Gonet: l'actualité des marchés au 14 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -3.94%, S&P 500 -4.32%, Nasdaq -5.54%, Russell 2000 -3.91%, SOX -6.18%, Eurostoxx -1.65%, SMI -0.90%.

Connaissez-vous le jeu de l’échelle ? Le cas échéant, vous avez des enfants ou avez été enfant un jour vous-même. L’échelle, ce jeu ô combien amusant et frustrant à la fois, qui vous envoie parfois au purgatoire alors que vous pensez avoir partie gagnée. Et bien c’est exactement ce qui se passe hier à Wall Street. Rappelons-nous, l’indice S&P500 (SPX) avait été tenu en respect par sa moyenne mobile à 200 jours le 16 août, après avoir rebondi deux mois durant. Le 16 août donc, le SPX repart vers le sud et retrace 61.8% de sa hausse estivale, pour rebondir à nouveau le 6 septembre et réaliser 4 séances consécutives de hausse, dans l’attente de la publication de l’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis, hier à 14h30 heure de Genève. Ce récent rebond des indices d’actions est dû à une détente généralisée dans le marché, à une conviction croissante que l’inflation est véritablement en train d’être domestiquée par le commandant Powell et son Empire de banques centrales, toutes devenues guerrières comme jamais, et on verra bien ce que les prix vont prendre dans les dents avec toutes ces hausses de taux !

Sauf que tout ne se passe pas comme prévu hier. Le marché découvre médusé que les prix ont continué de monter en août, pire que la progression a accéléré et que l’affaiblissement de l’énergie n’a pas suffi à envoyer tout cela vers le bas. Les optimistes argueront que le prix des logements a poursuivi sa hausse mais qu’il constitue un indicateur retardé, rien n’y fait, le marché regarde le chiffre « cœur », débarrassé de la nourriture et de l’énergie, et plonge. Le SPX et le NDX repassent sous leur moyenne mobile à 50 jours, ils réalisent leur plus forte baisse journalière depuis le printemps 2020. Tous les secteurs passent à la trappe, surtout ceux de croissance avec les semi-conducteurs qui souffrent particulièrement, tout comme des mastodontes tels que Apple (AAPL -5.87%) et Microsoft (MSFT -5.5%). Apple abandonne 154 milliards de capitalisation boursière à elle seule, ça laisse songeur. Pas un seul titre du NDX ne parvient à clôturer dans le vert hier, un bel exploit qui n’avait pas été réalisé depuis la débâcle du covid en mars 2020. La volatilité décolle, le VIX gagne 14.2% sur la journée et clôture à 27.27. Techniquement, la zone 30 – 35 constitue un niveau intéressant de résistance.

Les volumes d’échanges progressent mais on ne constate pas de capitulation hier, au contraire, il semble plutôt que le mouvement du jour soit alimenté par les investisseurs dits « retail », qui quittent le navire comme toujours lorsque les vents contraires se lèvent. Les shorts s’en donnent à cœur joie et augmentent leurs positions, le marché se prend un bel uppercut hier et est KO debout, il avait baissé sa garde, mauvaise idée, ce d’autant plus qu’on ne sait trop où se cacher, hormis dans le dollar qui retrouve une vigueur inespérée, lui qui flirtait avec le bord du précipice la veille encore. Côté obligataire, c’est également la débandade, on vend à tout va et le rendement du 10 ans US décolle à 3.43%, il faut surveiller 3.50%, techniquement si le niveau est cassé, ensuite les chartistes regardent 3.80% - 4.0%. Mais c’est du côté du 2 ans US que le mouvement choque, son rendement se met en orbite à 3.76%, le spread 2 / 10 ans revient à -33 points de base, le marché dit haut et fort qu’il s’inquiète à nouveau beaucoup que la Fed n’envoie l’économie américaine en récession, la pression  montant à nouveau sur ses épaules pour qu’elle maintienne le rythme de hausses de taux inchangé. Les Fed Funds commencent même à prévoir 32% de probabilités d’une hausse de 100 points de base le 21 septembre, ouch…Autant dire que 75 bps sont acquis et que l’on peut s’attendre à 75 points de base supplémentaires lors de la réunion de novembre.

