De meilleures perspectives pour les obligations

Emmanuel Garessus

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Le portefeuille équilibré devrait comprendre 58% d’obligations, affirme Roger Bootz, responsable de Vanguard pour la Suisse et le Liechtenstein.

Le marché des ETF a révélé, à la fin février, la poursuite de l’attrait des actions, en grande partie issues des Etats-Unis, et dans une moindre mesure des actions, notamment avec des échéances courtes. Roger Bootz, responsable de Vanguard pour la Suisse et le Liechtenstein, répond aux questions d’Allnews sur les dernières tendances du marché:

Quelles sont les dernières tendances de la demande en ETF?

La demande d’ETF est très forte sur les actions, en Europe, même si les banques s’intéressent beaucoup aux obligations compte tenu du rendement élevé offert par ces dernières. A la fin février, en Europe, les flux positifs atteignent 17,8 milliards d’euros, contre 22,4 milliards en janvier. La part de marché de Vanguard s’élève à 10% en février.

L’analyse du marché reflète une grande stabilité. Les flux privilégient les «core ETF», c’est-à-dire les expositions des indices globaux et américains. Les ETF actions ont récolté 15,9 milliards d’euros et les ETF obligataires 3,4 milliards d’euros. 

Dans les actions, les «core ETF» ont attiré 12,9 milliards de dollars, dont environ 9 milliards ont porté sur les expositions globales et 4,6 milliards sur les grands indices américains. 

Dans les obligations, compte tenu des incertitudes, les investisseurs se concentrent avant tout sur les ETF «ultra short», c’est-à-dire avec une échéance d’au maximum un an. L’essentiel des flux a pris la direction des obligations américaines (2,2 milliards) et des obligations globales.

Comment la demande d’ETF s’est-elle adaptée au scénario d’une baisse moins forte et moins rapide des taux d’intérêt?

L’incertitude sur l’avenir des taux d’intérêt renforce la préférence pour le court terme.

«Pour l’investisseur en francs suisses, Vanguard estime le rendement annuel des actions globales à 10 ans à 1,8% à 3,8%, contre 0,9% à 1,9% pour les obligations internationales»

Si la stabilité prédomine, est-ce que des changements se produisent dans des sous-segments?

Les investisseurs suisses s’intéressent progressivement davantage aux expositions obligataires ayant des échéances à plus long terme et aux critères ESG.

Quel type de portefeuille équilibré recommandez-vous?

Vanguard recommande une part de 58% en obligations et de 42% en actions. Le but consiste à tirer profit de la chute du marché obligataire qui est survenue en 2022. Les attentes à long terme sont dorénavant plus favorables pour cette classe d’actifs. A la fin 2021, Vanguard estimait le rendement annuel des obligations (avec hedging) à -0,7% à 0,3%. Actuellement nous estimons le rendement obligataire à 0,9% à 1,9% sur 10 ans.

Avez-vous progressé dans votre stratégie visant à vous rapprocher du client final?

Notre stratégie consiste à nous rapprocher le plus possible du client final à travers les banques et les gérants indépendants. 

Nous menons cette année une enquête avec l’Association Suisse des Gérants de fortunes indépendants (ASG) sur l’utilisation des instruments (actifs ou passifs) dans la mise en oeuvre de leur allocation d’actifs. Nous organisons aussi davantage d’événements à des fins de formation et nous en profitons pour présenter nos vues de marché. 

Notre partenariat avec Coop constitue une initiative qui nous rapproche beaucoup de l’investisseur final. Différents profils de risque/rendement sont proposés aux investisseurs, allant d’une allocation presque exclusivement obligataire à une allocation plus offensive. Vanguard fournit des portefeuilles-modèles à un partenaire qui s’occupe de leur implémentation et qui est gérée par la fondation Liberty. Deux versions sont disponibles, l’une statique avec pondération fixe et une stratégie liée au cycle de vie qui réduit progressivement la part aux actions en fonction de l’âge.

