Haut rendement: la demande peut-elle suivre l’offre record?

David Norris, TwentyFour Asset Management

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L’heure est venue de s’interroger sur la capacité des investisseurs à absorber les émissions record.

© Keystone_RS

Tout le monde sait que cette année a été exceptionnelle pour les émissions d’obligations d’entreprises aux États-Unis alors que le rythme de la reprise économique et l’environnement de taux bas offrent aux entreprises de multiples possibilités de financement à des conditions attractives.

Les émissions d’obligations à haut rendement américaines se chiffrent à 395 milliards de dollars depuis le début de l’année, soit une hausse de 13% par rapport à la même période de l’année dernière, et ne devraient pas tarder à dépasser le record annuel de 2020. L’activité LBO (rachat par emprunt), qui constitue l’une des principales sources d’émission dans le haut rendement, s’intensifie également: les LBO à haut rendement ont connu un pic historique en septembre tandis que l’activité au troisième trimestre n’avait pas été aussi forte depuis la crise financière mondiale. Alors que l’inflation occupe également toutes les pensées des participants au marché cette année, c’est surtout le financement par emprunt (essentiellement à taux variable) qui s’est envolé en 2021. Les émissions de prêts ont atteint leur deuxième plus haut niveau historique en septembre, avec un volume en hausse de 147% depuis le 1er janvier en rythme annuel à 725 milliards de dollars. L’appétit des investisseurs pour les produits à taux variable a également dopé les obligations adossées à des prêts (CLO).

Le marché peut absorber l’offre

Alors que le «tapering» des banques centrales et donc les hausses de taux d’intérêt approchent à grands pas, il n’est pas surprenant que les négociateurs cherchent à exploiter les modalités de financement attractives tant qu’elles existent encore. Voici un bon exemple de ce qui est actuellement réalisable: l’acquisition du géant des fournitures médicales Medline Industries par Blackstone, The Carlyle Group et  Hellman & Friedman dans le cadre d’un prêt à tranches multiples pour un montant de 33,7 milliards de dollars, soit la plus importante transaction LBO depuis la crise financière. Le montage financier inclut deux prêts syndiqués (une tranche B de 7,27 milliards USD et une tranche B équivalente en euro de 500 millions USD) et deux obligations (un titre senior sécurisé de 4,5 milliards USD et un titre senior non sécurisé de 2,5 milliards USD) auxquels viennent s’ajouter une ligne de crédit renouvelable en cash-flow de 1 milliard USD sur cinq ans, une opération CMBS de 2,2 milliards USD et 16,5 milliards USD apportés par des sponsors et par la famille Mills. Malgré l’ampleur de ce LBO, le marché n’a eu aucune difficulté à absorber cette transaction qui a été sursouscrite plusieurs fois.

Les coupons des obligations en circulation constitueront une autre source d’injection de liquidités pour les investisseurs.

Sachant que des opérations de ce type sont réalisables, il n’est pas surprenant que le financement d’acquisitions représente une proportion croissante des émissions sur le segment du haut rendement. Alors que le refinancement reste la principale source des émissions primaires et se taille la part du lion depuis maintenant 17 mois d’affilée, près de 16,5 milliards USD, soit 38% des émissions de septembre, ont servi à des acquisitions, du jamais vu depuis trois ans. Les acquisitions ont représenté 27% des émissions au troisième trimestre et 18% depuis le début de l’année, soit un bond de 8% par rapport à la même période de l’année 2020.

La popularité croissante des obligations aux fins d’acquisition tient 1) aux bas niveaux des taux d’intérêt, 2) aux multiples attractifs des cibles d’acquisition (14,7 pour Medline sur la base de l’EBITDA pro forma ajusté) et 3) au trésor de guerre colossal des fonds de private equity. Si l’attrait des multiples s’atténue (les multiples des LBO américains ont augmenté en moyenne de 7 en 2009 à 10,6 en 2021, selon Credit Suisse et LCD), la tendance reste jusqu’à présent compensée par les énormes quantités de poudre sèche dont disposent les fonds de private equity.

À quoi devons-nous nous attendre au T4?

Les attentes en matière d’émissions s’échelonnent entre 30 et 40 milliards USD pour le haut rendement américain en octobre. L’offre semble donc vouée à rester élevée. La principale question qui se pose aux investisseurs obligataires, c’est de savoir si la demande tiendra le rythme. Or, le solide calendrier des échéances à venir, des  dates de rachat et des refinancements anticipés de coupons suggère que ce sera le cas.

Les échéances du haut rendement américain totalisent près de 4 milliards USD par mois au cours des cinq prochains mois avant un rebond à 8 milliards USD en mars, selon BofA Global Research, qui évalue également à près de 20 milliards USD par mois les remboursements, offres et rachats sur le marché secondaire par les émetteurs au cours des 12 prochains mois. Les coupons des obligations en circulation, que BofA chiffre à plus de 9 milliards USD sur quatre des cinq prochains mois, constitueront une autre source d’injection de liquidités pour les investisseurs.

Tout bien considéré, nous voyons un important support technique pour le marché du haut rendement américain au T4 et en 2022 et attendons avec intérêt de voir si ces conditions favorables feront sortir du bois d’autres grandes opérations LBO.

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