La nouvelle étape stratégique de Ninety-Six Partners

Emmanuel Garessus

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Avec la licence de gestionnaire de fortune et l’arrivée d’une nouvelle équipe, Ninety-Six Partners entend devenir incontournable à Genève. Entretien avec l'administrateur délégué Alexandre Michellod.

La société Ninety-Six Partners, créée en 1996 sous le nom de Parficom, est depuis près de 30 ans spécialisée dans le conseil financier destiné aux dirigeants et entrepreneurs. Elle franchit cette année une nouvelle étape avec un changement de raison sociale, l’arrivée d’une nouvelle équipe, l’obtention d’une licence de gestionnaire de fortune délivrée par la Finma, et un déménagement du quartier des Augustins en Ville de Genève au quartier des affaires de Lancy Pont-Rouge, indique Alexandre Michellod, administrateur-délégué de Ninety-Six Partners. Ce dernier a quitté le groupe Gonet, où il était responsable de l’offre de produits et de services et de l’asset management

La société comprend trois associés connus à Genève: Frédéric Leguillon, président de la direction et responsable du Wealth Management, Roxane Ecoffey, directrice et responsable des Wealth Solutions et Jean-Philippe Roguet, responsable du Business Development. Claude-André Perret et Daniel Martel quant à eux siègent au Conseil d’administration. Au total, la société compte 7 personnes au plan opérationnel.

Alexandre Michellod conserve ses mandats à la présidence de lemania Pension Hub et des fondations FRPI et FLLP, lesquelles ne sont par ailleurs plus liées à Gonet.

Ninety-Six Partners n’a d’ailleurs pas demandé à la Finma la licence pour la gestion collective pour éviter tout risque de conflits d’intérêts, précise-t-il. Alexandre Michellod répond aux questions d’Allnews:

Quelle est la genèse de ce changement de Gonet à Ninety-Six Partners?

Ma transition vers la plate-forme Ninety-Six et un rôle d’entrepreneur est le corollaire d’une évolution entamée en 2023 chez Gonet. Le changement d’actionnaire de la banque a été l’élément déclencheur. A 47 ans, l’entrepreneur que je veux être réagit à de tels événements en se référant aux personnes qui m’ont inspiré, à des entrepreneurs de la finance, comme Michel Thétaz dans les fonds de pension, Konrad Hummler chez Wegelin, un passage formateur, puis le groupe Edmond de Rothschild. J’ai toujours travaillé pour des intérêts suisses et voulu rester dans cette suissitude, un facteur crucial pour mon environnement et mon expertise. Il était logique ensuite d’accepter la proposition de Ninety-Six Partners.

«A quatre ans, l’objectif est de disposer d’une assiette d’actifs conseillés ou en gestion de 500 millions de francs».

Quelle est l’histoire et l’expertise de Ninety-Six Partners?

Le nom fait référence à la création en 1996 de cette société historiquement orientée vers le conseil financier dit de «Chief Level», donc vers l’accompagnement de dirigeants d’entreprises dans le domaine bancaire. Les directeurs de la société ont toujours été d’anciens dirigeants d’établissements financiers. Au début 2024, Roxane Ecoffey, et Frédéric Leguillon, qui a rejoint Ninety-Six en tant que CEO avec pour vision de l’étoffer dans le Wealth Management, m’ont approché. Mon idée consistait à ouvrir le capital de la structure auprès des jeunes talents, comme l’avait remarquablement réalisé Wegelin afin d’aligner les intérêts avec les clients et la société. Ninetyt-Six offrait les bases nécessaires à cette vision et son désir d’une extension de ses services vers le Wealth Management me paraissait très intéressante à proposer au conseil d’administration, ce que j’ai fait en juin dernier.

Quels étaient les axes de croissance imaginés?

Trois axes ont été présentés, soit le développement du coeur central que constitue l’Investment management, associé à des Wealth Solutions (prévoyance privée et professionnelle, services fiscaux) et continuer de développer le domaine des Asset Services.

