Les actions constituent une classe d’actifs performante à condition d’avoir une approche à long terme. Cette observation n’est toutefois valable que pour la moyenne. L’investisseur qui sélectionne ses propres valeurs n’est pas concerné par celle-ci. Quelle a été la performance de la majorité des actions? Les meilleures ont-elles été des défensives ou des technologiques?
Le bilan peut être étonnant, comme le révèle le professeur Tyler Cowen de l’Université George Mason en mettant en lumière le travail de Hendrik Bessembinder, du département de finance de l’Université de l’Etat d’Arizona, lequel a publié cet été «Which US Stocks Generated the Highest Long-Term Return?». En effet la majorité (51,6%) des 29 078 actions américaines cotées entre décembre 1925 et décembre 2023 (selon la base de données de CRSP) présentent un rendement négatif, révèle Herndrik Bessembinder. C’est pourquoi le rendement médian (autant de gains supérieurs qu’inférieurs) est de -7,41%. L’investisseur a donc intérêt à privilégier un ETF, puisque sa performance sera celle d’un indice.
La petite minorité de stars
Par contre, un petit nombre d’actions sont parvenues à offrir des gains exceptionnellement élevés. En effet, 17 sociétés ont offert un gain cumulé de plus de 5 millions de pour-cents, ce qui signifie que l’investisseur a gagné 50 000 dollars par dollar investi dans ces sociétés. Comme il est coutume d’analyser la performance non pas en gains cumulés mais en rendement annuel, il s’avère que la performance annuelle de ces 17 valeurs s’est élevée en moyenne à 13,47%. Pour l’auteur, ces chiffres soulignent l’importance du temps dans le monde de l’investissement.
«La raison qui conduit au rendement moyen positif associé à un rendement médian négatif tient à ce que les financiers nomment l’asymétrie positive».
La raison qui conduit au rendement moyen positif associé à un rendement médian négatif tient à ce que les financiers nomment l’asymétrie positive (positive skewness) et qui signifie que l’investisseur peut s’attendre à de fréquentes petites pertes et à quelques gains particulièrement élevés.
En finance, comme ailleurs, les médias ont coutume de se pencher sur les extrêmes davantage que sur la majorité ou sur la moyenne.
En bourse, l’étude d’Henrik Bessembinder révèle que l’action la plus performante sur une période d’au moins 20 ans est celle qui occupe le plus les esprits aujourd’hui, le meilleur représentant de l’intelligence artificielle et de ses espoirs, c’est-à-dire Nvidia. Les actionnaires du groupe de Jensen Huang ont gagné 33,38% par an sur cette période, à condition d’avoir adopté une stratégie «Buy-and-Hold». Nvidia poursuit sur sa lancée en 2024. Au 15 septembre, la performance atteint 140%.
De fortes disparités temporelles
La stratégie à long terme que conseillent les experts de l’investissement suppose naturellement qu’une société en portefeuille se développe avantageusement. En réalité, la durée moyenne de cotation des 29 078 actions étudiées s’est limitée à seulement 11,6 ans, avec une médiane à 6,8 ans (autant de sociétés ont été cotées plus longtemps que moins longtemps). Le processus de destruction créatrice cher à Josef Schumpeter est passé par là. Il n’y a eu que 31 sociétés américaines qui ont été cotées durant les 98 ans sous revue.
Mais d’autres facteurs expliquent cette modeste durée, par exemple une cotation introduite très près de 2023, un retrait de la cote à la suite d’une piètre performance ou un rachat par une autre société. L’auteur révèle que 10 217 actions ont une durée de vie de moins de 5 ans et que leur performance annuelle était très décevante (-19,8% en moyenne).
Seules 5139 actions des 29 078 au total peuvent faire état d’une histoire d’au moins 20 ans. Les trois quarts d’entre elles offrent un rendement positif à leurs actionnaires. La médiane de leur temps de cotation s’élève, selon l’étude, à 29,8 ans. Le rendement annuel médian des 5139 titres dont la durée de vie a atteint 20 ans se monte à 7,54%.
«La durée moyenne de cotation des 29'078 actions étudiées s’est limitée à seulement 11,6 ans, avec une médiane à 6,8 ans».
Altria ou Nvidia?
Les meilleures actions du siècle analysé par Hendrik Bessembinder offrent des rendements considérables. L’investissement initial d’un dollar dans le fabricant de cigarettes Altria (anciennement Philip Morris) a conduit à un gain de 2,65 millions de dollars. Les autres plus grands «gagnants» à long terme sont Vulcan Materials (393'000 dollars par dollar investi initialement), Kansas City Southern (363'757 dollars), General Dynamics (220 850 dollars) et Boeing (212'206 dollars). Le rendement moyen (13,05%) et médian (13,03%) de ces 30 stars de la bourse américaine est toutefois nettement plus faible.
Au sien des entreprises dont la période d’étude va de 5 à 20 ans, le rendement annuel le plus élevé est celui d’Ascend Communications (de 1994 à 1999) avec 119,6%.
Et où se situe Nvidia, l’action la plus recherchée du moment? Le groupe technologique introduit en bourse en 1999, durant la bulle internet, est la meilleure des titres sur une durée d’au moins 20 ans de cotation en termes de rendement composé annuel (131 500% ou un gain de 1316 dollars par dollar investi). Les suivants sont: Plenum Publishing (1972-98) avec un rendement annualisé de 32,09% et Netflix (32,06%), entré en bourse en 2002, puis Amazon (31,8%).
Il est vrai que la performance de la tech a souvent été brillante depuis le tournant du siècle, avec un rendement double de celui de l’indice S&P 500. Cet été, le Nasdaq a publié une étude révélant les meilleurs titres sur 20 ans. Nvidia arrive en tête avec un gain de 65 106%, devant Apple (+43'653%), Monster Beveridge (+21'892%), Intuitive Surgical (+20'932%) et Netflix (+13'888%). Le Top 10 comprend deux autres sociétés très connues, Booking et Amazon.