C’est le E de ESG qui retient toute l’attention

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

La transition climatique, éclipsée un temps par la pandémie, est revenue sur le devant de la scène. Entretien avec Andreas Markwalder de Schroders.

Deux ans après l’acquisition de BlueOrchard, Schroders confirme son engagement total envers la transition climatique et la finance durable. Une majorité des fonds de Schroders devront se conformer à l’article 8 du règlement «Sustainable Finance Disclosure Regulation» (SFDR) en cours d’année. Le message du CEO du groupe, Peter Harrison, est clair: «il ne s’agit plus de décider si nous le ferons mais de savoir quand et comment». Entretien avec Andreas Markwalder, PDG de Schroder Investment Management (Suisse).

Où en êtes-vous de l’intégration de Schroders avec BlueOrchard?

Les choses ont bien avancé et les forces de vente des deux entités ne font désormais qu’une. Nos activités et nos modèles d’affaires sont toutefois très différents et, comme vous vous en souvenez peut-être, Schroders s’est engagé lors de la reprise à laisser à la direction de BlueOrchard son indépendance sur ce qui a trait aux décisions d’investissement. Comme prévu également, Peter Harrison, Carolina Minio-Paluello, Georg Wunderlin et Stephen Mills sont entrés au conseil d’administration de BlueOrchard et participent à l’établissement de la stratégie. Par ailleurs, et toujours conformément au plan d’origine, BlueOrchard aide Schroders à développer sa culture ESG. Plus particulièrement dans le domaine de l’investissement d’impact, là où Schroders disposait de relativement peu d’expérience, Maria Teresa Zappia de BlueOrchard et son équipe nous aident à intégrer ce type d’investissement aux approches plus traditionnelles.

«Schroders a atteint une intégration ESG complète
dans tous les actifs gérés à la fin de 2020.»
Où en êtes-vous dans l’accréditation ESG de votre gamme traditionnelle?

Schroders a atteint une intégration ESG complète dans tous les actifs gérés à la fin de 2020. D’ici septembre 2021, Schroders vise à ce que 65% de la gamme Schroders International Selection Fund (SISF) soit classée article 8 (durable) ou article 9 (impact) du règlement SFDR. 

Est-ce un processus complexe?

Pas autant qu’on pourrait l’imaginer ; de nombreux acteurs y sont bien arrivés. Ce qui est indispensable est d’amener les gérants à accepter de passer de la conformité à l'article 6 qui n’inclut pas d’objectifs de durabilité à celle de l’article 8. Et, a contrario d’une croyance assez répandue, ce n’est pas plus facile avec les jeunes gérants qu’avec les vétérans. Certains managers très expérimentés ont immédiatement compris que c'était la voie du futur; c’est le cas de notre responsable des investissements obligataires européens, Patrick Vogel. C’est aussi une condition préalable pour réussir dans les pays nordiques ou en Allemagne.

Avez-vous observé une plus grande attente de la clientèle pour les produits durables après la pandémie?

Je ne suis pas sûr du rôle qu’a joué la pandémie. Elle a possiblement donné plus de temps aux gens pour réfléchir aux problématiques du futur et a peut-être ainsi accéléré certaines tendances à coup d’images de baleines et de dauphins nageant dans Venise. Mais elle a aussi gravement accentué les inégalités sociales. Avant la crise, la transition climatique était le principal sujet, éclipsé un temps par la pandémie, mais elle est revenue sur le devant de la scène. Sans compter que la pression réglementaire bat son plein. C’est donc surtout le E de ESG qui obtient les faveurs du public. Pour répondre plus directement à la question, il me semble plutôt que la demande actuelle est d’abord question de maturation et de réglementation. Tant en France que dans les pays nordiques, les exigences de la clientèle se sont développées dans ce sens au terme d’un long processus. Pour ce qui est de Schroders, c’est le G d’ESG qui est l’un de nos grands sujets. Nous estimons qu’avoir une influence directe sur les entreprises est le meilleur moyen de les amener au fameux «net zero».

«Outre le capital-investissement, l'activité mondiale d'ILS
et d'investissement à impact (BlueOrchard) est gérée depuis la Suisse.»
Et en Suisse?

En Suisse, les investisseurs sont attentifs mais s’intéressent aussi à d'autres aspects. L’évolution n’y est pas très rapide même si l’offre des principaux établissements bancaires dans le domaine de la durabilité est en forte croissance. Toutefois, les fonds de pension changent également de stratégies et dans ce secteur l’essor se confirmera dans les deux prochaines années.

Quelle évolution observez-vous autour du private equity?

Dans ce domaine, chez Schroders, la Suisse est pionnière. Alors que seuls 8% des actifs gérés par notre groupe sont investis sur les marchés privés au niveau mondial, cette proportion monte à 50% en Suisse. En conséquence, la gestion de ces marchés est effectuée à partir de la Suisse pour l’ensemble du groupe. Outre le capital-investissement, l'activité mondiale d'ILS et d'investissement à impact (BlueOrchard) est gérée depuis la Suisse. Il s'agit donc d'une sorte de centre mondial des Private Assets.

Comment vivez-vous cette fin de crise?

Conformément aux mesures du Conseil Fédéral, nos employés continuent dans la mesure du possible à travailler depuis la maison. Mais nous avons constaté que lorsqu’une rencontre doit être interactive, la vidéoconférence n’est pas une solution idéale. De ce fait, nous avons amélioré la communication avec les employés et allons encore continuer dans ce sens pour compenser l'éloignement. Dans le rapport avec les clients, les choses se sont déroulées mieux que prévu. Nos clients semblent plutôt bien s’accommoder de cette nouvelle normalité. En outre, cette période nous a permis de renforcer nos systèmes au fil du temps en particulier ce qui touche à la gestion du risque sur laquelle nous avons introduit beaucoup plus de contrôles en mars/avril de l’an dernier. Prudence oblige.

Vous évoquez les systèmes. Quelle place attribuez-vous à la digitalisation?

La révolution numérique est au cœur de notre stratégie tant au niveau de l’offre de produits, que de notre plateforme. Nous avons, entre autres, développé pour l’immobilier une offre de tokenisation fondée sur la technologie blockchain.

Envisagez-vous de nouvelles acquisitions?

Oui. Deux ou trois plateformes sont à l’étude, en particulier dans le private debt. Comme nous l’avions déjà évoqué dans le cas de BlueOrchard, il n’est souvent pas judicieux de chercher à développer une expertise avancée organiquement. Mieux vaut l’acquérir.

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