Gonet: l'actualité des marchés au 2 février

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +0,02%, S&P 500 +1,05%, Nasdaq +2,00%, Russell 2000 1,49%, SOX +5,19%, Eurostoxx +0,19%, SMI -0,75%.

Quand j’étais petit et que je faisais une grosse bêtise, mon papa me sermonnait au salon, je craignais beaucoup ces moments. Hier soir, c’est un peu dans cet état d’esprit que le marché se prépare à écouter son papa à lui. Jerome Powell prend la parole à 20h30, après que la Fed ait annoncé une hausse de 25 points de base de son taux directeur, ce qui était attendu. On craint dans les salles de marchés que le boss de la Réserve Fédérale ne siffle la fin de la récré après la si belle performance boursière de ce début d’année, portée par l’espoir d’un atterrissage en douceur de la première économie du monde, une Chine de retour et une Fed potentiellement moins agressive. Les ours ont déjà débouché le champagne, Jerome Powell parle, il est trop tard pour reboucher les bouteilles, les taureaux en revanche apprécient. Le président de la Fed annonce que le processus de désinflation est en cours et qu'il se déroule sans affaiblissement du marché du travail (il ajoute toutefois que le marché de l'emploi reste très tendu). Powell reconnait que les pressions sur les prix dans le secteur des biens et dans le logement semblent s'atténuer ou vont bientôt s'atténuer. Mais l'inflation hors alimentation, énergie et logement reste forte, ajoute-t-il. À le relire une bonne dizaine de fois, on constate que son discours d’hier n’est pas exactement «colombe», mais qu’il n’est pas «faucon» non plus, pas autant que l’on aurait pu le craindre en tous les cas.

Jerome Powell a beau ajouter que «au moins quelques hausses supplémentaires seront nécessaires pour refroidir l’inflation», tout en repoussant l’idée d’un taux pivot en répétant que «les taux devront rester restrictifs pendant un certain temps», le marché sent bien que le premier banquier du monde est en train de lâcher prise. Sur les parquets de trading, on ne lâche pas du tout prise, en revanche on lâche les taureaux. Les Fed Funds prévoient désormais une baisse de 50 points de base d’ici à la fin de l’année, après un pic en juin et probablement encore une hausse de 25 points de base avant cela.

L’indice S&P500 (SPX) en profite pour s’éloigner encore plus de sa moyenne mobile à 200 jours ainsi que du haut de son canal baissier, il repasse au-dessus de son top récent de 4’100 points à la cloche et une golden cross (la 50 jours traverse la 200 jours à la hausse) est en train de se produire. En résumé, sa configuration technique s’améliore sur tous les plans, le SPX est littéralement en train d’accélérer à la hausse. Même constat sur le Nasdaq100 (NDX), avec la golden cross qui reste à venir. Et que dire des semi-conducteurs… le SOX explose de plus de 5% hier, sa golden cross s’est produite en début de semaine, la voie est libre vers les 3’312 points, clôture 3’073 pts. Le SOX bénéficie ceci dit des bons résultats d’AMD, qui décolle de 12,7% hier. Au chapitre des secteurs, le podium du jour du SPX se compose de la technologie, de la consommation discrétionnaire et des services de communication. L’énergie se prend les pieds dans le tapis, les financières stagnent, tout comme les utilities et, dans une moindre mesure la pharma. La volatilité se replie, le VIX perd 8% à 17,87, techniquement il a de la place jusqu’à 15.

Le dollar prend le discours de Jerome Powell en pleine figure et reste KO debout. Le Dollar Index (DXY) recule à 101, il regarde son prochain support à 99,17 (61,8% de retracement Fibonnacci de la hausse de 89,53 à 114,77). La paire EUR/USD casse sa résistance de 1,0901, traite ce matin à 10,0993, sa prochaine résistance se situe à 1,1223. Les rendements obligataires chutent, le 10 ans US revient à 3,39%, l’or profite de la faiblesse du billet vert et remonte à 1955 dollars par once, 1960 dollars constitue une résistance. Le pétrole relève légèrement la tête, le baril de WTI Light Crude monte à 76,73 dollars. Les volumes d’échanges décollent sur le NYSE avec 11,92 milliards de titres traités, la participation augmente donc significativement, c’est un bon signe pour la suite, en parallèle les shorts se couvrent massivement.

Nous allons rester dans l’univers des banques centrales aujourd’hui. La BCE et la BOE (Bank of England) sont toutes deux sur le point de procéder à des hausses de taux de 50 points de base, l'attention du marché étant concentrée sur tout indice concernant ce qui se passera lors des réunions suivantes. Le débat au sein de la BCE en mars pourrait être plus équilibré, les colombes pointant du doigt la modération des prix de l'essence et le ralentissement de la Fed, les faucons se concentrant sur la hausse des salaires et l'inflation de base difficile à maîtriser. La BOE pourrait convenir d'une dernière hausse de 25 points de base en mars avant de faire une pause, selon Bloomberg Economics.

Au menu macro-économique du jour, la Banque d'Angleterre (13h00) et la BCE (14h15) donc. Parmi les statistiques du jour aux Etats-Unis, place à l'étude Challenger sur les licenciements (14h15), aux inscriptions hebdomadaires au chômage (14h30) et aux commandes de biens durables (16h00). Ce matin, l'indice PMI manufacturier Caixin pour la Chine est ressorti inférieur aux attentes à 49,2 points, alors que le PMI «officiel» était en zone d'expansion.

ABB: les entrées de commandes reculent au quatrième trimestre. Banco Santander: le bénéfice net du quatrième trimestre monte à 2,3 milliards d’euros. Deutsche Bank: le bénéfice net du quatrième trimestre est un peu court par rapport aux attentes. Les revenus de l'année en cours devraient se situer entre 28 et 29 milliards d’euros. Meta Platforms: le titre gagne 18% hors séance après la publication de ses trimestriels et l'annonce d'un gros rachat d'actions. Roche Holding: la croissance 2023 devrait ralentir. Adani Enterprises annule son augmentation de capital. Les échanges de plusieurs titres Adani suspendus après leur plongeon. FedEx va licencier plus de 10% de ses dirigeants et administrateurs. KKR serait proche de déposer une offre informelle sur les réseaux fixes de Telecom Italia, selon Reuters. Honda va commencer à produire un nouveau système de pile à combustible à hydrogène développé conjointement avec General Motors. Boeing remporte un contrat pour équiper des missiles balistiques. Swatch propose un dividende de 6 francs par action (1,20 franc par nominative).

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices restent mesurés et évoluent en ordre dispersé. Tokyo grappille 0,2% à la cloche, Hong Kong rend 0,19%, Shanghai traite à l’équilibre et Séoul avance de 0,78%. Le future SPX gagne encore 12 points et l’Europe est indiquée en hausse de 0,8% à l’ouverture.

Le Wall Street Journal publie un éditorial intéressant ce matin, dont le titre est «The Fed fights the Fed». Le quotidien financier nous rappelle que, lors des cycles passés, la Réserve Fédérale a eu tendance bien souvent à commencer à réduire ses taux peu de temps après avoir fini de les relever. Le WSJ conclut son article en écrivant que «Ce que la Fed fera réellement dépendra de ce qui se passera avec l'inflation et l'emploi dans les mois à venir, il est donc compréhensible qu'elle hésite à jeter l'éponge pour l'instant aux investisseurs sur les taux. Mais il existe également un danger que les investisseurs voient de plus en plus tout discours belliciste de la banque centrale comme une simple gueule de bois et pensent que la Fed elle-même ne croit pas ce qu'elle dit.»

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