Remédier à une charge fiscale élevée pour les retraités qui travaillent

Edric Speckert, PensExpert SA

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La pénurie de personnel qualifié pose problème. Encourager les retraités à reprendre une activité professionnelle serait une partie de la solution, mais la fiscalité s’avère pénalisante.

La pénurie actuelle de main-d'œuvre qualifiée freine le développement économique de notre pays. Pas un jour ne se passe sans que les médias n’en parlent. De plus, la situation s'aggrave rapidement avec la génération du baby-boom qui part à la retraite, accentuant encore d’avantage le manque de main-d'œuvre. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), il s'agit de dizaines de milliers de personnes chaque année. De nombreux employeurs ont reconnu le problème et font désormais davantage appel à des collaborateurs déjà à la retraite. Ceci permet notamment de récupérer de précieuses compétences qui semblaient avoir été perdues pour de bon.

La tendance à reprendre une activité professionnelle après la retraite est fortement à la hausse. A partir du moment où des personnes reprennent leur activité professionnelle après la retraite ordinaire, ces dernières touchent trois revenus simultanés. Elles paient désormais des impôts sur les revenus de l'AVS et de la caisse de pension (LPP). Des impôts sont bien entendu également dus sur le nouveau revenu du travail. La situation est encore aggravée par le fait que les possibilités de déductions fiscales sont plus faibles qu'avant le départ à la retraite. Ainsi, la charge fiscale augmente à un niveau réduisant parfois l’attractivité de la reprise d’une activité professionnelle.

Une solution: «Stop & Go» de la rente LPP

Il y aurait pourtant un moyen simple de remédier à cette situation. En effet, une partie des retraités actifs pourraient contribuer au budget du ménage avec leur nouveau revenu et leur rente AVS, et donc pouvoir renoncer temporairement à la rente LPP. Pourquoi alors ne pas suspendre cette dernière pendant la période de nouvelle activité professionnelle et la percevoir à nouveau après le départ définitif à la retraite? Cette possibilité de «Stop & Go» présente l'avantage d’obtenir une charge fiscale qui serait moins élevée durant la période de reprise de l’activité suivant le départ à la retraite. Comme la perception de la rentre LPP est différée pendant quelques mois, voire quelques années, les personnes concernées bénéficieraient en outre d'un taux de conversion plus intéressant après la reprise de la rente différée et, par conséquent, d'une rente plus élevée qu'avant la suspension.

La rente de la caisse de pension doit dans tous les cas être réactivée au plus tard au 70e anniversaire afin de ne pas entrer directement en conflit avec les dispositions légales de la LPP.

Bien qu'aucune rente LPP ne soit versée pendant la période de reprise de l’activité professionnelle, l'ajournement serait rentable selon les modèles de calculs, essentiellement grâce aux économies d'impôts réalisées, ainsi qu'au taux de conversion plus élevé versé sur la rente de vieillesse suspendue. Les personnes concernées en profiteraient donc doublement.

Afin de pouvoir chiffrer plus précisément l'effet fiscal, voici l'exemple d'un couple marié résidant à Genève (Ville de Genève):

Avant la retraite, un couple gagnait conjointement un revenu imposable de CHF 93'000 et payait pour cela un montant d'impôts annuels de CHF 14'500.

Après la retraite, avec les revenus de la rente AVS et la rente de la caisse de pension, le montant de l'impôt est réduit à CHF 10'000 par an.  

Si l'un des conjoints reprend une activité lucrative à 100% après la retraite avec un salaire AVS de CHF 110'000, la charge fiscale augmente de CHF 33'000 pour atteindre CHF 43'000 avec les deux rentes.

En raison de l’ajout de ce nouveau revenu, la charge fiscale augmente significativement. Si la rente LPP pouvait maintenant être interrompue pour la période de la nouvelle activité professionnelle, le montant de l'impôt serait réduit à 30'500 francs.

La différence de charge fiscale de 12’500 francs est très importante et constitue une raison suffisante pour certaines personnes désireuses de travailler de ne pas le faire en raison du coût élevé.

A 70 ans, c'est terminé

La rente de la caisse de pension doit dans tous les cas être réactivée au plus tard au 70e anniversaire afin de ne pas entrer directement en conflit avec les dispositions légales de la LPP. Ces dernières stipulent en effet qu’un assuré peut conserver une activité professionnelle au plus tard 5 ans après l’âge de la retraite fixé à 65 ans dans notre pays.

L'expérience démontre que de nombreux salariés cessent de toute façon leur activité professionnelle à ce moment-là. Cette limite d'âge n'est donc pas un facteur pénalisant et pourrait être maintenue en l'état.

Pour que la suspension temporaire de la rente de la caisse de pension décrite ci-dessus soit possible, il suffirait que les caisses de pension adaptent leurs règlements en conséquence. Il s'agirait donc d'une formalité qui pourrait être introduite rapidement et sans contraintes bureaucratiques excessives.

La suspension temporaire de la rente LPP serait bien entendu facultative. Avec la possibilité de choisir une suspension de leur rente, les bénéficiaires pourraient toutefois décider d’eux-mêmes s'ils souhaitent la percevoir sans interruption à partir de l’âge de la retraite ordinaire ou, dans le cas de la reprise d’une activité lucrative après la retraite, s'ils préfèrent optimiser avec le principe «Stop & Go».

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