Caisses de pension: l’allocation d’actifs fait la différence

Yves Hulmann

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Les institutions de prévoyance qui réalisent les meilleures performances investissent plus dans les placements alternatifs, l’immobilier et les actions. Le point avec Christian Waser de ZKB.

L’étude sur les caisses de pension publiée chaque année par Swisscanto, qui appartient à la Banque Cantonale de Zurich (ZKB), est l’une des plus complètes à propos de la situation des institutions de prévoyance en Suisse. Le point sur les principaux résultats de l’étude 2025 sur les caisses de pension en Suisse de Swisscanto ainsi que les enjeux actuels en matière de prévoyance avec Christian Waser, Responsable clientèle institutionnelle Suisse romande.

Avec une moyenne de 4,3%, la rémunération versée en 2024 par les institutions de prévoyance a été la plus généreuse depuis 20 ans et elle renoue avec le niveau de 2021, souligne l’étude de Swisscanto. Côté performance, les rendements nets ont atteint en moyenne 7,6% en 2024, après 5,1% en 2023 et comparé à -8,8% en 2022. Il faut remonter à 2021 (+8,4%) et 2019 (+10,8%) pour observer des performances plus élevées. Après ces deux années très favorables, sera-t-il possible de répéter de telles performances à l’avenir ou est-ce que les années 2023 et 2024 font figure d’exception?

La moyenne historique de rémunération est beaucoup plus modérée. Comme l’étude le montre, la rémunération moyenne servie sur les avoirs de vieillesse, de 7,6% en 2024, n’a atteint au cours des vingt dernières années un niveau aussi élevé qu’en 2021. Cette situation résulte à la fois de deux excellentes années 2023 et 2024 qui ont permis de renforcer les réserves de fluctuation des caisses de pension, permettant ainsi à ces dernières de mieux rémunérer leurs assurés. A fin 2024, les caisses de pension de droit privé ont aussi affiché le deuxième degré de couverture le plus élevé de ces 25 dernières années avec 117%, comparé à 113,5% en 2023 et 110,1% en 2022. Le plus haut degré de couverture a été atteint en 2021 avec 122,1%. On part donc d’une situation très favorable. On espère que cette tendance perdurera mais il est peu probable que les caisses de pension obtiennent systématiquement d’aussi bonne performance à l’avenir si l’on tient compte des moyennes historiques.

«Il est peu probable que les caisses de pension obtiennent systématiquement d’aussi bonne performance à l’avenir si l’on tient compte des moyennes historiques.»

En Suisse, beaucoup d’économistes s’attendent à ce que la BNS abaisse ses taux directeurs à zéro lors de sa réunion en juin et certains anticipent déjà un retour aux taux négatifs en cours d’année. Quel pourrait être l’impact d’un retour aux taux négatifs sur les résultats des caisses de pension?

Il est difficile de formuler des prévisions au sujet de la future évolution des taux en Suisse et ce n’est pas notre rôle dans le cadre de la publication de cette étude. Néanmoins, les caisses de pension suisses ont déjà connu cette situation là et elles sont su s’adapter à un contexte de taux négatifs, notamment en allant chercher de la performance dans d’autres catégories d’actifs. Les caisses de pension s’adaptent aux changements des taux d’intérêt et elles le feront à nouveau si les taux d’intérêt devaient devenir à nouveau négatifs.

On peut relever aussi que la part en obligations détenue par les caisses de pension est corrélée avec la performance de celles-ci. Parmi les caisses qui affichent les 10% de performance les plus élevées et les 10% les plus faibles au cours des cinq dernières années, la part en obligations a été de 18% pour les premières et de 36,4% pour les secondes.

L’étude montre qu’il y a de grands écarts de performance et de rémunérations entre les différentes caisses de pension. Le 10% des plus performantes ont réalisé des rendements moyens de 10,8%, les 10% les moins performantes de seulement 4,8%. Que font les caisses de pension les plus performantes de mieux que les autres?

L’allocation d’actifs qui varie beaucoup entre les caisses les plus performantes et les moins performantes explique en bonne partie cet écart. La part investie en obligations est un élément qui peut faire la différence mais pas seulement. Chez les 10% des caisses ayant affiché la meilleure performance en 2024, les placements alternatifs représentaient 9% du portefeuille contre seulement 3,8% chez les 10% de celles qui ont affiché la performance la plus faible.

«Les caisses qui ont obtenu les moins bonnes performances détiennent presque deux fois plus d’obligations (36,4%) que celles qui ont obtenu les meilleures performances (part de 18%).»

