Selon Florence Aubry de Schroders, les petites et moyennes entreprises ont l’avantage d’être moins endettées que les grandes sociétés, un atout dans le private equity actuellement.
Alors que les marchés des actions ont fortement reculé au premier semestre, les placements non cotés comme le private equity ont été moins été affectés par la volatilité des bourses. Pourquoi est-ce le cas? Le point avec Florence Aubry qui est Private Equity Sales Director chez Schroders, une société qui dispose d’une équipe d’une centaine de spécialistes du capital-investissement à Zurich.
Les rendements obtenus dans le domaine du private equity en 2021 ont effectivement été largement supérieurs à la moyenne des années précédentes. Il ne s’agit pas de rendements soutenables sur la durée. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, dit un adage boursier. En outre, la correction survenue depuis début janvier sur les marchés publics finira par se transmettre aussi aux marchés privés au cours de cette année. Une différence importante entre les marchés publics et les marchés privés est toutefois que les actifs placés dans le private equity connaissent moins de fluctuations de court terme.
Tout d’abord, car les investisseurs qui placent de l’argent dans le private equity sont généralement des professionnels qui sont moins enclins à réagir excessivement sur le court terme. Ensuite, le private equity est moins soumis à la problématique des marchés de flux, caractérisé par d’importantes entrées et sorties d’argent. Enfin, il y a, de manière générale, aussi moins d’achats qui sont effectués sans sélection approfondie au préalable. Dans les marchés privés, chaque investissement doit être sélectionné individuellement. Dans le private equity, personne n’investit dans une société sur un simple coup de tête. Si l’on prend l’exemple de Schroders, il y a environ 100 personnes à Zurich qui travaillent seulement pour le domaine du private equity. Chaque investissement est effectué sur la base de critères précis. Il s’agit chaque fois d’examiner en détail ce que fait la société, à quel stade de développement elle se trouve, d’évaluer comment une entreprise peut transformer son modèle d’affaires, etc.
Cela rend bien sûr aussi l’investissement dans le private equity plus cher. Il existe moins de possibilités de rationalisation de l’investissement dans les marchés privés que ce n’est le cas sur les marchés cotés.
Même quand il n’y a pas d’entrées en bourse, il existe d’autres possibilités de sorties ou «exit» pour les entreprises. Il est par exemple possible de vendre la société à un concurrent ou de réaliser une vente via une transaction secondaire. Indépendamment du nombre d’IPO qu’il y a ou non sur le marché, nous nous concentrons avant tout sur les fondamentaux d’une entreprise. A savoir, quelle est la qualité de son bilan, quelles sont ses marges, comment son modèle d’affaires se compare-t-il par rapport aux autres sociétés de son secteur.
Avec environ 15 milliards de dollars d’actifs sous gestion dans le private equity, Schroders reste encore relativement «petit» dans le secteur. Nous ne cherchons toutefois pas à prendre des parts de marchés aux plus grands acteurs de la branche comme KKR, Carlyle ou Blackstone. Nous nous concentrons avant tout sur les petites et moyennes capitalisations. Et c’est bien ainsi car cela nous oblige à avoir une grande discipline dans nos investissements. En général, nous investissons sans levier. Si on investit 3 millions, on a déjà ces 3 millions au départ. L’avantage d’investir dans les petites et moyennes capitalisations est aussi que celles-ci sont beaucoup moins endettées que les grandes capitalisations. Leurs bilans sont souvent beaucoup plus sains que ceux de certaines grandes entreprises. C’est quand les conditions se durcissent qu’il faut être véritablement sélectif. Nous misons sur notre capacité de spécialisation dans la sélection de nos investissements.
Typiquement, il s’agit d’entreprises qui réalisent jusqu’à 100 millions de francs de chiffre d’affaires. En termes de stade de développement, nous investissons aussi dans des sociétés de type «early stage», par exemple dans des entreprises qui procèdent à des investissements de série C. En revanche, nous n’investissons pas dans le capital d’amorçage ou «seed money».
Le souci numéro un est celui de la diversification, le but étant notamment de ne pas se limiter aux placements typiques en actions, obligations et dans l’immobilier. Outre l’aspect de diversification, un autre aspect qui plaide en faveur du private equity est aussi qu’il y a moins de volatilité. Dans le capital-investissement, vous faites un point de la situation par trimestre, éventuellement une fois par mois, pas plus. Cela contribue à apporter une forme de stabilité dans les portefeuilles.
C’est parfois le cas. Certaines caisses de pension ont effectivement envie de placer leur argent d’une façon qui contribue par exemple à soutenir le tissu économique régional ou l’innovation. De manière générale, les caisses de pension doivent d’abord être capable de payer les rentes à leurs assurés.
Il est désormais possible d’investir dans certains produits de private equity dès 50'000 francs pour des investisseurs privés qualifiés, ce qui est beaucoup moins que les 5 millions usuels qui étaient habituellement requis dans la branche.
Effectivement, nous constatons que bon nombre d’entreprises retardent leur mise en bourse ou restent en mains privées. Les raisons qui ont poussé Bobst à se retirer de la bourse ont été expliquées par les descendants du fondateur – il s’agit notamment d’avoir la liberté de déployer une stratégie à long terme, mener à bien sa transformation numérique et maintenir ses importantes activités industrielles en Suisse. Ceci dit, chaque cas est individuel et une mise en bourse peut tout à fait correspondre des objectifs de long terme. Il faut cependant prendre en compte le secteur dans lequel évolue une entreprise donnée; comme mentionné plus haut, une IPO n’est pas la seule stratégie de sortie pour l’investisseur en private equity.