Stagflation: probabilité ou crainte infondée?

Dillon Lancaster, TwentyFour Asset Management

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Quel scénario d’inflation les investisseurs devraient-ils suivre pour le positionnement de leur portefeuille?

© Keystone

La stagflation, ou inflation élevée accompagnée d’une croissance faible, est considérée comme un fléau économique qui peut rapidement éroder le niveau de vie de l’ensemble de la société. Avec des données inflationnistes en hausse et les inquiétudes exprimées ces derniers mois sur les taux de croissance futurs, il n’est donc pas surprenant que les médias agitent le spectre de la stagflation. Selon nous, les perspectives d’une stagflation sont néanmoins faibles et ne devraient pas être le premier souci des investisseurs.

Croissance forte en vue

L’inflation devrait certes être plus soutenue que ne le laissent entendre les banques centrales, mais sans échapper pour autant à tout contrôle. Bien que les dernières prévisions de la Fed pour 2022 paraissent vraiment faibles à 2,2%, nous nous attendons à ce que l’inflation redescende progressivement des niveaux supérieurs à 5% vus cet été, à mesure que les facteurs techniques s’estomperont et que les frictions entre offre et demande diminueront dans l’économie américaine.  

De plus, la croissance reste très vigoureuse dans le monde entier. Le variant Delta du COVID-19 a ralenti la réouverture des économies, mais les chiffres des PIB se maintiennent à des niveaux records et les prévisionnistes ont intégré la croissance perdue cette année dans leurs attentes pour l’année prochaine. Ce point de vue paraît raisonnable: les consommateurs disposent toujours d’un matelas d’épargne confortable et les créations d’emploi sont légion sur le marché du travail, tandis que la politique monétaire et budgétaire reste accommodante. Dans ce contexte, le FMI anticipe pour 2021 et 2022 un taux de croissance de 7% et 4,9% aux USA et de 4,6% et 4,3% dans la zone euro, des niveaux nettement supérieurs à ceux de la dernière décennie.

A ce stade, s’il est donc intéressant de discuter de l’éventualité d’une stagflation, se positionner dans cette perspective est plutôt risqué.
La stagflation est un scénario improbable

Dans l’éventualité peu probable d’une stagflation, comment les marchés obligataires pourraient-ils réagir et modifier leur positionnement? Tout d’abord, on peut s’attendre à ce que les banques centrales privilégient la croissance et l’emploi sur la lutte contre l’inflation. Si elles adoptaient une attitude conciliante face à la stagflation, un aplatissement des courbes de taux serait à prévoir malgré la forte inflation tandis que les spreads de crédit resteraient serrés. Dans la perspective des portefeuilles, une réaction logique serait d’accroître le risque de duration tout en maintenant les expositions obligataires. Toutefois, un scénario de stagflation irait probablement de pair avec une hausse du taux de défaut de la dette d’entreprise par rapport aux niveaux très bas d’aujourd’hui. En conséquence, réduire les positions obligataires dans le bas de la fourchette de notation serait également judicieux, le but étant d’augmenter légèrement la qualité de crédit dans un portefeuille d’échéances plus longues.  

Encore une fois, une stagflation réelle nous semble extrêmement improbable. Notre scénario de base est la poursuite d’une croissance soutenue avec un léger dépassement de l’objectif d’inflation. Pour les investisseurs obligataires, il serait risqué de se positionner en vue d’une stagflation si ce scénario se confirme. Un allongement des durations pourrait avoir des conséquences douloureuses si des données d’inflation élevées poussent les rendements des bons du Trésor vers le haut. En parallèle, l’exposition à une qualité de crédit supérieure s’accompagnerait de spreads insuffisants pour absorber la correction sur les taux.  

En revanche, l’inverse serait sans doute vrai si les investisseurs se positionnaient pour le scénario de base et qu’un phénomène de stagflation se produisait. Un portefeuille positionné en vue d’une croissance continue et d’une hausse de l’inflation ne devrait pas être impacté de manière négative par la stagflation, étant donné que les banques centrales et les gouvernements réagiraient probablement en adoptant une politique plus conciliante afin de stimuler la croissance.

A ce stade, s’il est donc intéressant de discuter de l’éventualité d’une stagflation, se positionner dans cette perspective est plutôt risqué. Le scénario le plus probable d’un léger dépassement de l’objectif d’inflation s’avère également le moins risqué du point de vue du positionnement des portefeuilles, et nous pensons que les investisseurs devraient se concentrer là-dessus. 

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