Nouveau droit de la SA et établissements financiers

Marco Villa & Julien Le Fort, FBT Avocats

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Le droit de la société anonyme modifié au 1er janvier 2023 comporte des atouts et quelques potentiels écueils pour les établissements financiers.

Le 1er janvier 2023, le droit suisse de la société anonyme a subi une grande réforme. Voici une présentation de quatre modifications légales qui peuvent présenter un intérêt concret pour des sociétés non cotées:

1. Les monnaies étrangères

Le capital social peut être libellé en EUR, GBP, USD ou JPY pour autant qu’il s’agisse de la monnaie la plus importante au regard des activités de l’entreprise. Si le capital social est libellé dans une de ces monnaies, les comptes doivent être présentés dans cette même monnaie et, dans ce cas, les contre-valeurs en francs suisses doivent aussi être indiquées.

Le droit de la SA n’oblige pas la société à augmenter son capital social.

Le capital social doit être de 100'000 francs au moins, ou de sa contre-valeur en monnaie étrangère, lors de la constitution de la société. A supposer qu’une société soit fondée avec un capital en EUR et que cette monnaie se dévalue, la société aura, de fait, un capital social inférieur à 100'000 francs. Le droit de la SA n’oblige pas la société à augmenter son capital social. Cette situation peut toutefois poser des problèmes réglementaires. Pour les gérants de fortune, l’article 22 LEFin prescrit que le capital minimal de 100'000 francs «doit être maintenu en permanence». La Finma pourrait exiger une augmentation de capital sous peine de mesures administratives.

2. Les dividendes intermédiaires

Une société anonyme peut distribuer des dividendes à ses actionnaires en cours d’exercice social. Pour cela, la société doit dresser des comptes intermédiaires et au besoin faire réviser ces comptes selon le régime applicable aux comptes annuels (opting-out, contrôle restreint ou ordinaire). Le versement de dividendes intermédiaires présente en particulier un intérêt lorsque la société est vendue par ses actionnaires et qu’elle est censée être exempte de bénéfices reportés au jour de la vente.

3. Renseignement des actionnaires

Dans des sociétés non cotées, des actionnaires représentant ensemble au moins 10% du capital-actions ou des voix peuvent demander par écrit en tout temps des renseignements au conseil d’administration sur les affaires de la société. Le conseil d’administration est tenu de fournir les renseignements dans un délai de quatre mois. Le nouveau droit permet ainsi aux actionnaires d’obtenir des renseignements sur la marche des affaires sans avoir à attendre une assemblée générale.

4. Assemblée générale

Les modalités concrètes de tenue de l’assemblée générale sont élargies. Les assemblées générales peuvent désormais être tenues (i) sur plusieurs sites simultanément avec retransmission en direct entre les sites, (ii) sans lieu de réunion physique (visioconférence uniquement) si les statuts le prévoient, ou (iii) à l’étranger si les statuts le prévoient.

En fin de compte, on garde l’impression générale que le droit de la SA est devenu encore plus complexe, sans que le législateur ait vraiment atteint un but clair.

La réforme est bien plus ample et il y aurait bien plus à écrire; il faudrait présenter les règles de représentation des genres, ou de limitation des rémunérations, applicables aux entreprises cotées. Il faudrait évoquer également l’obligation du Conseil d’administration de surveiller la solvabilité de la société.

Cette réforme poursuivait des buts divers: offrir des conditions plus souples aux entreprises, mieux protéger les actionnaires, assurer la responsabilité ESG des grandes entreprises. En fin de compte, on garde l’impression générale que le droit de la SA est devenu encore plus complexe (et plus volumineux), sans que le législateur ait vraiment atteint un but clair.

Par ailleurs, toute réforme comporte son lot de difficultés liées au changement lui-même. En l’occurrence, l’entrée en vigueur du nouveau droit de la SA s’insère difficilement dans le processus de licence LEFin. Certaines entités ont élaboré leur dossier de licence en 2021 ou 2022. Dans ce contexte, elles ont proposé des modifications de leurs propres statuts, sans pouvoir anticiper le nouveau droit de la SA. Il est probable que ces entités devront revoir leur copie et amender leurs statuts pour tenir compte du nouveau droit. En effet, le Registre du commerce refuse les statuts qui ne sont pas conformes au droit en vigueur au moment de la réquisition d’inscription. Certaines sociétés ont pu se retrouver dans une situation kafkaïenne où le Registre du commerce refusait des nouveaux statuts alors même que la Finma avait approuvé, en 2023, ces projets de nouveaux statuts.

Par exemple, les deux éléments suivants inscrits dans les statuts ont été considérés comme bloquants par le Registre du commerce:

  • Mention que les actionnaires représentant 10% du capital social peuvent demander l’inscription d’un objet à l’ordre du jour de l’assemblée générale, alors que le nouveau droit prévoit que ce droit revient aux actionnaires représentant 5% du capital social.
  • Liste prétendument exhaustive des compétences intransmissibles du Conseil d’administration fondée sur l’ancien droit, qui ne tient donc pas compte des nouvelles compétences intransmissibles du Conseil d’administration.

En conclusion, l’adoption de nouveaux statuts présente depuis le 1er janvier 2023 des enjeux particuliers; les conseils d’un professionnel peuvent s’avérer utiles dans ce contexte.

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