Gonet: l'actualité des marchés au 21 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,01%, S&P 500 -1,13%, Nasdaq -0,95%, Russell 2000 -1,40%, SOX -1,49%, Eurostoxx -0,93%, SMI -1,32%.

Réjouissons-nous! Ce premier jour de l’automne est un jour de Fed. Je ne fais pas ici allusion à notre icône nationale, qui redescend quelques jours sur terre à partir de vendredi afin de dire au-revoir au peuple aux fans à l’occasion de la Laver Cup, certains adeptes étant prêts à payer jusqu’à 19'500 francs par billet pour voir Roger Federer sur un court une dernière fois. Et dire que des esprits chagrins prétendent que l’inflation est parmi nous…Plus sérieusement, aujourd’hui est effectivement un jour de Fed, la Réserve Fédérale des Etats-Unis annonce sa décision sur les taux d’intérêts à 20 heures, heures de Genève. Le marché est certain que la hausse du jour sera de 75 points de base, avec un zeste de suspense pour 100 bps, histoire de dire (les Fed Funds indiquent 25% de probabilités). Retournez l’actualité du jour dans tous les sens, le discours de Vladimir compris, c’est la Fed et rien que la Fed qui intéresse le marché à moyen terme. Le nombre de points de base de hausse est certes important, mais ce qui compte et de loin le plus c’est le discours de Jerome Powell qui aura lieu à 20h30. Ce moment est tellement attendu par les investisseurs qu’ils se mettent à faire tout et n’importe quoi sur les différentes classes d’actifs, j’y reviens. Pour en revenir à oncle Jerome, la donne est fort simple : les marchés se redresseront si le premier banquier du monde se montre un chouia plus optimiste qu’eux-mêmes quant à l’état général de l’économie des Etats-Unis, tout en laissant entendre qu’un jour l’inflation finira bien par ralentir sa croissance un peu folle. Chers taureaux, autant vous dire que ce n’est pas gagné d’avance… mais rien ne sert d’anticiper, laissons le boss de la Fed s’exprimer, avisons ensuite.

Alors certes, de nombreuses autres banques centrales sont de sortie cette semaine. Hier la Riskbank la bien nommée nous relève ses taux de 100 points de base, le marché attendait 75 bps. Ça ne rigole plus en Suède, ceci dit la Riskbank ne dispose plus que d’une «fenêtre de tir» pour bouger ses taux d’ici à la fin de l’année, on comprend mieux qu’elle ait décidé de frapper fort hier. Demain nous aurons droit à la Banque d’Angleterre, le marché attend un relèvement de 50 points de base, la BNS devrait remonter son taux directeur de 75 points de base, ce qui mettrait un terme à sa politique de taux négatifs, enfin au Japon la BoJ doit également annoncer sa décision sur les taux, les économistes anticipent un statu quo. Toutes ces annonces auront bien sûr leur importance, mais ne nous y trompons pas, la seule à même de faire bouger les marchés sur le terme est celle de la Fed. À ce propos, je regardais ce matin un graphique comparant l’évolution de l’indice S&P500 (SPX) et du rendement de l’emprunt US à 10 ans. C’est une très jolie corrélation inversée qui apparait sur le chart, ce qui me rappelle que l’adage «don’t fight the Fed» est plus que jamais d’actualité.