La gouvernance est extrêmement importante: En tant qu’administrateur délégué, je suis la courroie de transmission entre le conseil d’administration, la direction et les actionnaires au sein d’une PME qui, malgré ses 30 ans, garde son esprit entrepreneurial.

Les conditions sont réunies pour donner cet élan et contribuer à la place financière genevoise en introduisant la notion de FRESH Finance, un mot qui regroupe les notions de Friendly, Responsible, Efficient, Successful, Happiness. Il faut être heureux en travaillant avec des gens que l’on aime côtoyer au quotidien. L’entrepreneur doit avoir une infrastructure unique et performante, une offre de qualité et un collectif qui suive pour attirer les jeunes talents à travers les valeurs que nous voulons défendre.

Comment se compose le capital de l’entreprise?

La société avait été créée en 1996 par mon père et moi. J’ai ensuite racheté l’ensemble du capital, puis, en conservant une petite partie, j’ai remis l’essentiel au collectif qui m’accompagne. Il est crucial d’ouvrir le capital dans un contexte de concurrence et d’émulation.

La condition sine qua non à l’exécution de notre vision dans le Wealth Management consistait à obtenir la licence de la Finma et à disposer d’un capital suffisant, lequel sera relevé à 240’000 francs. Quatre actionnaires qualifiés détiennent initialement des droits de vote (Alexandre Michellod, Frédéric Leguillon, Roxane Ecoffey, Claude-André Perret) et le reste du capital est ouvert sous forme de bons de participation, ainsi qu’un groupe d’actionnaires qualifiés (Jean-Philippe Roguet, Gabriel Rochette, en charge du Business Development, et deux analystes financiers qui sont aussi des Partners). Nous sommes un groupe d’actionnaires largement diversifiés.

Combien de personnes sont issues de Gonet?

Le coeur de l’entreprise, soit quatre personnes, vient de Gonet, mais quatre viennent d’autres horizons. Le président du conseil d’administration, Daniel Martel, est un expert de la place financière genevoise qui a également eu des mandats pour la Banque Mondiale en Asie. Au total, sept personnes, avec moi en tant que délégué, sont responsables de l’opérationnel.

Quels sont les actifs sous gestion nécessaires pour être rentable?

A quatre ans, l’objectif est de disposer d’une assiette d’actifs conseillés ou en gestion de 500 millions de francs.

La force et l’opportunité que nous avons avec une société qui a déjà un historique, des actifs et des mandats permettant de financer les développements futurs, animés notamment par Roxane Ecoffey dans le domaine des fonds de pension et du conseil de gérants indépendants. Cette force permet de poser les bases de la diversification dans le Wealth management qui à terme devrait devenir l’activité centrale en termes de revenus. Nous sommes très ambitieux dans notre vision de développement.

Quel sera le positionnement de Ninety-Six dans la gestion de fortune?

Pour être en accord avec nos principes de FRESH Finance, le conseil financier reste au coeur de notre offre, ainsi que l’analyse financière dans la sélection de fonds. Le fait d’avoir deux analystes financiers peut sembler beaucoup pour une PME comme la nôtre mais peu par rapport à d’autres établissements. Sans l’aide de l’IA et d’une digitalisation qui permet de standardiser certains processus et de permettre à nos talents et à nos experts de se concentrer sur ces tâches, ce n’est pas possible de le faire.

«Faire ainsi de l’Asset Services, permet aussi de nous adresser à nos confrères tiers gérants qui veulent être actifs sur le marché de la prévoyance mais ne savent pas comment s’y prendre».

L’avantage d’une banque se trouve dans la maitrise de la verticalité de l’offre et son inconvénient dans le risque de lourdeur opérationnelle. Lorsque nous nous concentrons sur une partie de cette offre, c’est-à-dire ici sur le conseil financier et la gestion discrétionnaire, avec en arrière-fond la sélection de fonds, il faut avoir le réceptacle pour déployer l’offre, une banque dépositaire et des structures qui deviennent des partenaires lorsqu’il s’agit d’obtenir les meilleurs prix pour la clientèle.

