Gonet: l'actualité des marchés au 6 avril

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

3 minutes de lecture

Dow -0,80%, S&P 500 -1,26%, Nasdaq -2,24%, Russell 2000 -2,36%, SOX -4,53%, Eurostoxx -0,84%, SMI +0,29%.

Wall Street sort de sa torpeur haussière et réalise que le joyeux monde de la finance (sponsorisé par les banques centrales) n’est plus. Le sentiment du marché en prend pour son grade avec en mise en bouche l’annonce de nouvelles sanctions à l’encontre de Moscou et des Européens qui semblent déterminés à renoncer à acheter du charbon russe, voire du pétrole pour certains d’entre eux. Mais le principal uppercut est administré par Lael Brainard et Esther George, toutes deux votant au FOMC, qui répètent leur détermination à relever les taux et plutôt rapidement, on parle ici de 50 points de base lors de la réunion du mois de mai. Madame Brainard ajoute que la taille du bilan de la Fed doit diminuer plus vite que prévu, ce qui équivaut à des hausses de taux supplémentaires dans les faits. Nombreux sont les acteurs actuels de la finance qui n’ont jamais connu un marché volant de ses propres ailes. Depuis 2009, les banques centrales, Fed en tête, ont injecté des tombereaux de liquidités dans le système financier et ce dernier s’y est accoutumé. La finance mondiale est en phase de débuter sa période de sevrage, cela prendra probablement du temps et laissera des intervenants sur le bas-côté. Mais hier, c’est aussi du côté des statistiques économiques qu’il faut regarder. L’indice américain ISM non manufacturier sort à 58,3% pour le mois de mars, les économistes s’attendaient à 58,5% et le chiffre de février était à 56,5%. La composante des prix payés de l’indice atteint 83,8%, son deuxième plus haut niveau de tous les temps. S’il subsistait encore des «inflation sceptiques», ils ont probablement disparu du coup.

Dans un tel contexte, le marché obligataire réagit plutôt violemment et envoie le rendement de l’emprunt US à 10 ans à 2,61%. Le 2 ans évolue à 2,58%, la courbe 2 – 10 ans n’est donc plus inversée mais la 5 – 10 ans traite à -15 points. L’aversion au risque fait un retour en force, les actions de croissance sont délaissées et on recherche les valeurs défensives que sont les sociétés de consommation de base et les utilitaires. Au chapitre des secteurs, la technologie souffre particulièrement, les actions chinoises cotées au NYSE également (après leurs belles hausses récentes). Les automobiles, les firmes de voitures électriques particulièrement, souffrent de craintes que la chaine d’approvisionnement souffre encore un peu plus après l’annonce de nouvelles sanctions. Joyeuse bulle d’air dans cet océan de rouge, les titres de croisiéristes parviennent à garder la tête hors de l’eau, le thème de la réouverture carbure à plein régime, le secteur annonce les plus importantes réservations de son histoire cette semaine.

La volatilité reprend du service, le VIX (volatilité du SPX) gagne 13% et revient à 21. Le dollar est recherché, la paire EUR/USD traite à 1,0890. Le pétrole se replie, le baril de WTI Light Crude revient à 102,04 dollars. L’or fait de même, l’once traite à 1916 dollars ce matin. L’indice des transports, le TRAN, perd 2,81% supplémentaires, rappelons ici qu’il avait refusé de valider la hausse de vendredi, en reculant de 5% ce même jour. Techniquement, la configuration du SPX se détériore quelque peu, l’indice repasse en-dessous de sa moyenne mobile à 100 jours, il regarde désormais sa 200 jours (4489 points contre une clôture à 4525 hier soir). Les volumes d’échanges restent mesurés, il reculent d’ailleurs encore un peu hier, le marché s’inquiète mais ne capitule pas.

