Emploi à profusion

César Pérez Ruiz, Pictet Wealth Management

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La politique monétaire et le rapport sur l’emploi américain provoquent des remous. Les valorisations des actions américaines semblent chères. L’Europe évite la récession.

La semaine dernière, la Fed a réduit le rythme de ses hausses de taux de 50 à 25 pb. A rebours des commentaires formulés après la précédente hausse des taux, son président Jerome Powell a jugé que l’assouplissement des conditions financières – provoqué en grande partie par une baisse des prix de l’énergie et par les anticipations vis-à-vis de la politique monétaire – ne suscitait guère d’inquiétude. Selon lui, la Fed «ne se concentre pas sur les mouvements à court terme», sachant que «le processus de désinflation a commencé». Dans un premier temps, les marchés ont fortement progressé, ignorant le refus de la Fed d’envisager une baisse des taux et la référence de Jerome Powell à l’étroitesse persistante du marché du travail. Mais les très bons chiffres des créations d’emplois non agricoles en janvier et la baisse du chômage à un niveau inédit depuis 1969 ont semé le doute jusque dans l’esprit des plus optimistes, déclenchant une correction des actions et des obligations vendredi dernier. Entre-temps, les indicateurs de l’économie américaine ont provoqué des remous: le rapport favorable sur l’emploi contraste avec les licenciements massifs des grandes entreprises technologiques, tandis que la baisse de l’indice ISM manufacturier en janvier (pour le troisième mois consécutif) tranche avec la hausse beaucoup plus importante que prévu de l’indice ISM non manufacturier le mois dernier. En résumé, les services à forte intensité de main-d’œuvre semblent en bonne santé, alors que les usines américaines, ainsi que les entreprises liées à la technologie et aux communications, sont à la peine. Trois géants de la technologie ont par ailleurs publié des résultats décevants au quatrième trimestre et signalé un ralentissement de la croissance. Malgré les espoirs d’un «atterrissage en douceur», nous restons donc prudents face aux actions américaines. Les valorisations semblent agressives compte tenu du flou qui entoure les perspectives économiques, de l’engagement de la Fed à poursuivre une politique restrictive et du risque de recul des bénéfices.

Même si la BCE a relevé ses taux de 50 pb jeudi dernier, tout en s’engageant à faire de même en mars, elle a déclaré que les perspectives d’inflation et de croissance étaient devenues «plus équilibrées» et que les futures décisions dépendraient des données. A l’instar de Jerome Powell (et du gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey), Christine Lagarde ne s’est pas opposée frontalement aux anticipations d’une prochaine inflexion de la politique monétaire. Cette attitude a provoqué un rallye des actions et des obligations européennes. Malgré la correction de vendredi dernier, les gains hebdomadaires paraissent quelque peu excessifs dans une économie qui frôle la stagnation en raison de la faiblesse des dépenses des ménages. La hausse des prix à la consommation hors alimentation et énergie en zone euro est restée obstinément élevée en janvier (5,2%), tandis que l’indice des prix à la production dépassait les attentes. Mais il est vrai que les valorisations des actions sont moins chères en Europe qu’aux Etats-Unis. En Chine, les récents indices des directeurs d’achat suggèrent une amélioration de l’activité. La reprise chinoise devrait soutenir les prix de l’énergie en 2023, car la Chine est en concurrence avec l’Europe dans un contexte d’offre relativement restreinte. Nou suivrons attentivement cette situation, ainsi que les prochains rapports sur l’inflation au Japon.

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