Que signifie la transition énergétique pour l’avenir du travail?

Irene Lauro, Schroders

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Une réflexion à long terme s'impose pour relever les défis qui se présenteront au fur et à mesure que le monde passera des combustibles fossiles aux sources d’énergie renouvelables.

Atteindre l’objectif climatique prévu dans l’Accord de Paris nécessitera un changement radical dans le secteur de l’énergie. La transition énergétique impliquera d’importants changements dans les technologies énergétiques et la structure de l’économie mondiale, ce qui aura des conséquences profondes sur la croissance et l’inflation. Mais elle impliquera également des changements majeurs dans la structure actuelle de la main-d’œuvre et dans la forme des marchés du travail mondiaux.

Impact positif sur l’emploi mondial

L’emploi dans le secteur des énergies renouvelables est déjà sur une trajectoire ascendante. Les données de l’Agence Internationale pour les Energies Renouvelables (IRENA) montrent que l’emploi mondial dans les énergies renouvelables a atteint les 12 millions en 2020, soit une hausse de plus de 60% depuis 2012.

Plusieurs études ayant examiné l’impact net des mesures de politique environnementale sur l’emploi suggèrent qu’il est positif, car la diminution des emplois dans le secteur des combustibles fossiles dans le scénario de zéro émission nette est plus que compensée par la création de nouveaux emplois dans le domaine des énergies renouvelables, des réseaux électriques et de l’hydrogène.

Gagnants et perdants

Si l’emploi mondial est appelé à augmenter grâce au passage au «net zéro», la transition risque de faire des gagnants et des perdants, car le développement des emplois dans le domaine de l’énergie variera fortement d’une région à l’autre.

Les pays européens, qui pour l’heure importent des énergies fossiles, connaîtront une augmentation des emplois avec la hausse de la production nationale d’énergie renouvelable.

Les pays qui sont actuellement fortement tributaires de la production de combustibles fossiles sont particulièrement susceptibles de connaître des pertes d’emplois spectaculaires. Une étude récente de l’Université de Stanford montre qu’il y aura des divergences substantielles entre les pays en termes d’évolution de l’emploi lors de la transition vers une énergie, une efficacité et un stockage éolien/hydraulique/solaire 100% propre et renouvelable.

A la suite de la chute de la demande de combustibles fossiles dans le cadre de la transition vers les énergies éolienne/hydraulique/solaire, les pays exportateurs comme le Canada, la Russie et certaines régions d’Afrique perdraient des emplois dans leurs secteurs d’extraction, ce qui ne sera pas compensé par une augmentation des emplois dans le secteur des énergies renouvelables. D’autre part, les pays qui importent actuellement des énergies fossiles, à l’instar des pays européens, connaîtront une augmentation de leur emploi en raison de la hausse de la production nationale d’énergie renouvelable.

Mesures à prendre pour relever les défis de la transition énergétique

La réaffectation de la main-d’œuvre au sein des pays est l’une des principales frictions que la transition rencontrera, car le passage à une économie à faible intensité carbone pourrait ne pas créer d’emplois dans les endroits où les emplois relatifs à l’économie des combustibles fossiles sont perdus.

Les énergies fossiles sont utilisées partout, mais les lieux d’extraction, de raffinement et de production sont géographiquement localisés. Une étude réalisée par le FMI montre que les mines de charbon, par exemple, se concentrent dans quelques régions clés, puisque le charbon ne peut être extrait qu’aux endroits où se trouvent les gisements houillers. Autrement dit, les déplacements d’emplois à grande échelle résultant de la fermeture de mines de charbon peuvent affecter des communautés entières, avec le risque de laisser les économies locales avec peu d’opportunités économiques.

La restructuration économique sera donc essentielle à la survie de ces régions. Il existe d’ailleurs déjà des exemples de mines de charbon converties en sites de production d’énergie verte, qui ont permis la création de nouveaux emplois et le réemploi, notamment pendant la phase de construction.

Réutiliser les sites existants pour les énergies renouvelables

Les sites miniers présentant une bonne exposition solaire peuvent devenir des lieux de production d’énergie solaire, comme la mine de charbon de Goettelborn dans la Sarre allemande et la mine d’étain Wheal Jane dans les Cornouailles, qui ont été respectivement converties en parc d’énergie solaire en 2004 et 2011. Plus récemment, la Virginie-Occidentale a annoncé qu’elle envisageait de construire son plus grand parc solaire sur le site minier de Hobet, l’une des plus grandes mines de charbon de l’Etat, qui a fait faillite en 2015. D’autres mines, situées dans des zones de hautes altitudes présentant d’importantes ressources éoliennes, ont quant à elles été transformées en parcs éoliens, comme la mine Dave Johnston dans le Wyoming.

Même si les gouvernements parviennent à attirer de nouvelles industries dans les régions à forte intensité de combustibles fossiles, certaines frictions persisteront.

La Brookings Institution a analysé une base de données géographique américaine sur le potentiel de production d’énergie renouvelable et constaté que de nombreux pôles actuels de combustibles fossiles sont des sites idéaux pour la production d’énergie renouvelable. Au total, un quart des comtés américains présentant le plus grand potentiel de production d’électricité éolienne et solaire sont également des centres de production de combustibles fossiles.

Des opportunités d’emploi locales devraient être créées notamment lors de la phase de construction des sites d’énergie verte. Toutefois, même si les gouvernements parviennent à attirer de nouvelles industries dans les régions à forte intensité de combustibles fossiles, certaines frictions persisteront. L’AIE souligne notamment que des inadéquations temporelles et éducatives pourraient survenir.

Dépenses publiques ciblées en formation

En ce qui concerne les défis temporels, la création d’emplois dans le secteur des énergies propres pourrait ne pas se produire au même moment ou au même rythme que les pertes d’emplois dans le secteur des combustibles fossiles. L’émergence de nouveaux secteurs économiques peut prendre de nombreuses années, voire des décennies. Les anciens travailleurs du secteur des combustibles fossiles risquent donc d’être exclus de la population active pendant une longue période avant que de nouveaux emplois ne soient créés. Autrement dit, ils pourraient connaître un chômage de longue durée et avoir moins de chance de réengagement lorsque de nouvelles opportunités se présenteront.

Un soutien financier sera fondamental pour assurer un revenu pendant les périodes de chômage. Toutefois, les politiques d’aides sociales qui indemnisent les travailleurs licenciés ne suffiront pas car elles ne peuvent pas remédier aux effets profonds des changements structurels locaux.

Par ailleurs, un désalignement en matière d’éducation est susceptible d’apparaître car la main-d’œuvre risque de ne pas disposer des compétences nécessaires pour s’adapter aux changements économiques. Afin de prévenir la formation de sévères vagues de chômage, les gouvernements doivent assurer une formation technique et un développement des compétences ciblés pour aider les travailleurs du secteur des combustibles fossiles et ainsi assurer une transition en douceur vers d’autres emplois.

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