La garantie de la propriété consacrée par la Constitution fédérale interdit aux collectivités publiques de soumettre les contribuables à une imposition confiscatoire.
Les personnes domiciliées à l’étranger ne peuvent bénéficier en Suisse de l’abattement d’impôt sur la fortune induit par un mécanisme de «bouclier fiscal». Cette appréciation, défendue par l’Administration fiscale cantonale genevoise et confirmée par les autorités judiciaires de ce même canton, a récemment été validée par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1016/2019 du 5 octobre 2021).
En matière fiscale, la garantie de la propriété consacrée par la Constitution fédérale interdit aux collectivités publiques (Confédération, cantons, communes) de soumettre les contribuables à une imposition confiscatoire.
Parallèlement, le droit fédéral impose aux cantons de prévoir une imposition de la fortune des personnes physiques. Cela étant, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de spécifier que s’il était prohibé aux cantons de mettre en place un système d’imposition qui aboutirait à une neutralisation généralisée de l’impôt sur la fortune, il leur était loisible de se doter d’un mécanisme destiné à prévenir les cas d’imposition confiscatoire.
A ce jour, sept cantons – à savoir Genève, Vaud, Valais, Berne, Lucerne, Bâle-Ville et Argovie –connaissent de tels mécanismes «anti-imposition-confiscatoire», plus communément dénommés «bouclier fiscal».
Les règles adoptées par les différents cantons ne sont toutefois pas uniformes et même lorsque les textes législatifs apparaissent formellement équivalents, ce qui est typiquement le cas des bases légales vaudoises et genevoises, la mise en œuvre pratique de leurs règles respectives par les administrations cantonales divergent parfois sur des points essentiels. En la matière, la prudence est donc de rigueur, y compris pour les spécialistes de la fiscalité.
Dans le cas qui a occupé dernièrement le Tribunal fédéral, un riche résident français de nationalité suisse, propriétaire de six immeubles dans le canton de Genève d’une valeur de près de 18 millions de francs, s’est prévalu du droit à bénéficier du bouclier fiscal genevois.
Sur la base d’une extrapolation des rares éléments de fait figurant dans les décisions de justice ayant successivement tranché l’affaire, l’on peut raisonnablement évaluer l’enjeu de l’application ou de la non-application du bouclier fiscal à environ CHF 40'000 (i.e. réduction de la charge totale d’impôt cantonal et communal (ICC) de CHF 310'000 environ à CHF 270'000), ce qui n’est pas négligeable et démontre en tant que de besoin que les mécanismes dits de bouclier fiscal peuvent aboutir à des réductions substantiels d’impôt sur la fortune.
Au plan spécifique du litige porté par-devant lui, c’est-à-dire celui de savoir si le fait d’exclure les personnes établies hors de Suisse de l’avantage fiscal que représente le bouclier fiscal au seul motif de leur domiciliation à l’étranger, le Tribunal fédéral n’a rien trouvé à redire, précisant à ce titre que le droit international liant la Suisse interdit certes les discriminations fondées sur la nationalité mais non celles fondées sur le lieu de résidence, comme dans le cas d’espèce.
De l’avis de la plus haute juridiction helvétique, une telle discrimination est du reste parfaitement justifiée d’un strict point de vue pratique. La mise en place d’un dispositif «anti-imposition-confiscatoire» suppose en effet que la situation patrimoniale du contribuable soit intégralement connue – ou à tout le moins susceptible de l’être – de l’administration en charge de la taxation sous peine d’impossibilité objective de déterminer le caractère possiblement confiscatoire de l’impôt.
Or, si une personne est domiciliée à l’étranger et non en Suisse, les moyens d’enquête à disposition des administrations fiscales cantonales aux fins de déterminer la situation économique réelle de la personne déclarante sont moins étendus, et dépendent in fine de la collaboration de l’Etat de résidence via les voies parfois incertaines de l’assistance internationale en matière fiscale.
Aussi, apparaît-il légitime aux yeux des juges fédéraux que les contribuables établis à l’étranger, dont le patrimoine ne peut être que plus difficilement appréhendé dans sa totalité, soient tenus en marge des mécanismes de bouclier fiscal prévalant pour les personnes – suisses ou étrangères – domiciliées en Suisse.