La Banque du Japon normalise sa politique monétaire

Daryl Liew, SingAlliance

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Bien qu'aucun autre ajustement des taux ne soit attendu à court terme, cette normalisation de la politique est une évolution positive pour le yen et les actifs japonais.

Dans un geste historique, la Banque du Japon (BOJ) a finalement mis fin à 17 ans de politique monétaire ultra-accommodante en augmentant le taux directeur de -0,1% à 0 à 0,1%. Outre la fin de la politique des taux d'intérêt négatifs, la BOJ a également mis un terme à la politique controversée de contrôle de la courbe des rendements qui avait limité à 10 ans les rendements des obligations à une fourchette étroite. 

Le catalyseur de ces ajustements de la politique monétaire a été la publication, une semaine plus tôt, des premiers résultats des négociations salariales de printemps. Cet ensemble de données, qui couvre environ 50% des syndicats représentant principalement les grandes entreprises, a montré que les salaires totaux allaient augmenter de 5,28% en glissement annuel; le chiffre le plus élevé en 30 ans et nettement supérieur à la croissance de 3,8% observée en 2023. Les données ont également mis en évidence deux statistiques intéressantes: premièrement, l'écart entre les grandes et les petites entreprises en matière d'augmentation des salaires s'est creusé; l'augmentation totale des salaires pour les grandes entreprises s'est élevée à 5,3% en moyenne, tandis que celle des petites entreprises est restée à 4,4%. Deuxièmement, les hausses de salaires ont surtout concerné la jeune génération, comme les diplômés, ce qui témoigne d'une grave pénurie de main-d'œuvre parmi les jeunes employés. Le syndicat publiera le deuxième chiffre le 22 mars et le troisième le 4 avril. Etant donné que davantage de petites entreprises seront représentées dans ces prochaines publications, l'augmentation finale des salaires devrait être inférieure à 5%. Il s'agit toutefois d'un chiffre important, ayant convaincu les décideurs politiques que l'inflation au Japon commençait à se stabiliser, rendant inutile une politique monétaire ultra-accommodante.

L'une des conséquences attendues de la normalisation de la politique de la BOJ est le rapatriement potentiel des actifs des investisseurs japonais détenant des placements à l'étranger. 

Le vote de la BOJ n'a toutefois pas été unanime puisque deux membres ont voté contre l'ajustement, soulignant les inquiétudes qu'un changement trop brutal pourrait faire retomber l'économie dans une récession et une spirale déflationniste. C'est probablement la raison pour laquelle la BOJ s'est également engagée dans l’immédiat à poursuivre l'achat d'obligations gouvernementales japonaises, à hauteur de 6 trillions de Yens par mois, afin de garantir la stabilité des rendements à long terme.

C'est d'ailleurs ce conservatisme dans les ajustements qui a conduit à un affaiblissement du Yen après l'annonce de la BOJ. Normalement, un resserrement de la politique monétaire devrait conduire à une appréciation de la monnaie, ceteris paribus. Toutefois, les commentaires de la BOJ suggèrent que la normalisation de la politique monétaire sera menée de manière extrêmement progressive afin de réduire l'impact économique négatif. En fait, la plupart des économistes ne s'attendent pas à de nouvelles hausses des taux d'intérêt avant le quatrième trimestre ou le début de l'année 2025. En effet, les dernières données économiques, en particulier la consommation privée, ont été faibles. En outre, la BOJ devra prendre des mesures pour réduire son bilan gonflé à près de 750 trillions de Yens avant de procéder à de nouvelles hausses de taux. Tout cela fait penser que toute appréciation du Yen sera probablement graduelle.

L'une des conséquences attendues de la normalisation de la politique de la BOJ est le rapatriement potentiel des actifs des investisseurs japonais détenant des placements à l'étranger. Au fil des ans, l'environnement de faibles taux d'intérêt au Japon et la faiblesse du Yen ont incité les investisseurs japonais à placer leurs actifs à l'étranger pour obtenir de meilleurs rendements. Ils ont notamment investi dans des obligations à haut rendement à l'étranger, par exemple en Australie. Les données laissent entendre qu'environ 4,8% des titres de créance en circulation en Australie sont détenus par des investisseurs japonais. Par conséquent, tout rapatriement de fonds vers le Japon pourrait exercer une pression à la hausse sur les rendements des obligations en dollars australiens.

Les actions japonaises ont été l'un des marchés d'actions les plus performants en 2023 et cette année; en fait, le Nikkei a récemment dépassé son plus haut niveau, atteint pour la dernière fois en 1989. A la suite de ce rebond, le Nikkei se négocie désormais à un PE à terme de 23 fois, plus cher que le S&P500 (21,5 fois). Bien qu'aucun autre ajustement des taux ne soit attendu à court terme, cette normalisation de la politique est une évolution positive pour le Yen et les actifs japonais en général.

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