Contrats de travail et clauses de non-concurrence: principes généraux et conseils

Olivia de Weck, FBT Avocats

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Une clause de non-concurrence doit toujours faire l’objet d’une analyse individuelle, en fonction du domaine d’activité et de la particularité de la relation de travail.

L’expérience a pu démontrer que les clauses de prohibition de concurrence prévues dans les contrats de travail sont souvent défaillantes et incomplètes. Une clause de non-concurrence doit toujours faire l’objet d’une analyse individuelle, en fonction du domaine d’activité et de la particularité de la relation de travail. Il est toujours temps de les faire contrôler et, le cas échéant, modifier, au risque de leur voir perdre tout validité.

Il convient d’abord de rappeler qu’une clause de prohibition de concurrence n’est valable que si elle revêt la forme écrite et porte la signature des parties au contrat de travail. Elle peut être conclue lors de la conclusion du contrat de travail ou postérieurement durant les rapports de travail.

Pour qu’une clause de non-concurrence soit valable, il faut, d’une part, que les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir une connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur et, d’autre part, que l’utilisation de ces renseignements soit de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible.

L’employé doit donc être amené à connaître la clientèle de l’employeur. Il doit par exemple être en lien direct avec celle-ci ou, à tout le moins, connaître ses souhaits, préférences ou habitudes. Une simple connaissance du fichier de clients ne suffit pas.

Alternativement, l’employé doit avoir acquis des connaissances sur les secrets de fabrication ou d’affaires. Il doit s’agir d’éléments portant sur les processus de fabrication qui ne sont pas connus de tous et difficilement accessibles, pour lesquels le travailleur a bénéficié d’une formation propre à l’employeur. Constituent des secrets d’affaires les renseignements relatifs à des questions techniques, organisationnelles ou financières, dont la connaissance est restreinte à un cercle bien déterminé de personnes, soit notamment des informations en lien avec l’organisation, le calcul du prix, la publicité, la production et les sources d’achat et de ravitaillement.

Enfin, les connaissances dont bénéficie l’employé doivent pouvoir causer un préjudice à l’employeur si l’employé les utilise à mauvais escient. Sont notamment visées ici les situations dans lesquelles le travailleur, grâce à sa connaissance des clients et de leurs habitudes, peut facilement leur proposer des services analogues à ceux de son ancien employeur et ainsi les démarcher (ATF 138 III 67, consid. 2.2.1).

Selon le Code des obligations, la clause de prohibition ne peut en principe excéder une durée de trois ans; la durée de référence est en général de six mois.

Si l’une des conditions précitées fait défaut, la clause est entièrement nulle (TF 4A_468/2016 du 6 février 2017, consid. 3). Il est dès lors indispensable de procéder à un examen détaillé des clauses de prohibition.

Il sied de préciser qu’il existe également des limites quant à l’application d’une clause de prohibition de concurrence. Elle n’a en effet aucune valeur si la résiliation des rapports de travail intervient durant le temps d’essai. Il est également impossible de prévoir une telle clause dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, d’un contrat d’apprenti ou d’un contrat de travail intérimaire (BRUCHEZ/MANGOLD/SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4e édit., 2019, ad art. 340 CO, n°8 à 10).

En outre, afin de ne pas compromettre l’avenir économique du travailleur par le biais d’une clause de prohibition de concurrence excessive, le droit prévoit également des limites d’espace, de temps et de genre d’affaires. Une clause ne prévoyant pas ces limites n’est pas valable (ATF 145 III 365, consid. 3.5.1).

Ainsi, le rayon géographique de la clause ne doit pas être étendu au-delà du territoire sur lequel l’employeur déploie son activité; plus l’activité prohibée est rare, plus l’étendue peut être vaste.

Par ailleurs, selon le Code des obligations, la clause de prohibition ne peut en principe excéder une durée de trois ans; la durée de référence est en général de six mois. Il ne s’agit pas d’une durée absolue, mais d’une règle générale, seules des circonstances exceptionnelles permettant de retenir une durée supérieure. Il est vrai que de nombreuses clauses prévoient une durée d’une année, durée parfaitement acceptable, mais, encore une fois, il convient d’étudier chaque clause dans son ensemble, au cas par cas.

Les clauses doivent également définir de manière détaillée l’activité prohibée. Une telle description n’est toutefois pas nécessaire si, par la voie de l’interprétation, l’on comprend de quelle activité il s’agit. En outre, les clauses ne doivent pas constituer une interdiction professionnelle, soit empêcher le travailleur d’exercer une activité correspondante à sa formation.

Se pose enfin la question du respect de la clause de prohibition. La conformité aux principes généraux précités n’entraîne pas d‘effet contraignant envers le travailleur si la clause ne prévoit pas expressément des sanctions; il faut se donner les moyens d’agir pour espérer faire cesser des agissements concurrentiels proscrits. En sus de l’action en dommages et intérêts, l’employeur dispose de deux moyens d’agir pour faire respecter une clause de prohibition de concurrence, soit l’action en paiement d’une peine conventionnelle et l’action en exécution de l’interdiction de concurrence.

Le calcul du montant de la peine conventionnelle doit respecter certains principes généraux, mais ne peut dans tous les cas excéder le salaire annuel (ATF 133 III 43, consid. 3a). Si le montant de cette peine est inférieur aux dommages causés par la violation de la clause de prohibition, l’employeur pourra toujours faire valoir ce dommage supplémentaire. Il sied en outre de souligner que, sauf disposition contraire, le travailleur peut se délier de son obligation de non-concurrence en payant le montant de la peine conventionnelle.

Précisons en dernier lieu que le droit suisse permet à l’employeur d’agir devant les tribunaux pour faire cesser une activité concurrentielle. Pour ce faire, cette possibilité doit expressément et clairement être prévue par accord écrit, sans ambiguïté, entre l’employeur et le travailleur. Néanmoins, une telle action reste exceptionnelle et ne sera possible que dans des cas restrictifs, soit si l’employeur s'en est expressément réservé le droit par écrit, et que cette mesure est justifiée par l’importance des intérêts lésés ou menacés de l'employeur et par le comportement du travailleur.

Il est important de souligner que ces deux moyens d’agir ne sont à la disposition de l’employeur si, et seulement si, ce dernier les prévoit expressément dans le contrat de travail ! Il est donc essentiel d’accorder le plus grand soin au libellé de la clause de prohibition de concurrence, au risque de voir celle-ci dépourvue de tout effet.

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