On en parle peu ou pas, mais des facteurs géopolitiques pèsent également sur le sentiment du marché hier après une information de Reuters selon laquelle les États-Unis envisagent d’éventuelles sanctions à l’encontre de la Chine afin de dissuader une éventuelle invasion de Taïwan. Cette information fait suite à un rapport Reuters précédent selon lequel le président Poutine et le président Xi se rencontreront jeudi en Ouzbékistan et aborderont divers sujets, dont l’Ukraine et Taïwan.

Les investisseurs digèrent également les données de l’enquête menée par BofA auprès des gestionnaires de fonds, qui révèle que leur niveau de liquidités est le plus élevé (6,1 %) depuis 2001. Ça, c’est en théorie une excellente nouvelle.

Jeffrey Gundlach craint que la Fed n’aille trop loin. Le boss de DoubleLine déclare à CNBC que la Fed relèvera probablement ses taux de 75 points de base le 21 septembre - mais qu’il préférerait 25 points de base, arguant que la banque centrale n’a pas fait de pause assez longue pour voir l’effet des augmentations précédentes. M. Gundlach est d’accord avec ceux qui prévoient une baisse de 20% des actions d’ici la mi-octobre. Il recommande les bons du Trésor à long terme en raison du risque accru de déflation.

Les États-Unis envisagent de remplir leur réserve pétrolière d’urgence si le WTI tombe en dessous de 80 dollars, afin de soutenir la production nationale et d’éviter que les prix ne s’effondrent. Ursula von der Leyen appellera aujourd’hui à des mesures radicales pour endiguer la crise énergétique dans un discours devant le Parlement européen. Les investisseurs seront attentifs à la manière dont sa proposition d’imposer une réduction de 5% de la consommation de gaz sera accueillie dans les négociations.

Les combats se poursuivent dans le sud du pays, les forces ukrainiennes tentant de repousser les troupes russes sur toute la ligne de front. Les Etats-Unis préparent un nouveau paquet d’aide, déclare John Kirby du NSC, qui mentionne un «changement de dynamique» dans la guerre. Kristalina Georgieva déclare que le financement du FMI que l’Ukraine pourrait obtenir serait «dans la fourchette» du prêt d’urgence de 1,4 milliard de dollars qu’elle a reçu en mars.

L’inflation mensuelle britannique (sortie légèrement au-dessus des attentes sur la partie « cœur ») précède la production industrielle européenne (11h00) et les prix à la production aux Etats-Unis (14h30).

Stellantis va consacrer 923 millions d’euros au rachat des actions émises au profit de General Motors lors du rachat d’Opel et remettra à l’américain 130 millions d’euros et des actions Faurecia. Inditex publié des ventes en vive hausse, mais le ralentissement guette. Apple prévoit d’utiliser la dernière technologie de puce de Taiwan Semiconductor dans les iPhones et les Macs. Les actionnaires de Twitter approuvent le rachat par Musk, qui ne veut plus racheter. Le fonds souverain norvégien lorgne une participation dans Porsche lors de l’IPO. La Corée du Sud inflige une amende à Google et Meta Platforms, accusés d’avoir violé la loi sur la protection de la vie privée. Honda songerait à faire coter sa branche motos électriques, selon le WSJ. AB Volvo lance la production en série de camions électriques lourds. Lalique reprend le label de soie zurichois Fabric Frontline. Ferrari fait la cour aux super riches avec un SUV à essence à 390’000 USD.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, le vent du boulet de l’inflation fait le tour du globe. Tokyo abandonne 2.78% à la cloche, Hong Kong perd 2.31%, Shanghai recule de 0.75% et Séoul baisse de 1.56%. Le future SPX grappille 17 points et l’Europe ouvre en repli de 0.5%. Le pétrole est stable à 86.71 dollars le baril de WTI Light Crude tandis que l’or est au bord du précipice ou presque, l’once traite à 1701 dollars, poussée vers le bas par un dollar en pleine forme, qui traite à 0.9980 contre euro, avant la publication du rapport sur l’inflation, la paire évoluait à 1.0176. Pour en revenir à la relique barbare, le précipice se situe autour de 1690 dollars, à suivre de près, ce d’autant plus que le récent rebond des taux réels à 10 ans aux Etats-Unis induit un coût d’opportunité certain pour détenir le métal jaune.

Le NDX et le SPX se retrouvent quasiment au même niveau où ils évoluaient avant le récent rebond de 4 jours, un partout la balle au centre donc, le combat contre l’inflation est loin d’être terminé le marché paie pour apprendre, la longue digestion des nombreux programmes de « quantitative easing » se poursuit.

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