Un petit mot d’encouragement à l’attention des taureaux. Le Nasdaq Composite a déjà récupéré plus de 50% de sa baisse récente en seulement 15 jours à partir de son dernier plancher en 52 semaines. De tels retraits rapides et significatifs ont historiquement une forte tendance à conduire à de nouveaux gains. La plupart des rebonds de «bear markets» échouent lorsque l'indice a retracé moins de 25% de sa baisse au cours des 15 premiers jours. Un petit mot d’encouragement donc, qui n’a en aucun cas valeur de prédiction mais rappelle le comportement passé de l’indice.

Il avait annoncé vouloir rester un investisseur passif, il aura tenu environ un jour. Elon Musk rejoint le conseil d’administration de Twitter, il demande aux utilisateurs de Twitter s’ils souhaitent un bouton pour corriger leurs posts, l’action gagne 2% après avoir décollé de 27% la veille.

Pour ne rien arranger à l’ambiance du jour, hier le marché découvre que l’élection présidentielle française n’est pas forcément jouée d’avance. Bon, dans les faits on le sait depuis quelques temps, mais le marché décide de s’en rendre compte hier et se met à craindre l’arrivée de Marine Le Pen à l’Elysée. Du coup les CDS (Credit Default Swaps, des assurances contre le risque de défaut d’un émetteur) de la dette française grimpent et le CAC40 sous-performe notablement ses pairs européens. Le premier tour a lieu ce dimanche, les probabilités sont importantes que le second tour oppose Emmanuel Macron à Marine Le Pen, à suivre donc.

La Russie fait face à de nouvelles sanctions de la part des États-Unis et de ses alliés, notamment une interdiction américaine d'investir dans le pays. Les gouvernements annonceront aujourd'hui des sanctions accrues à l'encontre des institutions financières et des entreprises d'État russes et sanctionneront des responsables non spécifiés ainsi que les membres de leur famille, déclare la Maison Blanche. Les sanctions frappent déjà le marché automobile russe. Les ventes de véhicules neufs ont chuté de 60% en mars par rapport au mois précédent chez Rolf, déclare la CEO Svetlana Vinogradova. Elle s'attend à ce que la demande chute de moitié sur l'ensemble de l'année. La chute du rouble entraîne une hausse des prix, les producteurs devant faire face à l'augmentation du coût des pièces détachées. Les prix des voitures Haval de Great Wall Motor assemblées en Russie ont bondi de 50% depuis le début de la guerre.

Les commandes d'usines allemandes de février (8h00) et les minutes de la dernière réunion de la Fed (20h00) sont au programme aujourd'hui. En Chine, l'indice PMI Caixin des services plonge à 42 points en mars (un indice inférieur à 50 signale une contraction économique).

TotalEnergies: Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 50 euros. JetBlue propose 33 dollars par action Spirit Airlines, pour contrer l'offre de Frontier Group. Intel suspend ses activités en Russie. Amazon commande des lancements de satellites auprès de 3 sociétés, dont Arianespace. Lonza vend la plateforme MAST à une filiale de Merck. Des entreprises d'Etat chinoises volent au secours du promoteur Kaisa Group. Twitter teste un bouton pour corriger ses tweets. Black Knight songe à se vendre après une manifestation d'intérêt. General Motors et Honda vont étendre leur collaboration en matière de véhicules électriques grand public. La FDA retire l'autorisation du traitement COVID de GlaxoSmithKline et Vir Biotech face à l'augmentation des cas de BA.2.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices sont orientés à la baisse. Tokyo perd 1,58% à la cloche, Hong Kong recule de 1,29%, Shanghai est à l’équilibre et Séoul se replie de 0,88%. Le future SPX grappille 4 points et l’Europe ouvre à l’équilibre. L’heure est à la prudence, voire à l’aversion au risque, le rebond récent des indices d’actions peut être questionné et semble d’ailleurs l’être, dans un tel contexte les minutes de la dernière réunion de la Fed de ce soir revêtent une importance majeure.

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