Le Credit Suisse publie une étude sur le marché immobilier suisse en 2020.
Le nouveau plancher historique des taux d’intérêt envoie le cycle du marché suisse de l’immobilier vers son énième prolongation. Les conséquences sont multiples: les taux négatifs rendent la propriété du logement inabordable, et provoquent contre toute attente une pénurie. Ils incitent vraisemblablement les investisseurs privés à acheter des logements pour les mettre en location. Indirectement, les faibles taux d’intérêt encouragent également les écarts de prix entre le centre et la périphérie, ce qui devrait encore accroître les flux pendulaires. Actuellement, plus de trois millions de pendulaires quittent déjà chaque jour leur localité de résidence pour se rendre sur leur lieu de travail ou de formation. Mais les taux d’intérêt négatifs sont aussi à l’origine de l’accroissement des surfaces vacantes dans les logements en location. Selon les économistes du Credit Suisse, les biens sous pression sont surtout les logements qui ne sont plus tout à fait neufs.
Les taux d’intérêt négatifs dominent l’environnement des taux. Les banques centrales ne montrent aucune intention de s’écarter de leur politique monétaire trop expansionniste pour le marché immobilier suisse. Les investisseurs doivent donc se préparer à de nouvelles années de taux d’intérêt négatifs. Pendant ce temps, les épargnants voient diminuer les seuils de fortune à partir desquels des taux d’intérêt négatifs leur sont appliqués. Les investisseurs recherchent donc des possibilités pour réaliser des rendements réels positifs avec un risque raisonnable. Ils trouvent cela sur le marché immobilier, si bien que la pression se maintient sur les placements dans les immeubles de rendement, ce qui prolonge le «super-cycle» déjà en place.
Les investisseurs privés à la recherche de placements sûrs suivent l’exemple des grands investisseurs financiers et acquièrent des biens d’habitation pour les louer («Buy-to-Let»). Les immeubles plurifamiliaux n’étant plus guère abordables dans l’environnement actuel, ils achètent des appartements en propriété et dans une moindre mesure des maisons individuelles. Grâce aux faibles intérêts hypothécaires, les investisseurs peuvent ainsi obtenir des rendements substantiels. Depuis la crise financière, la part de ces financements «Buy-to-Let» dans les nouvelles conclusions d’hypothèques a progressé à 17%. En d’autres termes, un appartement en propriété sur six est acheté par des investisseurs privés à des fins de location.
Ces biens sont généralement bien situés. Plus de la moitié des biens en «Buy-to-Let» se trouvent dans les centres ou dans des zones avoisinantes affichant une demande solide en logements locatifs. Cependant, le «Buy-to-Let» n’offre pas des rendements positifs partout. Le facteur déterminant est le rapport entre les prix locaux de la propriété du logement et les loyers réalisables dans la même zone. Sur les excellents emplacements, le logement en propriété est si onéreux qu’il n’offre que de très faibles rendements. À cela s’ajoutent les risques de taux et de vacance, qui peuvent générer des situations problématiques. En dépit de ces risques, la multiplication des répercussions des taux négatifs sur les clients privés poussera de plus en plus d’investisseurs vers le «Buy-to-Let». Néanmoins, les risques pesant sur l’économie nationale restent jusqu’ici sous contrôle car les propriétaires sont eux aussi soumis à des directives de financement strictes, et près de 90% des emprunteurs ne possèdent qu’un seul bien de ce type.
En moyenne, plus de cinq revenus annuels sont nécessaires pour acquérir un appartement en propriété, et plus de sept pour une maison individuelle. Dans les régions les plus chères de Suisse, dix années de revenus ne suffisent même pas. Il reste toutefois des régions, certes parmi les plus excentrées de Suisse, où moins de quatre années de revenus moyens sont suffisantes. Il est encore plus difficile d’atteindre l’admissibilité théorique, de sorte que la propriété du logement est actuellement hors de portée du ménage moyen. Étonnamment, le facteur limitant du marché des logements en propriété ne tient toutefois pas à la demande mais à l’offre. Pour les promoteurs immobiliers, la construction de logements locatifs est tout simplement plus facile et plus lucrative car les investisseurs institutionnels font la queue pour acquérir de tels immeubles en raison des taux négatifs. Par conséquent, les projets de construction de logements en propriété sont trop rares et des signes de pénurie se font ressentir. C’est pourquoi les prix des logements en propriété vont à nouveau augmenter en 2020.
À la recherche de placements sûrs offrant encore des rendements réels positifs, les investisseurs se concentrent sur les immeubles situés sur des emplacements attrayants, c’est-à-dire urbains. Par conséquent, les écarts de prix se creusent par rapport à la périphérie, ce qui éloigne toujours plus les lieux de vie et de travail. Chaque jour se répète ainsi le théâtre d’un déplacement de population, car plus de trois millions de pendulaires quittent aujourd’hui leur localité de domicile pour se rendre sur leur lieu de travail ou de formation. En moyenne, chaque trajet leur prend plus d’une demi-heure. Les pendulaires mobiles déchargent ainsi les marchés résidentiels tendus des grands centres et encouragent l’absorption de logements dans les agglomérations. Pour les maîtres d’ouvrage, l’analyse des données des pendulaires fournit de précieuses indications sur la demande potentielle en logements dans les agglomérations et celle des locataires de bureaux potentiels dans les petits et grands centres du marché du travail suisse.
Ni l’immigration, ni la conjoncture n’offrent cette année des impulsions de croissance permettant d’équilibrer le marché du logement locatif. Les économistes du Credit Suisse anticipent donc une hausse du nombre de logements vacants plus élevée que l’année dernière. La durée de commercialisation des nouveaux logements, déjà relativement importante, devrait donc s’allonger encore. Il est intéressant de noter que les taux de vacance les plus élevés ne concernent ni les logements anciens, ni les biens neufs, mais ceux qui ne sont plus tout à fait récents. Ce segment problématique concerne des logements locatifs positionnés sur le marché il y a trois à six à un prix élevé, mais dont les premiers locataires sont partis. Comme le montrent les économistes du Credit Suisse, les logements possédant des pièces relativement petites sont moins exposés à ce risque: jusqu’à six ans d’ancienneté de construction, ils affichent des taux de vacance nettement moins élevés. Du fait de la hausse de nouveau assez rapide du nombre de logements vacants, la pression sur les loyers devrait encore se renforcer. Ils ne progresseront légèrement que dans les cinq grands centres et quelques centres moyens.
Les principales artères commerçantes suisses ressentent également les effets de la mutation structurelle du commerce de détail. Mais contrairement à l’ensemble du marché, les meilleures rues commerçantes des grandes villes disposent d’importantes caractéristiques uniques. Leurs excellents emplacements géographiques garantissent une fréquentation et une visibilité élevées, cette dernière étant d’une importance capitale pour les détaillants et fabricants de produits de marque. Les boutiques des meilleures rues commerçantes peuvent répondre aux nouvelles exigences à l’égard du commerce stationnaire et escompter à nouveau une hausse de la demande locative à moyen terme. À l’avenir, le shopping se concentrera sur les quelques meilleures rues commerçantes, mais dans des magasins plus petits qu’aujourd’hui et avec un mix de locataires plus varié.
Prix d’un appartement neuf en propriété de 4,5 pièces en CHF en fonction de la durée du trajet en transports publics à partir de gare de Lausanne*