L’obligataire: une solution face au risque inflationniste

Olivier Wurlod

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D’après Pierre Ceyrac, gestionnaire de portefeuille High Yield chez Aviva Investors, le marché obligataire demeure attractif aux niveaux actuels.

Comment adapter ces investissements dans un contexte de guerre commerciale menée par la première puissance mondiale? La question agite actuellement toutes les grandes places de trading à travers le globe.

Dans un climat aussi tendu, marqué par un retour en force du risque inflationniste et la menace d’une récession américaine, la meilleure protection ne résiderait-elle pas dans le marché obligataire?

Alors que les obligations souveraines restent sous pression, celles des entreprises semblent tirer parti des tensions actuelles et pourraient poursuivre cette dynamique en cas d’escalade. Pierre Ceyrac, gestionnaire de portefeuille High Yield chez Aviva Investors, décrypte les tendances à venir.

Dans le contexte actuel, où le risque de récession se profile, est-il opportun d’investir dans le marché obligataire?

Notre scénario principal, à ce stade, n’anticipe pas de récession aux États-Unis ni en Europe. Nous considérons toutefois que le marché obligataire demeure attractif aux niveaux actuels. Maintenant, en cas d’anticipation d’une récession, une baisse des taux souverains favoriserait la performance des obligations.

«Nous maintenons une surpondération du secteur bancaire, après une excellente performance en 2024.»

Hormis les bons du Trésor américain, les obligations étatiques n’ont plus la cote depuis plusieurs années. La tendance pourrait-elle s’inverser en 2025?

Nous estimons que les obligations souveraines se négocient actuellement à des niveaux de valorisation attractifs. En Europe, nous sommes passés en quelques années d’un environnement de taux négatifs à des taux élevés. Le contexte européen semble désormais plus favorable : l’inflation poursuit son repli et les annonces de mesures budgétaires du nouveau gouvernement allemand devraient, à moyen terme, soutenir la croissance de l’Allemagne ainsi que celle des autres pays de la zone euro.

Sur le plan des obligations à haut rendement, quel secteur à vos préférences en ce début d’année?

Nous maintenons une surpondération du secteur bancaire, après une excellente performance en 2024. Les banques continuent de bénéficier de la hausse des taux directeurs en Europe. Même si les banques centrales commencent à assouplir leur politique monétaire, les taux restent à des niveaux favorables pour leur rentabilité. De plus, malgré des conditions économiques incertaines, les banques demeurent solides, pratiquant une gestion des risques améliorée par rapport à la crise de 2008.

Notre préférence va aux grandes banques systémiques, diversifiées et bien capitalisées, notamment en Espagne, en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni. Nous restons positionnés sur les titres de dette subordonnée T2 et AT1, bien que nous ayons réduit notre exposition à ces derniers après leur forte performance en 2024.

Aux Etats-Unis, nous privilégions le secteur de l’énergie, qui a enregistré des améliorations notables en termes de qualité de crédit. La volatilité des prix devrait être bien absorbée par les émetteurs High Yield de ce secteur.

Enfin, nous restons positifs sur le segment immobilier High Yield, où certaines obligations demeurent sous-évaluées malgré une solide performance en 2024. A l’inverse, nous adoptons une approche plus défensive vis-à-vis des industries de base et des émetteurs dont les coûts de production sont fortement dépendants des produits importés.

Quelle est votre préférence géographique? Les Etats-Unis et leurs entreprises sont-ils désormais un marché à éviter?

Nous privilégions actuellement le marché High Yield européen pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le contexte macroéconomique est favorable à ce marché. Avec une inflation maîtrisée et des politiques budgétaires de soutien, une reprise économique progressive semble envisageable en Europe à moyen terme, ce qui devrait avoir un impact positif sur les spreads de crédit.

Ensuite, les fondamentaux des émetteurs High Yield sont meilleurs que prévu. Les leviers sont à des niveaux satisfaisants et les ratios de couverture des intérêts, bien qu’ayant diminué sous l’effet du refinancement récent à des taux plus élevés, demeurent à des niveaux acceptables. Par ailleurs, les taux de défaut attendus devraient rester faibles, sous leur moyenne historique de long terme. Ce contexte contribue au maintien de spreads de crédit devant rester compressés.

Enfin, le marché primaire est plutôt calme en ce début d’année, avec une prédominance des refinancements au détriment d’opérations plus risquées, telles que les financements de LBO, les distributions de dividendes ou les fusions-acquisitions.

Ces facteurs pourraient conduire les spreads de crédit en Europe à se négocier sous ceux des États-Unis pour la première fois en trois ans, et ce, malgré une qualité de crédit généralement supérieure des émetteurs européens (en termes de notation).

Pensez-vous que l’année 2025 sera celle des obligations plutôt que celle des actions?

Malgré des spreads de crédit relativement serrés, nous estimons que le rendement actuel du marché High Yield mondial (combinaison du spread de crédit et du taux sans risque) constitue une opportunité d’investissement attractive. Nous restons donc positifs sur cette classe d’actifs pour 2025, avec un rendement total attendu entre 4% et 6% (en dollars), soutenu par un léger élargissement des spreads de crédit, un resserrement des taux sans risque, un faible taux de défaut et des taux de recouvrement satisfaisants.

Les obligations à haut rendement sont-elles le meilleur moyen de se protéger contre la volatilité actuelle des marchés?

Sauf dans certaines périodes exceptionnelles liées à des facteurs spécifiques, les spreads de crédit des obligations High Yield sont généralement négativement corrélés aux taux sans risque. Cette corrélation négative contribue à préserver le capital face à la volatilité des taux souverains ou des spreads de crédit.

Comme mentionné précédemment, le marché High Yield mondial offre actuellement un rendement attractif. Aux Etats-Unis et en Europe, les ratios spreads sur Yield to Worst s’établissent respectivement à 40% et 50%. En cas de récession, un élargissement des spreads pourrait être compensé par un resserrement des taux sans risque. Dans un scénario, mais caractérisé par une forte volatilité, cette dynamique devrait offrir une protection au rendement de cette classe d’actifs.

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