Notre préoccupation pour l’investisseur final porte aussi sur les coûts. Je constate une évolution très positive initiée en Allemagne, à travers les plans d’épargne à travers des ETF. Ce marché représente déjà 200 milliards d’euros. Des discussions sont en cours avec des Discount Brokers suisses pour introduire de tels plans d’épargne. Pour l’instant, les montants, certes en hausse, restent modestes.

Quel en est le bénéfice pour l’épargnant?

L’épargnant pourra ainsi acheter des ETF à des coûts encore plus bas. Il est déjà possible pour un petit investisseur d’acheter des ETF à un coût de transaction inférieur à 9 francs sur Swissquote ou à 1 franc pour des achats récurrents sur la fintech suisse Yuh. Cette tendance à la baisse des frais de transactions réduit la compétitivité de l’offre de certaines banques.

Les coûts peuvent-ils encore baisser?

Le coût reste un critère important, il est conseillé aux investisseurs de considérer également la liquidité d’un produit et les encours d’un ETF. C’est pourquoi les produits qu’émet Vanguard ne disparaissent pas quelques mois après leur lancement. Or la vente d’un ETF suivie d’un achat de la même exposition coûtent deux fois le droit de timbre de 15 points de base. L’investisseur doit aussi s’intéresser à la réplication de l’ETF. Sur ce point, Vanguard est très compétitif, ainsi que le révèle le tracking error (écart de performance) de ses produits.

Les investisseurs recherchent des alternatives à la Big Tech et aux 7 magnifiques. Que proposez-vous?

Nous ne recommandons pas de faire du trading mais nous insistons sur le respect de nos principes: Des objectifs clairs et réalistes, la diversification, les bas coûts, et cela non seulement par produit mais aussi en termes de frais de transaction, et la discipline. Même si un marché baisse, il est important de rester investi et de continuer à investir sur une base régulière.

«Dans les obligations, compte tenu des incertitudes, les investisseurs se concentrent avant tout sur les ETF «ultra short»

Est-ce que vous notez un intérêt plus marqué pour les obligations émergentes?

Il est possible que l’industrie ignore que 20% de tous nos encours sont gérés activement. Nous offrons deux stratégies obligataires actives, l’une porte sur la dette émergente en monnaies fortes (dollar) au sein de laquelle Vanguard procède à une sélection individuelle par marché selon une approche fondamentale. La surperformance de cette stratégie est très forte. Nous observons aussi une demande importante pour les obligations en monnaies fortes.

Comme vous êtes aussi actifs dans la gestion active, quelle est votre stratégie de placement?

Les rendements sont plus élevés à long terme dans les actions que dans les obligations. Pour l’investisseur en francs suisses, Vanguard estime le rendement annuel des actions globales à 10 ans à 1,8% à 3,8%, contre 0,9% à 1,9% pour les obligations internationales. Ces estimations sont avec couverture des changes pour les obligations et sans hedging pour les actions.

Comment limiter les risques de pertes, par exemple du fait des problèmes géopolitiques?

Nous proposons d’être le plus diversifié possible.

Quels sont vos objectifs pour 2024?

Vanguard s’est longtemps concentré sur les investisseurs institutionnels. Dès 2019, nous nous sommes toujours plus intéressés aux investisseurs finaux, à travers des intermédiaires. Le chemin est encore long. Nous avons de bonnes relations avec les banques et les gérants indépendants, mais nous aimerions les étendre encore fortement.

Est-ce une meilleure source de rendement?

Cette décision s’inscrit parfaitement dans l’histoire de Vanguard, laquelle a toujours, à travers ses structures de coopérative, défendu les intérêts de l’investisseur final et amélioré ses chances de succès. Nous n’offrons pas de mandats dédiés, précisément parce que cela ne s’inscrit pas dans la philosophie de Vanguard. 

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