Hier à Wall Street, le marché a la gueule de bois avant la Fed. Le SPX rend les gains de la veille, tendu comme une corde de violon en observant les rendements obligataires poursuivre leur ascension vers des niveaux plus observés depuis belle lurette. L’approche du discours de Jerome Powell fait se raidir plus d’un taureau, les statistiques de l’inflation en Allemagne et au Japon, ainsi que la hausse de taux en Suède n’aident pas le sentiment du marché. Saupoudrons le tout d’un bel avertissement sur bénéfices de Ford (F -12,3%) qui se plaint de coûts d’approvisionnement en hausse, et on obtient une journée faible à tous égards sur les principaux indices. Je note au passage que, de l’autre côté de l’Atlantique, l’indice élargi Stoxx Europe 600 réalise sa sixième séance consécutive de baisse, il a perdu 6% sur la période. Le SPX s’éloigne de sa résistance de 3900 points (3855 à la cloche), il passe brièvement en dessous de son bas de vendredi (3838) en séance et parvient à s’en éloigner quelque peu, de braves acheteurs font surface qui recherchent certaines grosses capitalisations, notamment Apple (AAPL +1,57%) et Boeing (BA +0,7%). On peut comprendre l’intérêt dans la firme de Tim Cook, qui constitue un dossier rassurant en ces temps troublés, ce d’autant plus que la société à la pomme augmente la production de son iPhone 14 Pro de 10%. Boeing a eu des discussions le 14 septembre avec l'Administration de l'aviation civile de Chine (CAAC) pour évaluer la remise en service complète du 737 MAX. Le SPX a rendu 10% depuis son récent top de la mi-août. 67 de ses 500 membres atteignent un plus bas en 52 semaines hier soir, dont Alphabet et Microsoft, le breadth est mauvais comme rarement, on observe 468 titres du SPX dans le rouge en clôture, ses 11 secteurs baissent, surtout l’immobilier, les materials et la consommation discrétionnaire.

La grande débandade du marché obligataire américain se poursuit, le rendement du 2 ans atteint 3,99% hier, pour revenir ce matin à 3,95%. Le 10 ans casse les 3,50% et traite à 3,53%, le spread 2 / 10 ans revient à -41 points de base. Ces rendements sont extraordinairement élevés, ils provoquent notamment un rebond de la volatilité dans le marché des actions, le VIX grimpe de 5,3% à 27,16, toujours dans des volumes d’échanges limités, 9,3 milliards de titres sont traités sur le NYSE.

Pour tout arranger, c’est ce matin que choisit Vladimir pour donner un discours des plus inquiétants. Le président russe annonce une «mobilisation partielle» et s’engage à annexer les zones que ses forces ont occupées en Ukraine. La Russie utilisera «tous les moyens disponibles» pour défendre son territoire, déclare-t-il, ajoutant que les réservistes seront incorporés dans le service militaire à partir d’aujourd’hui. En clair: Vladimir semble perturbé par la récente contre-attaque ukrainienne, il décide donc de se dépêcher «d’officialiser» l’annexion des provinces occupées, afin de les transformer en «nouvelle Crimée», d’en faire donc des territoires russes, ou du moins considérés comme russes par… la Russie, ce qui lui permet ensuite de défendre son territoire avec tous les moyens disponibles, Vladimir nous refait donc le coup du nucléaire. Les dirigeants du monde entier s’en offusquent, ce qui ne manquera pas d’avoir l’oreille du maître du Kremlin… et le marché en prend acte en envoyant le dollar au ciel, la paire EUR/USD passe de 0,9967 à 0,9907. On recherche aussi l’or, qui monte de 1662 dollars l’once à 1672 dollars, ça reste timide de ce côté-ci, probablement à cause de la force du billet vert. Le pétrole en profite également, le baril de WTI Light Crude grimpe de 84 dollars à 86,52 dollars.

Les contrariants, dont je suis, sabrent le champagne ce matin, il est de retour! Mais qui donc me demanderez-vous? Et bien Nouriel Roubini pardi, le trop célèbre Dr Doom, qui ressort toujours de son placard pour nous annoncer de mauvaises nouvelles alors que tout va déjà mal. Il faut d’ailleurs que j’aille chez mon coiffeur ce midi, s’il me parle de la bourse ce sera un indicateur supplémentaire. Nouriel Roubini donc prévoit une récession «longue et horrible» aux États-Unis et dans le monde entier à la fin de 2022, qui pourrait durer toute l'année 2023. «Même dans une récession ordinaire, le S&P 500 peut chuter de 30%», assène-t-il. En résumé, soit il a tort et tout le monde oubliera ses propos, soit il a raison et faites-lui confiance pour nous la jouer «je vous l’avais dit»…

Plus sérieusement, les coûts d'emprunt dans la zone euro vont continuer à augmenter dans les mois à venir, annonce Christine Lagarde. «Nous avons pris des mesures importantes sur la voie de la normalisation de notre politique monétaire, en concentrant en début de période nos hausses de taux», déclare la présidente de la BCE. «Nous prévoyons de relever encore les taux d'intérêt au cours des prochaines réunions».

