Six mois, cela faisait six mois que l’indice S&P500 (SPX) n’avait réalisé deux séances consécutives de baisse. C’est vous dire combien ce marché ronronne depuis bien longtemps et que bon nombre d’intervenants n’ont pas l’esquisse du soupçon d’une idée de ce que «correction» signifie réellement dans le monde boursier. La bulle dot.com avait mis trois longues années à se dégonfler, ça faisait un peu plus mal chaque jour, souvenir imprimé à jamais dans les mémoires de vieux radoteurs dont votre serviteur fait partie, mais en même temps deux séances de repli consécutives, c’est de la grenadine admettons-le. Pourtant ce matin en lisant la presse financière, on ressent ce petit frémissement de crainte, le vent aurait-il tourné? Well…pas forcément. En revanche il y en a un qui a mis du temps, comme à son habitude, pour prendre la mesure de la situation. Le joyeux royaume des actions réagit enfin hier à la remontée brutale des rendements obligataires, il est probablement aussi échaudé par les nouvelles du front géopolitique mais le nerf de la guerre se nomme «10 ans US», dont le rendement évolue ce matin à 4,63%, le 10 avril il se situait encore à 4,32%. Le mouvement a été brutal, le marché obligataire, qui comprend vite lui, a instantanément réagi à la publication de l’indice américain des prix à la consommation, puis a poursuivi son chemin vers le nord, encouragé dans ce sens hier par des ventes au détail américaines nettement plus fortes que prévu en mars.

Le marché des actions se résigne enfin à regarder la réalité en face, celle des Fed Funds qui n’osent plus guère prévoir de baisse de taux par la Fed cette année encore. Les plus optimistes envisageaient 7 baisses de taux pour 2024 en début d’année, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il y en aura au moins une, ça calme. Clôture proche des plus bas du jour Downtown Manhattan, les mastodontes de la tech font grise mine, Tesla chute de 5,6% après l’annonce d’un plan de licenciement de 10% de son personnel. Le marché montre donc quelques signes de stress, la volatilité applaudit à tout rompre et fait remonter le VIX à 19,23. L’indice de la peur du SPX a rebondi de 55% depuis le 21 mars, son retour proche du niveau de 20 ramène progressivement les produits structurés sur le devant de la scène. Alors certes, le VIX a encore bien de la place vers le haut, un niveau de 30, voire 35, signalerait un retour certain de la peur. C’est à surveiller de près, car le VIX, tel le lait sur le feu, est capable de monter d’un coup mais ne reste jamais longtemps haut perché. D’ailleurs les volumes d’échanges observés hier à Wall Street sont plutôt faibles, ils n’indiquent en rien une forme de capitulation des intervenants, restons attentifs.

Je note que le SPX repasse en-dessous de sa moyenne mobile à 50 jours, ce qu’il n’avait plus fait depuis le 3 novembre. Il clôture à 5061,82 points et a un gap à combler à 4983,21 pts. Le Nasdaq100 (NDX) se trouve quasiment dans la même situation, fragilisation technique à Wall Street donc. Les résultats de sociétés au premier trimestre devraient jouer le rôle d’arbitre mais les rendements obligataires restent fondamentaux, à ce propos Jerome Powell en personne parle ce soir, à mon avis le marché sera au rendez-vous, priant secrètement pour que le premier banquier du monde lui prenne la main et murmure les mots doux que les colombes apprécient tant.

Ce mardi 16 avril ressemble furieusement à ce genre de journées où rien ne fonctionne à l’endroit. Prenez la Chine, qui publie son PIB du premier trimestre, qui bat nettement les attentes. Ça c’est pour la première lecture. En grattant un peu la surface de cette statistique, on découvre que la plus grande partie de la croissance du premier trimestre a été réalisée au début de l’année, d’ailleurs la production industrielle et les ventes au détail du mois de mars se prennent les pieds dans le tapis, morne plaine quand tu nous tiens. On oublie le patient chinois donc, il ne nous aidera pas sur coup-ci.

La patronne de la Fed de San Francisco Mary Daly indique que la Fed devrait être certaine que l'inflation se dirige vers les 2% avant d'agir et que la croissance américaine récente a été tout à fait «remarquable». Morgan Stanley s'attend à ce qu'un retard dans les réductions de la Fed repousse l'assouplissement en Asie à plus tard dans l'année - si tant est qu'il y en ait un.

Au menu macro-économique du jour, les investisseurs vont garder un œil sur le sondage ZEW de confiance des investisseurs allemands (11h00). Aux Etats-Unis, les permis de construire et les mises en chantier (14h30) seront suivis de l'utilisation des capacités et de la production industrielle (15h15). 

Ericsson publie un bénéfice d'exploitation ajusté meilleur que prévu au premier trimestre. Lufthansa réduit ses prévisions à cause des grèves de son personnel. Sika affiche une hausse de 13,8% de ses ventes au premier trimestre et confirme ses objectifs annuels. Eni pourrait vendre 1,3 milliard d’euros de participations dans ses unités de biocarburants et de bioplastiques d'ici la fin de l'année, selon Reuters. EasyJet suspend ses vols à destination et en provenance de Tel Aviv. Rheinmetall signe un protocole d'intention pour une usine de munitions en Lituanie. Lockheed Martin remporterait le contrat de défense antimissile de 17 milliards de dollars du Pentagone, selon Reuters. Microsoft devrait annoncer un investissement de 1,5 milliard de dollars dans G42 (intelligence artificielle) aujourd'hui, selon le NYT. Boeing estime qu'aucune usure n'a été constatée sur les anciens 787, en amont du témoignage d'un dénonciateur. Adobe explore un partenariat avec OpenAI pour ajouter des outils vidéo d'IA. Tesla se sépare de plusieurs hauts dirigeants en relation avec son usine géante au Texas. Les Etats-Unis vont lancer une procédure antitrust contre Live Nation, selon le WSJ. Samsung Electronics obtient 6,4 milliards de dollars de subventions pour la production de puces au Texas. ByteDance, la maison-mère de TikTok, a trompé le régulateur dans l'enquête sur les paiements, selon The Information.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en forte baisse, impactés par la morosité de Wall Street. Tokyo perd 1,94% à la cloche, Hong Kong abandonne 2,1%, Shanghai recule de 1,65%, Séoul perd 2,28% et le Nifty50 rend 0,64%. Le future SPX recule de 6 points et l’Europe ouvre en recul de 1,2%. Le dollar est recherché, la paire EUR/USD traite à 1,0615, l’or évolue à 2372 dollars par once et le pétrole à 85,67 dollars le baril de WTI Light Crude.