Premier volet d’une série consacrée à l’impact des obligations contraignantes imposées aux intermédiaires financiers dans le cadre des sanctions économiques sur l’Ukraine.
En Suisse, la loi sur les sanctions internationales, appelée également loi sur les embargos (LEMb), constitue aujourd’hui la base légale permettant à la Confédération d’édicter des mesures de coercition visant notamment à faire appliquer les sanctions internationales comme celles de l’ONU, de l’OSCE ou celles de ses principaux partenaires commerciaux, comme l’Union européenne. A l’heure actuelle, des mesures sont en force à l’encontre de personnes liées à nombre de pays, soit l’Irak, le Myanmar, le Zimbabwe, le Soudan, la République démocratique du Congo, le Bélarus, la Corée du Nord, le Liban, l’Iran, la Somalie, la Guinée, la Lybie, la Syrie, la Guinée-Bissau, la République centrafricaine, le Yémen, le Burundi, le Soudan du Sud, le Mali, le Venezuela et le Nicaragua. Les sanctions suisses visent également des personnes liées au groupe Al-Qaïda ou aux Talibans, des personnes liées à l’attentat contre Rafik Hariri ou encore, pour les dernières, des personnes en lien avec la situation en Ukraine.
Les sanctions visent généralement des personnes physiques et morales désignées nommément. Elles peuvent aussi se référer à des personnes désignées de manière générique. Tel est le cas de la récente Ordonnance du Conseil fédéral instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine qui, selon les mesures de coercition, se réfère aux banques et entreprises étrangères contrôlées à plus de 50% par des banques ou entreprises sises en Fédération de Russie ou encore aux ressortissants russes ou personnes résident en Fédération de Russie qui ne font pas l’objet d’exceptions spécifiques.
La LEMb octroie au Conseil fédéral la compétence d’édicter des mesures de coercition. Ces dernières peuvent revêtir plusieurs formes, en particulier restreindre le trafic des paiements et des capitaux. Cette loi prévoit par ailleurs l’obligation, pour toute personne visée directement ou indirectement par les mesures – ce qui inclut les intermédiaires financiers – de communiquer à l’autorité compétente, soit le Secrétariat d’Etat à l’économique (ou Seco) pour les mesures économiques, l’existence d’un cas particulier et tout renseignement nécessaire à l’appréciation de ce cas. Cette obligation de renseigner très étendue, qui a bien entendu pour but d’assurer l’efficacité des sanctions, s’accompagne d’un droit de visite de l’autorité, sans préavis, des locaux de toute personne soumise à l’obligation de fournir des renseignements.
Les obligations des intermédiaires financiers relatives aux sanctions sont indépendantes de l’origine illicite des avoirs détenus par les personnes sous sanctions. En d’autres termes, ces fonds peuvent avoir passé le test antiblanchiment mais être néanmoins soumis à des obligations d’annonce au Seco. Cela étant, la mention de personnes sur des listes de sanctions peut, en elle-même, générer des obligations déclaratives auprès du MROS. Enfin, toute violation de l’obligation de déclarer est passible de sanctions pénales.
Nous allons tenter, à travers l’été, d’apporter de la lumière sur les méandres de la réglementation concernant les sanctions, les obligations des intermédiaires financiers et les risques de nature pénale et prudentielle attachés aux sanctions.