La part allouée à l’immobilier est aussi plus importante chez les premières avec 29,9% contre seulement 20,4% chez les secondes. Les actions sont aussi un peu plus représentées avec 34,8% chez les caisses affichant les meilleures performances contre 31,6% chez celles qui ont obtenu les moins bonnes performances. A l’inverse, comme on l’a déjà mentionné, les caisses qui ont obtenu les moins bonnes performances détiennent presque deux fois plus d’obligations (36,4%) que celles qui ont obtenu les meilleures performances (part de 18%). C’est donc vraiment l’allocation d’actifs qui fait la différence.

Il y a quinze ou vingt ans, les grandes caisses de pension obtenaient généralement des performances nettement meilleures que les plus petites. Est-ce encore le cas aujourd’hui?

Non, il n’y a plus vraiment de différence de performance en fonction de la taille des institutions de prévoyance. Aujourd’hui, les petites caisses de pension ont accès au même type de gestion que les grandes caisses.

La capacité à assumer les risques est souvent mentionnée comme un élément à même d’expliquer les différences de performance et par conséquent aussi de rémunération. La direction de l’étude a réuni différents facteurs dans un indicateur de risque, puis comparé la capacité à assumer les risques avec la performance obtenue. Comment cet indicateur de risque fonctionne-t-il et que montre-t-il?

La capacité de risque d'une caisse de pension dépend avant tout de la part du capital de prévoyance des retraités dans le capital de prévoyance total. Le degré de couverture, la part de l'avoir LPP dans le capital de prévoyance des actifs, ainsi que le secteur d'activité sont également importants.

«Les versements en capital pur sont déjà nettement majoritaires dans le secteur de la finance et de l’assurance».

Swisscanto a développé en collaboration avec Prevento un indicateur de risque propriétaire (IRCP) pour évaluer ce lien entre la capacité à prendre des risques et la performance obtenue. Nous avons exclu les caisses de droit public et celles qui disposent d’une garantie de l’Etat complète de l’échantillon ainsi que les solutions d'assurance. Il ressort de cette analyse qu’un rendement élevé n’est pas principalement fonction de la capacité à assumer les risques. Entre 2020 et 2024, des caisses caractérisées par une faible capacité à assumer des risques ont également réalisé des rendements élevés. A l’inverse, des caisses à même d’assumer ces risques n’ont obtenu que de faibles rendements. En conclusion, même des caisses qui ont en théorie peu de réserves pour assumer des risques peuvent tout de même obtenir de bons rendements – à condition qu’elles fassent les bons choix en matière de placement.

Au sujet du choix entre retrait du capital et versement sous forme de rentes, l’étude indique qu’en 2024, 38% des jeunes retraités des caisses de pension ont opté pour un versement intégral sous forme de capital, 39% ont opté pour une rente et 23% pour une forme mixte. Quant aux raisons de ces choix, l’étude montre que ce n’est pas le taux de conversion (ndlr: qui permet de convertir l’avoir LPP en rente) qui est le motif principal qui incite à opter pour un versement en capital. La baisse régulière du taux de conversion n’explique donc pas la préférence plus marquée des jeunes retraités pour retirer leur capital?

Nous pensions aussi a priori que plus le taux de conversion diminue, plus il y a de raisons pour les nouveaux retraités de retirer leur capital. Ce n’est toutefois pas ce que montre l’étude.

Les différences sont par exemples très marquées selon les secteur et types d’activités professionnelles. Les versements en capital pur sont par exemple déjà nettement majoritaires dans le secteur de la finance et de l’assurance: en 2024, 42% des bénéficiaires ont perçu l’intégralité de leurs capitaux de prévoyance sous forme de capital et seuls 28% ont opté pour une rente. A l’inverse, c’est dans le secteur public que les rentes sont les plus populaires: 49% des bénéficiaires choisissent la rente, alors que seules 21% des personnes concernées optent pour le capital. Dans l’administration publique, le taux de conversion, situé en moyenne à 5,27%, n'est qu’à peine plus élevé dans le secteur de l’assurance et de la finance où il était de 5,08%. Cet écart entre le taux de conversion dans ces deux domaines ne peut donc pas expliquer à lui seul la préférence du simple au double pour le retrait en capital entre ces deux branches d’activité.

Il faut plutôt aller chercher l’explication du côté de la situation financière personnelle des bénéficiaires, de leurs connaissances en matière de finance ou prévoyance ou des recommandations qui leur sont adressées par des personnes externes, comme des conseillers par exemple.

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