Le mois dernier, la Fed de Saint-Louis publiait dans l’indifférence générale un blog qui mettait en évidence les risques de baisse des fonds propres des banques, en évoquant le scénario du pire: «Dans le pire des cas, une banque pourrait avoir à vendre des obligations «sous l’eau» pour lever des fonds, réalisant ainsi des pertes et réduisant ses fonds propres réglementaires». Et bien figurez-vous que c’est exactement ce qui se passe hier avec, dans le rôle de la bad bank, SVB, Sillicon Valley Bank, habituée à financer des entreprises technologiques et proche du monde des crypto-monnaies. SVB surprend tout le monde en annonçant devoir lever du capital. Pour compenser la baisse de ses dépôts, la banque a dû vendre un important portefeuille obligataire pour un montant notionnel de 21 milliards de dollars, mais en réalisant une perte de 1,8 milliard de dollars. On le sait, les investisseurs détestent les surprises au plus haut point, ils mettent du coup l’action de SVB KO et l’envoient 60% plus bas (le titre perd 22% de plus dans les échanges après-bourse). La surprise est d’autant plus désagréable que SVB est le second acteur du secteur à se retrouver dans les cordes, après Silvergate quelques jours plus tôt.

Et voilà… Cela faisait longtemps que je n’avais écarquillé les yeux en allumant mes écrans le matin. Les futures US en baisse, ça peut passer, on pourrait se dire que le marché jette finalement l’éponge face à la Fed. En revanche, un taux US à 10 ans à 3,81% contre 4% hier, ça pique et cela va à l’encontre de l’idée de taux plus élevés plus longtemps. La seule explication possible à ce stade est que les investisseurs sont en mode «flight to safety», on vient se cacher dans les bons du Trésor US pour laisser passer la tempête. Oui mais pourquoi alors le dollar recule-t-il contre euro? La paire évolue ce matin à 1,0579, ce qui ne colle pas avec l’idée d’une aversion au risque généralisée sur les marchés. En revanche côté franc suisse, la demande augmente fortement, l’euro suisse revient à 0,9856, contre 0,9940 mercredi. Dans ce genre de situation, le marché a tendance à vendre d’abord et réfléchir ensuite, ce qui s’est probablement passé sur les indices depuis hier soir. Le problème SVB met indirectement la Fed en lumière. Ses relèvements de taux ont fait perdre de la valeur aux portefeuilles obligataires, ce qui ne pose aucun problème en général, les détenteurs d’obligations les conservant normalement jusqu’à l’échéance. Mais dans le cas qui nous occupe, SVB s’est vue forcée de vendre des positions perdantes, et tout un chacun de gloser dans les salles de marchés: «La Fed est-elle allée trop loin dans son cycle de hausses de taux?». Du coup le marché des Fed Funds se met à envisager à nouveau une baisse de taux potentielle dès la fin de l’année 2023, tout cela va très vite, les intervenants semblent un peu perdu dans la traduction, la meilleure chose à faire dans ce genre de situation est de laisser la poussière retomber avant d’agir.

Résumons, SVB surprend le marché hier et envoie le secteur bancaire US dans les cordes. Elle réalise le quasi exploit de faire presque oublier aux acteurs du marché que le très attendu rapport américain sur l’emploi sera publié cet après-midi à 14h30. La chute subite des rendements obligataires indique clairement que le marché est distrait par cette affaire, il regarde ailleurs, la question est de savoir combien de temps cela durera. La presse spécialisée aborde bien évidemment le sujet, notamment le Financial Times et le Wall Street Journal, qui semblent indiquer que les banques concernées (SVB, Silvergate) avaient énormément profité de flux de cash liés au crypto-monnaies. Rappelons aussi que Silvergate était très liée à FTX. Le secteur financier traditionnel est graduellement impacté par cela, les principales banques US reculent significativement hier (JP Morgan, Wells Fargo, Bank of America baissent toutes de plus de 5%), l’indice KBW Banks recule de 7,7%, je reviens ici à l’idée de «vendre dans un premier temps, réfléchir ensuite». Dans une telle situation, il est souvent judicieux de se pencher sur le marché des CDS (Credit Default Swaps). Or ces derniers ne s’écartent que très peu en ce qui concerne les grandes banques américaines, ce qui indique que les investisseurs institutionnels ne sont pas très inquiets au sujet des grandes banques de Wall Street. On continuera bien évidemment de surveiller ce segment.

Retour à Wall Street avec l’indice S&P500 (SPX) qui repasse en-dessous de sa moyenne mobile à 200 jours à la cloche (3918 pts contre la 200 dma à 3940 pts). Aucun secteur ne parvient à clôturer dans le vert, les bancaires entrainent la cote vers le sud, dans des volumes plutôt mesurés de 10,64 milliards de titres échangés sur le NYSE. La volatilité rebondit de 18%, le VIX revient à 22,61 et fera probablement la joie des adeptes de produits structurés aujourd’hui. L’or retrouve quelques couleurs, l’once revient à 1832 dollars tandis que le pétrole recule à 74,87 dollars le baril de WTI Light Crude. Le breadth du jour est déplorable avec seulement 6% des membres du SPX qui terminent la séance en hausse.

Le yen s’affaiblit légèrement affaibli après que la Banque du Japon n'a pas modifié sa politique lors de sa dernière réunion sous la direction de Haruhiko Kuroda. La décision de maintenir les taux d'intérêt négatifs et les paramètres de contrôle de la courbe de rendement intacts est conforme au consensus. Peu avant l'annonce de la BOJ, le parlement japonais approuve officiellement la nomination de Kazuo Ueda pour succéder à Kuroda en tant que gouverneur à partir du 9 avril.

Au menu macro-économique du jour, tout tournera donc autour de l'emploi américain cet après-midi à 14h30.

Oracle: le titre perd 4% après la séance dans le sillage de la publication de ses résultats trimestriels. The Gap: le titre décroche de 8% après la séance et la publication de résultats décevants. Vodafone et Three UK finalisent un accord pour créer le plus grand opérateur de téléphonie mobile de Grande-Bretagne. Le retour de l'électrique chez Nissan est freiné par les problèmes de production de l'Ariya. Mercedes veut commencer à construire des bornes de recharge électrique en Allemagne en 2023. Roche reçoit un premier avis favorable de la FDA pour Polivy. Apple lance l'application Apple Music Classical en pré-commande.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse. Tokyo recule de 1,67% à la cloche, Hong Kong abandonne 2,99%, Shanghai recule de 1,4% et Séoul perd 1,01%. Le future SPX perd 0,5% et l’Europe ouvre en repli de 2,1%, pénalisée surtout par son secteur financier. Tout le monde sur le pont à 14h30 pour le rapport US sur l’emploi.