Gonet: l'actualité des marchés au 2 juin

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -0,54%, S&P 500 -0,75%, Nasdaq -0,72%, Russell 2000 -0,49%, SOX -1,60%, Eurostoxx -0,78%, SMI -1,01%.

Deux financiers se rencontrent downtown Manhattan. Le premier: «Comment va notre économie très cher?». Le second: «Je crains fort que son état ne se soit amélioré au mois de mai, j’aurais adoré avoir de bonnes nouvelles pour vous mon ami, pardonnez-moi». Ainsi va la vie de Wall Street depuis quelques temps, «good news is bad news» et inversément. Le marché des actions, ce grand enfant gâté, craint la fermeture du robinet des liquidités de la Fed comme la peste et les statistiques économiques d’hier ne font rien pour atténuer cette peur. L’indice ISM de l’activité manufacturière américaine nous fait la surprise de rebondir au mois de mai, tandis que sa composante des prix payés grimpe plus qu’attendu. La croissance des nouvelles commandes et de la production s’est accélérée le mois passé, cela suggère que la demande sous-jacente reste solide. Il n’en faut pas plus pour laisser resurgir les craintes d’une Fed plus agressive dans le processus de hausses de taux. Et qui dit taux plus haut plus vite dit que l’économie des Etats-Unis est plus en risque d’atterrir brutalement. C’est un peu le serpent monétaire qui se mord la queue. Toujours est-il que le marché revoit ses gammes et attend désormais 3 hausses supplémentaires de 50 points de base à chaque meeting, avant un ralentissement à 25 points de base en novembre. L’escadrille de mauvaises nouvelles propulse Raphael Bostic sur le devant de la scène. Le patron de la Fed d’Atlanta avait récemment évoqué la possibilité d’une pause dans le processus de hausses de taux, il revient sur le sujet en précisant que ses dires ne doivent en aucun cas être interprétés comme un «Fed put», lisez: Monsieur Bostic s’est fait enguirlander par son boss Jerome Powell et se voit contraint de déclarer publiquement que la Fed n’est pas là pour sauver les marchés.

Cela fait deux jours que les indices d’actions reculent légèrement dans le calme, peut-être ont-ils la gueule de bois après les rebalancements MSCI de fin de semaine passée. Quoi qu’il en soit, malgré ces légères glissades de début juin, la performance des dernières séances reste très bonne, d’ailleurs cela fait deux jours que la volatilité recule, légèrement certes mais elle baisse, ce qui est inhabituel lorsque les actions font de même, les investisseurs ne paniquent donc en aucun cas tout en restant protégés, le niveau actuel du VIX (25,69) en est une bonne illustration. Les différentes forces en présence ne changent pas, d’un côté les ours qui sont convaincus que l’économie américaine ralentit (well, la statistique de l’ISM hier tend à contredire cela, tout comme le livre Beige de la Fed, publié hier soir, qui montre notamment une croissance de l'emploi dans tous les districts). Les ours disposent aussi d’arguments tels que l’inflation, la chaine d’approvisionnement perturbée par la guerre en Ukraine et la gestion du covid en Chine. Enfin, les banques centrales sont régulièrement montrées du doigt par cette population baissière, il faut bien un coupable. Du côté éclairé de la force, on rappelle que la récente baisse des indices a ramené les valorisations à des niveaux nettement plus raisonnables, on privilégie un scénario d’une économie robuste qui atterrira en douceur (soft landing), on n’oublie pas les montagnes de cash prêtes à entrer dans le marché et le sentiment des investisseurs privés, qui s’est récemment détérioré à son niveau du covid, un excellent indicateur contrariant.