Pour nous démarquer, j’ai été marqué ces dernières années par une vision très claire et lisible d’une gestion de fortune institutionnelle pour le compte de fonds de pension dans le domaine de la prévoyance qui était appliqué sur un marché de niche à des personnes physiques. Si l’on sait gérer cette épargne-là et la prévoyance individuelle, on sait gérer hors contrainte de l’épargne libre. Cette approche semi-institutionnelle reste l’ADN du moteur de gestion que nous proposons.

Avec une gestion indicielle forte, structurée de manière active, et une sélection de fonds performants, cette vision stratégique posée, il n’est pas nécessaire d’être trop sensible aux aléas du court terme. Appliquée à la clientèle privée, cela permet de conseiller ensuite nos clients sur la prévoyance et la fiscalité et de pouvoir optimiser le reste de leur patrimoine global. La licence Finma permet non seulement de faire de la gestion de fortune mais surtout aussi de faire du conseil financier aux institutionnels.

Faire ainsi de l’Asset Services, permet aussi de nous adresser à nos confrères tiers gérants qui veulent être actifs sur le marché de la prévoyance mais ne savent pas comment s’y prendre. Nous pouvons leur montrer la recette moyennant un mandat de consultant. Cela permet aussi d’amortir les coûts de déploiement de nos infrastructures.

Comment visualiser votre offre?

La segmentation de l’offre se répartit en Wealth Solutions (prévoyance, fiscalité), Investment Solutions (gestion de fortune discrétionnaire, gestion par fonds d’allocation d’actifs, conseil en sélection de fonds) et Asset Services (Pension Consulting, conseil aux entrepreneurs, conseil stratégique aux entrepreneurs). L’ensemble des gérants indépendants se concentre généralement sur l’Investment Solutions, avec une offre de mandats de gestion discrétionnaire.

On s’aperçoit que Ninety-Six n’était jusqu’ici actif que dans un seul domaine, le consulting bancaire pour entrepreneurs. La licence de la Finma nous a ouvert tout le reste du spectre, de l’investment management au conseil en prévoyance (privée, professionnelle, fiscalité) et elle nous légitime dans une approche non plus orientée exclusivement sur le client privé (B2C), mais sur le B2B en permettant aux gérants indépendants de se diversifier et de mutualiser les structures que nous utilisons. L’Asset Services est stratégique pour permettre à des organisations comme la nôtre de mutualiser nos activités et de nous ouvrir.

Quels devraient être vos partenaires?

Dans le domaine des Wealth Solutions, nous avons des partenaires pour la prévoyance 3A et le libre passage qui sont la fondation FRPI et la fondation FLLP qui permettent des solutions en marque blanche. Si un client privé vient nous voir et demande un conseil en prévoyance, nous devons pouvoir le conseiller, expliquer le choix entre un fonds ou une solution de prévoyance professionnelle. En amont, il y a un conseil sur le patrimoine.

Nous ne sommes pas des courtiers mais des conseillers financiers qui ont une légitimité pour conseiller. Sur la place financière, beaucoup d’entrepreneurs de la finance souhaiteraient à être actifs dans ce domaine mais n’ont pas réussi à déclencher l’alchimie entre la compétence des fonds en interne, les solutions et la clientèle potentielle. La recette est rarement partagée, mais nous voulons précisément la partager.

Comment faire connaître votre marque et votre nouvelle société?

La marque peut se développer grâce à l’expérience des fondateurs, la réputation, l’apport d’un vent nouveau, l’attachement à la Suisse et au numérique. Manuel Leuthold, mon ancien global COO chez Edmond de Rothschild, disait que si l’on a le savoir-faire, il faut le faire savoir. Wegelin m’avait inspiré en faisant un marketing adapté au marché suisse. Nous insistons sur notre suissitude. La marque Ninety-Six assoie le sérieux, la suissitude, l’expertise et la disruption.

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