lemania conclut un nouvel accord

Emmanuel Garessus

4 minutes de lecture

La plateforme digitale romande de la prévoyance accélère son expansion, comme l’expliquent Alexandre Michellod et Pasquale Zarra.

Alexandre Michellod et Pasquale Zarra

Principale préoccupation des Suisses, le marché romand de la prévoyance est en pleine ébullition. Des alliances se nouent. Des sociétés changent de direction.

lemania Pension Hub occupe un segment particulier de ce marché. Cette initiative romande se définit comme une plateforme digitale de prévoyance sur laquelle l’ensemble des processus opérationnels et bancaires sont à disposition des gestionnaires de fortune partenaires, de l’enregistrement des clients à la signature digitale, la souscription de fonds et la gestion par des RPA - robotic process automation - qui font ensuite appel aux services de Pictet pour l’investissement. Tout est donc numérisé.

Le Hub romand n’a donc pas besoin d’un grand nombre de personnes. «Les tâches opérationnelles peuvent être assumés par des RPA », indique Alexandre Michellod, président du conseil de fondation lemania et membre du comité exécutif de la Banque Gonet, lors d’une interview avec Allnews dans ses bureaux de Lausanne. Dans les banques, les processus liés à la prévoyance bénéficient sous l’angle du compliance d’un «fast track» à savoir d’une «voie rapide», ajoute-t-il.

La plateforme s’appuie sur deux grands partenaires, Axa, qui gère les processus de la prévoyance privée, et le groupe Pictet & Cie pour l’administration et le dépôt du lemania pension fund, tandis que lemania conseils coordonne l’ensemble, gère la commercialisation et anime le réseau.

Les facteurs déterminants de ce marché sont la qualité du conseil de prévoyance et les tarifs, déclare Pasquale Zarra, Directeur général de lemania Pension Hub depuis cet été, après avoir été responsable romand de PensExpert. Sa tâche consiste à accélérer l’expansion du groupe sur un marché dominé par des alémaniques, comme PensExpert, Liberty, Finpension et Elite. Tous deux répondent aux questions d’Allnews sur la réforme de l’AVS et sur le développement de ce Hub romand.

Quels arguments feront pencher la balance lors de la votation sur AVS 21?

Pasquale Zarra: Pour assurer la pérennité du système des trois piliers, nous espérons que la réforme passe la rampe le 25 septembre. Les professionnels de la branche partagent tous, à ma connaissance, cette position. Les opposants emploient surtout des arguments émotionnels. Ils sont soit insuffisamment informés, soit ne désirent pas approfondir le sujet. Le renforcement de l’AVS n’est pas gratuit, mais l’effort mérite d’être accompli pour le bien de cette assurance sociale.

Quel est l’impact indirect de cette votation sur vos activités?

P.Z: Que le peuple approuve ou rejette AVS 21, les assurés privilégieront de plus en plus, pour préparer leur future retraite, le renforcement de l’épargne individuelle, sous l’angle de la prévoyance le pilier 3a ou les solutions de libre passage, plutôt que les solutions collectives (2e pilier de base et AVS).

Alexandre Michellod: C’est une tendance forte qui renforce la stratégie de notre institution, puisque nous nous appuyons non seulement sur les intermédiaires du marché (courtiers, banques), mais aussi, et de plus en plus, sur les épargnants individuels. Nous sommes donc sur le marché B2B et B2C.

Pourquoi?

A.M. lemania était de sa création à aujourd’hui un acteur du B2B, donc une plateforme de prévoyance pour les gérants et les banques. Nous constatons un réel besoin d’aller toujours plus en profondeur dans l’accompagnement des épargnants. Ce n’est pas un hasard si la prévoyance reste l’une des principales préoccupations des Suisse.

La votation du 25 septembre a lieu lors d’une année un peu folle, entre une crise covid et une crise géopolitique. Ces crises peuvent provoquer des restructurations et poussent beaucoup d’assurés en dehors du marché du travail et de leur caisse de pension de manière anticipée Leur épargne est alors placée en libre passage. Il nous appartient de les accompagner et de leur proposer des solutions attractives.

P.Z. Face à cette complexité accrue, un conseil approfondi est primordial aussi bien pour les intermédiaires que pour les épargnants eux-mêmes.

Est-ce qu’en vous profilant sur le conseil aux particuliers, vous attaquez-vous aux leaders de la planification financière?

P.Z. Notre « core-business » reste le B2B. Nous n’avons pas l’intention de mettre en place un réseau de conseillers en prévoyance mais de pouvoir appuyer les professionnels du conseil qui ont besoin de la prévoyance dans le cadre de leurs activités.

A.M. Dans ses fonctions précédentes, Pasquale (Zarra) a fait carrière dans le conseil aux particuliers, avant tout à des personnes fortunées, comme des expatriés anglo-saxons qui ont besoin de s’exprimer en anglais et qui ne connaissent pas les subtilités réglementaires et fiscales du système suisse. Son arrivée apporte donc une expertise supplémentaire et, pour notre entreprise, une source de revenu complémentaire.

