Le Conseil des Etats a refusé mardi pour la deuxième fois d’entrer en matière sur un projet du Conseil fédéral, qui est donc enterré.
Les cantons continueront à établir et faire respecter les salaires minimaux en vigueur sur leur territoire, y compris pour les travailleurs détachés par des entreprises européennes. Le Conseil des Etats a refusé mardi pour la deuxième fois d’entrer en matière sur un projet du Conseil fédéral, qui est donc enterré.
Le projet visait à éviter que des employeurs étrangers ne pratiquent la sous-enchère salariale. Il répondait à une demande du Parlement, à la suite de l’introduction de lois sur le salaire minimal dans les cantons de Genève, de Neuchâtel, du Jura, du Tessin et de Bâle-Ville.
Actuellement, la loi sur les travailleurs détachés prévoit que les employeurs doivent garantir à leurs employés au moins les conditions de travail et de salaire prescrites par les lois fédérales, ordonnances du Conseil fédéral, conventions collectives de travail déclarées de force obligatoire et contrats-types de travail.
Les prescriptions cantonales ne sont pas contraignantes dans ce cas-là. Les cantons qui ont introduit un salaire minimal n’ont dès lors pas la possibilité de l’imposer aux travailleurs détachés.
Selon le projet soumis au Parlement, les salaires minimaux des cantons n’auraient été garantis que si la loi cantonale applique également le salaire minimal aux travailleurs dont le lieu de travail habituel est situé en dehors du canton.
La fixation de salaires minimaux cantonaux est une mesure de politique sociale que les cantons ont la compétence de mettre en place, souligne la commission. La loi sur les travailleurs détachés est quant à elle de la compétence de la Confédération, a rappelé Hannes Germann (UDC/SH) au nom de la commission.
Les cantons peuvent décider eux-mêmes d’imposer l’application des salaires minimaux à toutes les personnes travaillant sur leur territoire. C’est par exemple ce que fait le canton du Jura. Il n’est donc pas nécessaire de recourir au droit fédéral pour régler cette question, selon M. Germann.
La demande de révision de la loi vient de la Chambre des cantons elle-même. Le National l’a soutenue. De plus, lors de la consultation, 23 cantons ont donné leur feu vert au projet du Conseil fédéral. Il est incompréhensible de l’enterrer maintenant, a regretté de son côté Paul Rechsteiner (PS/SG).
Si la loi sur les travailleurs détachés impose aux employeurs de garantir les conditions de travail prévues par les conventions collectives de travail et les contrats-type de travail, il est «incompréhensible» qu’elle n’impose pas le respect d’éventuels salaires minimaux cantonaux.
Le socialiste a reçu le soutien des sénateurs des cantons concernés par les salaires minimaux. Il ne s’agit que de bon sens, a ainsi lancé Charles Juillard (Centre/JU). «Cette loi ne vise pas à soutenir le salaire minimum au plan suisse, mais de permettre des contrôles adéquats et efficaces en faveur de nos économies régionales.»
Il s’agit d’une révision de loi ciblée, a aussi plaidé le ministre de l’économie Guy Parmelin, en vain. Elle aurait aussi permis de créer une base légale pour une numérisation du traitement des données. Au vote, les sénateurs l’ont refusée par 26 voix contre 19.
Certaines conventions collectives de travail (CCT) étendues doivent primer sur les dispositions cantonales, notamment en matière de salaires minimaux. Le Conseil des Etats a soutenu mardi par 28 voix contre 16 une motion centriste en ce sens. Le National devra se prononcer.
Le texte d’Erich Ettlin (Centre/OW) demande que les CCT étendues et nationales l’emportent sur le droit cantonal en matière de salaire minimum, de 13e salaire et de droit aux vacances. Le sénateur pointe du doigt le salaire minimum entré en vigueur en 2017 à Neuchâtel et celui de 23 francs de l’heure accepté en 2020 à Genève. Selon lui, ces cas «mettent à rude épreuve un partenariat social qui a fait ses preuves».
Les conventions collectives relèvent du droit privé. Il serait problématique qu’elles l’emportent sur le droit cantonal, a estimé Alex Kuprecht (UDC/SZ) au nom de la commission. Et de souligner que le salaire minimum a été instauré par une décision démocratique de la population des cantons concernés, confirmée par le Tribunal fédéral.
Mais cet arrêt de la Cour crée un problème, selon Philippe Bauer (PLR/NE). Une CCT déclarée de force obligatoire pour l’ensemble de la Suisse par le Conseil fédéral peut désormais être invalidée par des dispositions cantonales. Il vaut mieux privilégier les conventions, qui ont été discutées entre les partenaires sociaux. Et la motion ne concerne que les CCT d’envergure nationale, a-t-il insisté.