L’économie suisse peut s’appuyer sur plusieurs piliers solides

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

La part élevée de la pharma dans les exportations et la stabilité de l’immobilier atténueront la récession, selon Credit Suisse.

©Keystone

Sans surprise, Credit Suisse a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie helvétique en 2020. Les économistes de la grande banque anticipent désormais un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% cette année en Suisse, suivi d’un net rebond de 2% en 2021, relève la banque dans son «Moniteur Suisse» pour le premier trimestre publié mardi. Une prévision encore relativement favorable pour 2020 étant donné qu’elle part de l’hypothèse de la tenue des grandes compétitions sportives internationales. Sans celles-ci - compte tenu du report des Jeux olympiques -, le recul du PIB sera encore plus prononcé, de l’ordre de -1%, anticipe Credit Suisse. Les révisions annoncées par d’autres banques ou instituts de recherche anticipent un recul encore plus drastique du PIB suisse en 2020: c’est le cas notamment chez UBS (-3%), BAK Economics (-2,5%) ainsi que du côté du Seco (-1,3%).

Assouplissement graduel du «lockdown» dès la mi-mai

Dans une perspective plus globale, les économistes de Credit Suisse restent prudents quant aux perspectives pour l’économie mondiale compte tenu des multiples incertitudes liées à l’épidémie du coronavirus. Parmi les différentes hypothèses qui ont été prises en compte par la grande banque pour établir ses prévisions, Credit Suisse prend en compte une application des mesures de confinement («lockdown») jusqu’à la mi-mai, suivie par un assouplissement graduel de celles-ci. S’y ajoutent le maintien des échanges de marchandises, une stabilisation des marchés financiers grâce aux interventions des banques centrales et l’absence d’une aggravation de la crise dans la zone euro (Italexit).

Une chute des bourses rapide
mais pas si prononcée en comparaison historique.

Quelle durée de crise faut-il anticiper? A ce sujet, Oliver Adler, chef économiste pour la Suisse rappelle, sur la base de comparaisons historiques, que la durée des récessions peut être très variée. En outre, on ne peut pas exclure une poursuite de la correction sur les marchés boursiers. Ainsi, aux Etats-Unis, les quatre dernières récessions ont duré respectivement 18 mois (crise financière, de décembre 2007 à juin 2009), 8 mois (éclatement de la bulle Internet, de mars 2001 à novembre 2001), 8 mois (guerre du Golfe, de juillet 1990 à mars 1991) et 16 mois (choc pétrolier suite à la révolution iranienne, de juillet 1981 à novembre 1982). Au cours des quatre récessions, l’indice élargi de la bourse américaine S&P 500 avait, lui, chuté de respectivement de 56,8%, 49,1%, 19,9% et de 27,1%. En comparaison, la pandémie de coronavirus a, jusqu’ici, entraîné une chute de l’indice de près de 32% (en date du 20 mars). Ainsi, le récent plongeon des marchés a certes été extrêmement rapide mais, jusqu’à présent, moins prononcé qu’au cours des autres épisodes de correction, relève Credit Suisse. Lors de la crise financière, l’indice MSCI Monde avait essuyé un recul de 59%, comparé à 32% jusqu’ici en raison du coronavirus.

Pour Oliver Adler, la récente crise présente ainsi plusieurs parallèles avec les récessions précédentes – stress élevé sur les marchés financiers, trop grand optimisme au début de la crise et déclencheur univoque de la récession – mais aussi des différences importantes, en particulier le repli simultané de la demande et de l’offre. En comparaison de 2008, les déséquilibres financiers des ménages sont toutefois moins prononcés. En outre, les autorités ont généralement réagi rapidement. 

La pharma, pilier des exportations helvétiques

De par sa structure, l’économie helvétique dispose aussi de quelques atouts à faire valoir en comparaison de la dernière crise financière. Du côté des échanges commerciaux, la part des exportations pharmaceutiques est aujourd’hui beaucoup plus élevée qu’il y a dix ans – elle atteint près de 40% du total des exportations de marchandises, contre environ 25% en 2007. Or, la demande de produits pharmaceutiques réagit peu aux fluctuations temporaires de la croissance à l’étranger. «C’est un soutien important», a commenté Tiziana Hunziker, économiste responsable de l’analyse conjoncturelle pour la Suisse. Après un repli des exportations cette année (-1%), celles-ci devraient fortement rebondir en 2021 (+5%).

La consommation privée ne pourra plus compter
sur l’augmentation régulière du nombre d’habitants en Suisse.

En revanche, la consommation privée ne pourra plus compter sur l’augmentation régulière du nombre d’habitants en Suisse, telle qu’elle a été observée ces dernières années. Credit Suisse anticipe pour 2020 une immigration nette de 35'000 à 40'000 personnes pour l’ensemble de l’année, comparé à 53'000 en 2019.

Les surfaces de bureau et de vente à la peine

S’agissant de l’immobilier, la grande banque redoute un impact négatif de la crise, en particulier pour les surfaces de bureau – et même « très négatif » pour les espaces de coworking et les espaces dits flexibles –et les surfaces commerciales dans le domaine non alimentaire. En revanche, l’impact de la crise du coronavirus devraient rester «neutre» pour le marché des maisons familiales et des propriétés par étage ainsi que pour les appartements de location en général. Un segment très spécifique pourrait même tirer parti de la crise: celui des surfaces industrielles ou artisanales pouvant héberger des centres de données et les centres dédiés à la logistique.

A lire aussi...