Est-ce que de nouveaux partenaires vont rejoindre lemania?

A.M : Nous avons signé un accord cet été avec NS Partners, l’ex Notz Stucki, un acteur majeur de la gestion d’actifs et de la gestion privée. Pour ce dernier, l’intérêt est de mutualiser l’infrastructure liée au développement de ses activités de prévoyance. Ce développement se fera précisément en marque blanche. Lemania renforce ici son rôle de hub de la prévoyance, en partenariat avec des banques et des gérants réputés, comme Pictet, Mirabaud, Pleion, Gonet et maintenant NS Partners.

Que visent ces partenaires?

A.M. Les banques et grands gérants de fonds sont à la recherche des «gros cas de prévoyance», ceux qui ont de grandes fortunes. Celles-ci ne viennent pas par l’intermédiaire de courtiers, mais plutôt d’avocats fiscalistes ou de fiduciaires qui atteignent leur limite en matière de conseil. L’expertise de Pasquale permet d’interagir et de corroborer (ou non) le diagnostic du fiscaliste et de fournir un conseil individualisé. Mais 80% du temps de la direction sera alloué à la poursuite du développement de l’axe central, celui d’une plateforme digitale à disposition des intermédiaires.

P.Z. Les clients entreprises et leurs assurés existants comme les courtiers ont d’ailleurs, eux aussi, besoin de conseils et de services et pas uniquement les particuliers.

Combien d’actifs avez-vous sous gestion et quelle a été votre performance l’an dernier dans vos activités, à savoir le marché du 1e (prévoyance des cadres), le 3A (prévoyance individuelle liée) et le libre passage?

P.Z. Nous avons 450 millions de francs sous gestion et espérons toujours atteindre le milliard en 2026.

A.M. En 2021, les sorties des caisses de pension se sont matérialisées par des montants élevés dans le libre passage. Notre croissance a été extraordinaire dans notre ombrelle de fonds pour les partenaires. Les actifs de notre fondation de libre passage s’approchent déjà de 150 millions de francs. Le fait d’avoir des processus entièrement automatisés permet de gérer notre expansion et de préserver la sphère commerciale des partenaires. Mais une partie de la clientèle a toutefois besoin de rencontrer les représentants de la structure et se révèle extrêmement exigeante.

Quelle est la principale préoccupation dans le conseil? Est-ce que le client s’intéresse plutôt aux effets de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation ou aux aspects traditionnels de la prévoyance?

P.Z. La fiscalité et les perspectives de retraite arrivent en tête des priorités.

A.M. J’observe aussi un intérêt très marqué des 45-54 ans à l’égard des prestations de retraite futures et de la formation d’un capital accumulé qui soit à la hauteur. Généralement la solution passe par une planification des rachats dans la caisse de pension.

Quel est le premier piège rencontré aujourd’hui par les clients?

P.Z. Il ne peut être défini qu’après discussion avec le client. Chaque situation est différente si bien que le piège n’apparaît qu’après avoir obtenu une vue claire de la situation de famille (marié ou divorcé), des enfants, et des objectifs de vie à la retraite, en Suisse ou ailleurs. La discussion permet de cristalliser des tensions, de mieux comprendre les préférences, de découvrir des problèmes et d’évaluer des solutions.

L’environnement de marché est-il donc secondaire?

A.M. Il est pris en compte mais il n’arrive pas en tête. Dans les placements, supervisés et gérés par un comité présidé par Jean-Sylvain Perrig. Nous estimons que le seul moyen de bâtir un capital de prévoyance, dans le contexte conjoncturel que nous connaissons, passe par la capitalisation et la préférence aux actions. Ces convictions nous les argumentons auprès de notre réseau en nous appuyant sur Laurent Pittet directeur de la communication et du marketing de la plateforme.

Quel est l’axe géographique de votre développement?

P.Z. Nous nous sommes d’abord concentrés sur Genève, puis de plus en plus sur l’axe Genève - Lausanne, notamment avec l’objectif d’ouvrir un bureau de Lausanne. A terme, nous chercherons aussi à prendre pied en Suisse alémanique, sans toutefois y ouvrir une représentation.

A.M. Dès le départ, en 2018, nous avons déclaré que lemania était une initiative romande pour une ambition nationale. En 2022, nous avons l’intégralité de notre interface de la plateforme dans les langues nationales afin de traiter notamment un flux germanophone. Pasquale, d’origine alémanique, permet d’accélérer cette démarche.

Quels fonds de placement proposez-vous dans votre conseil en prévoyance?

A.M. Nous avons une infrastructure ouverte, forte de 19 fonds répondant aux critères de l’OPP2. Les partenaires ont la possibilité de créer leur compartiment de fonds sous l’ombrelle du lemania Pension Fund. Ils peuvent aussi mettre en place, en marque blanche, leur propre solution de prévoyance avec leur nom et leur marque. Ceux qui ont toutes les autorisations peuvent aller jusqu’aux produits d’investissement en marque blanche et compatibles avec l’OPP2.

A lire aussi...