Liz Truss déclare que le Royaume-Uni devait revoir ses taux d'imposition pour stimuler la croissance, signalant qu'elle pourrait tenir certaines de ses promesses de campagne dès cette semaine. La première ministre britannique indique qu'elle est prête à prendre des décisions impopulaires, notamment des réductions d'impôts qui profitent davantage aux riches qu'aux pauvres et des propositions visant à supprimer le plafonnement des bonus des banquiers. Elle réduira également les droits de timbre sur les achats immobiliers, selon le Times.

Dans un discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, Olaf Scholz accuse Vladimir Poutine d'«impérialisme pur et simple» et dénonce les tentatives de la Russie d'organiser des «référendums fictifs» dans les régions orientales de l'Ukraine. L'annexion permettrait à la Russie de justifier «toute la force possible en cas de légitime défense» sur le territoire, déclare Dmitri Medvedev, chef adjoint du Conseil de sécurité, donnant potentiellement à Poutine un prétexte pour utiliser des armes nucléaires.

Intéressant: les rendements des bons du Trésor US, qui n'ont jamais été aussi élevés depuis dix ans, tentent aujourd'hui les grands gestionnaires de fonds, de BlackRock à Amundi, qui pensent que cette classe d'actifs constituera une bonne couverture lors du prochain ralentissement économique. «Il ne fait aucun doute que les titres à revenu fixe reviendront en force», déclare Ursula Marchioni chez BlackRock. Vincent Mortier chez Amundi indique que les corrélations négatives reviennent.

L’agence Bloomberg nous rappelle que, si l'histoire est un guide, les actions américaines pourraient connaître une reprise après la décision de la Fed aujourd'hui, surtout si les responsables politiques n'effraient pas les investisseurs avec un mouvement de 100 points de base ou des remarques extrêmement belliqueuses. Au cours des 18 derniers mois, le S&P 500 a progressé après huit décisions de la Fed sur dix, notamment en janvier, mars et juin.

Au menu macro-économique du jour, les chiffres de l'immobilier ancien en août (16h30) permettront de patienter jusqu'à l'annonce de la décision de la Fed (20h00).

L'Allemagne nationalise Uniper. The Gap va supprimer 500 emplois administratifs. Hertz veut commander jusqu'à 175'000 véhicules électriques à General Motors sur cinq ans. Walgreens Boots Alliance va acquérir la part restante de Shields Health Solutions pour 1,37 milliard de dollars. Boeing va supprimer près de 150 emplois dans le domaine de la finance aux États-Unis. Novartis se tourne vers la Cour suprême pour protéger le Gilenya aux USA. Julius Baer investit dans Grow.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, ô suprise… Tokyo recule de 1,36% à la cloche, Hong Kong rend 1,61%, Shanghai perd 0,17% et Séoul abandonne 0,87%. Le future SPX perd 14 points et l’Europe ouvre en repli de 0,8%. L’ombre de la Fed et de Vladimir planent sur le sentiment des investisseurs, rappelons-nous que rien ne sert de précipiter nos décisions d’investissements dans un tel contexte.

Allez, impossible de terminer cette chronique sur une note aussi terne. Commençons par le code de l’action Porsche AG, qui sera P911, quel est celui d’IBM déjà? Sinon ce matin l’excellent Anthony Bondain nous apprend que le COO de Beyond Meat (le spécialiste des steaks végétaux) est au centre d’une polémique après avoir mordu le nez d’un automobiliste, un geste pas vraiment vegan. Enfin en Allemagne, le gouvernement prend le contrôle du géant gazier Uniper pour 1,70 euro par action, sachant que le titre cote 4,29 euros, Olaf Scholz meilleur trader du jour, surtout que l’action évoluait à 42 euros au début de l’année.

Joyeuse Fed à toutes et tous, tout le monde sur le pont ce soir à 20 heures!

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