Prétentions contre un assureur: quel délai de prescription?

Marco Villa, FBT Avocats

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Le délai de prescription applicable aux créances d’assurés contre leur assureur a été porté de 2 à 5 ans, mais le régime transitoire demeure peu clair.

Selon l’article 22 al. 2 de la Loi sur les établissements financiers, les gestionnaires de fortune et les trustees doivent disposer de garanties appropriées ou conclure une assurance responsabilité civile professionnelle. L’article 31 al. 2 de l’Ordonnance sur les établissements financiers précise que les assurances responsabilité civile professionnelle peuvent être imputées sur la moitié des fonds propres, pour autant qu’elles couvrent les risques du modèle d’affaires. Le domaine de l’assurance présente ainsi un intérêt certain pour les gestionnaires de fortune et trustees. Dans ce contexte, il est également important qu’ils exercent leurs droits d’assurés avec diligence, et notamment qu’ils ne laissent pas se prescrire leurs créances en indemnisation contre leur assureur.

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le contrat d’assurance (LCA) en 1910 et jusqu’à fin 2021, le délai de prescription des créances qui dérivent du contrat d'assurance (prétentions de l’assuré) était de deux ans. Dans un monde devenu plus complexe, on a fini par considérer que ce délai était trop court et préjudiciable aux assurés. Le délai de deux ans paraissait d’ailleurs insolite, car dans la culture juridique suisse, les créances se prescrivent généralement par cinq ou dix ans. Par conséquent, le 19 juin 2020, le législateur a modifié le délai de prescription et l’a porté à cinq ans. Ce nouveau délai est entré en vigueur le 1er janvier 2022, avec quelques autres modifications de la LCA.

Des questions épineuses peuvent se poser dans des situations qui se trouvent à cheval sur l’ancien et le nouveau droit. Ainsi, quel délai de prescription s’applique-t-il à un contrat d’assurance conclu en 2021 pour un sinistre survenu en 2022? Faut-il retenir le délai applicable à l’époque où le contrat a été conclu (deux ans, dans ce cas) ou celui applicable au moment où le sinistre est survenu, et avec lui la prétention de l’assuré (cinq ans)?

La règle générale, ancrée à l’article 49 du titre final du Code civil, est simple: «lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit». En termes simples: toutes les créances qui ne sont pas prescrites le jour où le nouveau droit entre en vigueur bénéficient du délai de prescription allongé.

Ainsi, selon cette règle, si la prétention de l’assuré contre son assureur est née en 2020, elle n’était pas encore prescrite le 31 décembre 2021 (en application de l’ancien droit). Par conséquent, elle est soumise au délai de cinq ans (du nouveau droit) et sera prescrite en 2025 – sous réserve d’interruption de la prescription, bien entendu.

Toutefois, il existe une incertitude quant à l’application de cette règle générale, et donc du délai allongé. En effet, la modification de la LCA du 19 juin 2020 comporte elle-même une disposition transitoire ainsi libellée: «les dispositions suivantes du nouveau droit s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant [le 1er janvier 2022]: a. les prescriptions en matière de forme; b. le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b».

Le nouveau délai de prescription n’est pas énoncé en tant que disposition qui s’appliquerait aux contrats conclus avant le 1er janvier 2022. Faut-il en conclure que le délai de prescription de cinq ans est exclu pour ces contrats d’assurance anciens?

De l’avis du soussigné, l’article 49 du titre final du Code civil s’applique, car le législateur n’y a pas explicitement dérogé. L’assuré devrait ainsi bénéficier du délai de prescription de cinq ans. Toutefois, cette compréhension de la loi ne trouve confirmation dans aucune source officielle; il n’existe évidemment pas de jurisprudence sur cette question à ce stade, et le Message du Conseil fédéral à l’appui de la modification de la LCA n’est d’aucune aide. Vu ce contexte, l’incertitude juridique ne peut pas être levée. Dans le doute, l’assuré aura intérêt à considérer que, pour toute prétention fondée sur un contrat d’assurance antérieur au 1er janvier 2022, le délai de prescription est de deux ans.

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