la volatilité ne bouge guère, le VIX clôture même en léger repli à 25.47. Les indices sont maintenus en respect par les grosses capitalisations technologiques, toujours compliqué de monter lorsqu’elles boudent. Le dollar retrouve de belles couleurs et revient à 0.9897 contre euro, on n’avait plus vu un tel niveau depuis 20 ans. La pénurie d'énergie sur le vieux continent pourrait exacerber la pression sur la monnaie unique, ce d’autant plus que ce jeudi la Banque Centrale Européenne doit annoncer sa décision sur les taux d’intérêts, elle est clairement en retard et la pression monte fortement sur ses épaules. Le pétrole ? Et bien il reste empêtre dans ce que vous savez et n’évolue guère, ce matin il traite à 88.84 dollars le baril de WTI Light Crude. L’or n’en fait qu’à sa tête et se maintient légèrement au-dessus de 1700 dollars l’once.

Revenons au rapport américain sur l’emploi, dont on peut se demander s’il va influencer notablement les votes au FOMC du 21 septembre. La réponse est probablement non, certes cela donne du grain à moudre au moulin des colombes, le camp des 50 points de base grappille du terrain, mais gardons en tête que la Fed dit depuis quelques temps qu’il lui faut un pivot pour changer de cap, pas certain que ce rapport en soit un. Ceci dit, le marché obligataire confirme vendredi en soirée la détente sur la partie courte, le spread 2 / 10 ans revient à -20 points de base, sachant que le 10 ans évolue à 3.19%, ce qui nous indique que l’optimisme augmente dans les salles de marchés que la Réserve Fédérale pourrait réaliser un exploit rare, remonter ses taux sans provoquer de récession.

Vous aurez noté que l’Europe termine sa séance de vendredi de fort belle façon, l’Eurostoxx décollant de 2.5%. Grâce à Vladimir, le future Eurostoxx est indiqué en repli de … 2.5% ce matin.

Nous voici donc avec un dollar plus fort que jamais, un euro dans les cordes (l’arrivée potentielle de l’extrême droite au pouvoir en Italie le 25 septembre n’arrange rien)  et une livre sterling qui peine à s’enthousiasmer pour la nomination attendue de Liz Truss au poste de première ministre du Royaume-Uni. Madame Truss devrait être nommée Premier ministre britannique par la reine demain. Elle devra faire face à un hiver difficile, marqué par une inflation galopante, une récession et une baisse record du niveau de vie due à l'augmentation des prix de l'énergie. Elle a été la favorite pendant une grande partie de l'été, alors que la livre, les gilts et les obligations d'entreprises ont connu des chutes importantes. Selon un sondage YouGov, seuls 12% des Britanniques pensent que Mme Truss sera un bon leader, tandis que 52% s'attendent à une mauvaise performance. Tout cela vend du rêve…

Le marché anticipe que la BCE va devoir relever ses taux de 125 points d'ici la fin octobre, ce qui implique un tour de vis de 50 et un autre de 75 points à répartir entre les réunions de septembre et octobre. Le piège semble se refermer sur le vieux continent, entre ralentissement économique, hausse de taux et crise énergétique majeure.

L'Allemagne s’engage à verser environ 65 milliards d'euros pour aider les ménages à régler leurs factures d'énergie. La redistribution des bénéfices des compagnies d'électricité pourrait générer "plusieurs, plusieurs milliards" d'euros, selon Olaf Scholz. La Suède fournira aux compagnies d'électricité des pays nordiques et baltes jusqu'à 250 milliards de couronnes (23,2 milliards de dollars) de garanties de crédit, tandis que la Finlande mettra en place un filet de sécurité d'urgence de 10 milliards d'euros pour aider les compagnies d'électricité.

L'administration Biden envisage des mesures qui limiteraient les investissements américains dans les entreprises technologiques chinoises, alors que les tensions s'accroissent entre les deux pays, selon des personnes bien informées. Ces restrictions prendraient probablement la forme d'un décret qui serait signé dans les mois à venir. Une action distincte contre TikTok est possible mais aucune action n'est imminente. Le département du commerce pourrait également imposer de nouvelles restrictions sur les puces d'intelligence artificielle.

Le marché a de la peine à se projeter sereinement dans l’environnement actuel. Ces trois semaines à venir seront pavées de banques centrales (la BCE ce jeudi, la Banque d’Angleterre la semaine prochaine et la Fed le 21 septembre). Dans un tel contexte, on peut s’attendre à ce que la volatilité reste encore un peu parmi nous. Dans le même temps, la crise énergétique qui bouleverse le vieux continent impacte fortement le sentiment du marché, rendez-vous donc ce jeudi pour l’annonce de la BCE, mais aussi un discours de Jerome Powell.

Au menu macro-économique du jour, les indices PMI finaux d'août pour les services sont publiés tout au long de la journée, à partir de 02h30 au Japon et jusqu'à 10h30 au Royaume-Uni. Jour férié oblige, il sera publié mardi aux Etats-Unis. Les investisseurs attendent aussi les ventes de détail européennes (11h00).

Le conseil d'administration de Volkswagen se réunit lundi pour trancher sur l'IPO Porsche. UBS abandonne son projet de rachat de Wealthfront, une opération à 1,4 milliard de dollars. Enfin un peu d’élégance dans l’indice, Costar et Invitation Homes vont entrer dans le S&P500 aux dépens de PVH et Peen Entertainement. Advanced Micro Devices remplace DuPont dans le S&P100. Credit Suisse pourrait considérablement réduire la voilure en banque d'investissement, en particulier aux Etats-Unis (SonntagsZeitung). Le directeur financier de Bed Bath & Beyond fait une chute mortelle du 18e étage d'un gratte-ciel de New York. Israël va interdire en mars 2023 les B747 et d'autres quadrimoteurs pour des raisons environnementales. Ford enregistre une hausse de 27% des ventes de véhicules aux États-Unis en août.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en léger repli, hormis Shanghai qui progresse de 0.28%. Tokyo égare 0.11% à la cloche, Hong Kong perd 1.05% et Séoul recule de 0.24%. Le future SPX progresse de 0.3% tandis que l’Europe ouvre en baisse de 2.5%, la faute à Vladimir.

Ce lundi 5 septembre pourrait être plutôt calme sur les places boursières, Wall Street restera fermée pour le Labor Day.

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