Revenons à la séance d’hier. Le secteur financier se fait tacler par le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, qui est en grande forme et déclare que les investisseurs devaient se préparer à un «ouragan» économique. Affirmant que «nous ne savons pas s'il s'agit d'un ouragan mineur ou de la tempête Sandy», Jamie Dimon ajoute: «Vous feriez mieux de vous préparer. La meilleure protection contre un ralentissement économique est un bilan conservateur.»  J’aime bien JP Morgan, on peut s’y exprimer sans forcément suivre la ligne du patron, un signe d’intégrité intellectuelle. Marko Kolanovic, responsable mondial de la recherche quantitative macro et des produits dérivés chez JP Morgan, est plus optimiste que son patron. Il voit le S&P 500 terminer l'année sans changement car les investisseurs ont «déjà absorbé et intégré» les changements de politique de la Fed. À l’opposé des financières, qui terminent la séance en queue de peloton, l’énergie est le seul secteur de l’indice S&P500 (SPX) à terminer la séance dans le vert et plutôt bien (+1,76%). Le secteur technologique limite les pertes, stabilisé par quelques mastodontes comme Apple (AAPL -0.01%) ou Microsoft (MSFT +0,2%) et porté par HP (HPQ +3,9%) et Salesforce (CRM +9,9%). Les résultats du premier trimestre de Salesforce sont meilleurs que prévu après les résultats décevants du quatrième trimestre au début du mois de mars, qui avaient pesé sur le cours. La société indique que la demande est incroyablement saine et qu'elle ne subit pas d'impact macroéconomique ; alors que les prévisions de chiffre d'affaires pour l'exercice 23 ont été revues à la baisse, les opérations de change en sont la principale cause et les analystes apprécient particulièrement la révision à la hausse des objectifs de marge opérationnelle.

Le pétrole se replie à 113 dollars le baril de WTI Light Crude, les Etats-Unis mettent la pression (no pun intended) pour ramener le prix du brut à des prix plus abordables pour le consommateur, qui gronde un peu partout un peu plus fort, ça commence à faire très mal à la colonne. Le Financial Times (FT) rapporte que l'Arabie Saoudite serait prête à augmenter sa production pour remplacer celle de la Russie si nécessaire. Le marché obligataire réagit aux statistiques économiques du jour et envoie les rendements un peu plus haut. Le 10 ans US est de retour à 2,91% ce matin, alors que le dollar bénéficie de la situation et revient à 1,0676 contre euro, les niveaux techniques sont en jeu, le billet vert fait de la résistance, pour le moment du moins.

C’est bien connu, l’Europe s’est toujours construite lors de crises. La Croatie est sur le point de rejoindre la zone euro. La Commission européenne a décidé que le pays est en assez bonne santé pour adopter la monnaie commune l'année prochaine, devenant ainsi son 20e membre. Les autres gouvernements de l'UE devraient prendre une décision finale au cours de la première quinzaine de juillet. L'adhésion à la zone euro devrait faire baisser les taux d'intérêt, améliorer les notations de crédit et rendre la Croatie plus attrayante pour les investisseurs.

Grosses journée «macro» aux Etats-Unis avec l'étude Challenger sur les licenciements (13h30), puis l'étude ADP sur l'emploi (14h15) et les nouvelles demandes d'allocations chômage hebdomadaires (14h30), les commandes industrielles (17h00) et les stocks pétroliers hebdomadaires.

Straumann: Julius Baer reste à conserver avec un objectif réduit de 160 à 140 francs. Hewlett Packard Enterprise a réduit ses prévisions de bénéfice pour 2022, le titre chute de 7% hors séance. Sheryl Sandberg quitte ses fonctions de directrice de l'exploitation de Meta Platforms après 14 ans d'activité. General Motors va électrifier entièrement sa gamme de véhicules Buick d'ici 2030. Elon Musk lance un ultimatum à ses cadres chez Tesla pour qu'ils reviennent travailler en présentiel. Moody's a relevé la note de dette à long terme d'Holcim à «Baa1», contre «Baa2». Novartis reprend ses activités en Ukraine. Temenos signe un contrat avec la banque vietnamienne MSB. Roche signe un accord de licence avec Repare Therapeutics.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, hormis Shanghai qui grappille 0,41%. Tokyo perd 0,16% à la cloche, Hong Kong se replie de 1,28% et Séoul abandonne 1%. Le future SPX traite autour de l’équilibre et l’Europe ouvre en légère hausse de 0,2%. L’or revient à 1852 dollars par once. Londres est en congé aujourd’hui et demain pour le jubilé de la reine, le marché est en mode attentiste, le très important rapport sur l’emploi sera publié demain après-midi aux Etats-Unis.

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