Un bulletin trimestriel médiocre

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Retour à la case départ

Avant de nous attarder sur ce premier trimestre 2021, jetons un coup d’œil sur l’évolution des marchés obligataires sur les 14 derniers mois. Nous avons arbitrairement choisi comme date-témoin d’avant-COVID le 22 janvier 2020 car c’est précisément ce jour-là que nous avions réalisé que ce «virus de Wuhan» pouvait engendrer un événement de type «black swan» de portée mondiale. Le 10 ans US s’établissait à 1,77% et il atteignait 1,72% vendredi soir. Le 30 ans, aux mêmes dates s’affichait à respectivement 2,22% et 2,43% et, en Europe, le Bund valait -0,26% et -0,29%. 

Nous pouvons donc affirmer que nous sommes quasiment revenus sur les niveaux de taux d’avant-COVID et que le 30 ans US a même dépassé d’une vingtaine de points de base son niveau de janvier 2020. Seul, le taux réel long reste clairement au-dessous de son niveau du 22 janvier 2020 puis qu’à la clôture de vendredi, il valait 0,16% contre 0,45% 14 mois plus tôt. Tout cela «grâce» à l’explosion du breakeven d’inflation, synonyme de craintes inflationnistes. 

Il fallait opter pour la prise de risque dans des crédits high beta à rendement
suffisamment élevé et corrélé à l’évolution des marchés actions.

Pour mémoire, à ces mêmes deux dates, le S&P500 atteignait respectivement 3'321 points et 3'913 points, ce qui laisse rêveur. Ce retour à la case départ s’est précipité au cours de ce premier trimestre de tous les dangers. Les anticipations de reflation ont laissé place à des craintes d’un retour violent d’inflation et qui plus est, un retour mal, ou non maîtrisé par une Fed behind the curve. La courbe a donc amorcé un mouvement de steepening impressionnant d’autant plus que la Fed n’a pas l’intention de remonter ses taux directeurs de sitôt, laissant à la partie courbe le bénéfice du doute. 

Que fallait-il faire au cours de ce premier trimestre? Tout d’abord, se débarrasser des taux longs et diminuer la duration! Ensuite, il était impératif, pour ceux qui détenaient des TIPS, de prendre des profits avant qu’ils fondent comme neige au soleil dès que les breakevens atteignaient leur plafond de verre. Ensuite, il fallait continuer de faire confiance aux crédits, mais pas tous! 

Comme nous l’avions déjà mentionné dans une précédente chronique, la trop grande qualité, pas assez protégée par des spreads trop minces, s’est comportée comme un proxy de la dette gouvernementale. Il fallait donc opter pour la prise de risque dans des crédits high beta à rendement suffisamment élevé et corrélé à l’évolution des marchés actions. Force est de constater que les marchés obligataires dans leur ensemble auront rendu une copie médiocre au cours de ce premier quart de l’année 2021 mais après avoir regardé dans le rétroviseur, il faut partir à la recherche d’opportunités d’investissement pour les mois à venir. Reste à savoir dans quelles classes d’actifs et à quel moment il faudra y aller!

Le souhaitable et le probable

De nombreux économistes réputés ont récemment affirmé que ces hausses de taux longs sont finalement une bonne nouvelle. Il s’agit, selon eux, de la preuve que les marchés ont confiance dans la croissance. C’est vrai en grande partie. Le rebond de croissance va être fort mais pas forcément suffisant. Nous allons surtout, au cours de ce deuxième trimestre, essayer de distinguer le souhaitable et le probable. Le souhaitable serait que les taux longs se stabilisent autour de leur niveau actuel et amorcent éventuellement une très légère baisse. Le probable (avouons que nous ne prenons pas trop de risque!) est que nous allons connaître des séances de forte volatilité. 

Ne nous trompons pas, c’est bien Jerome Powell
qui sifflera tôt ou tard la fin de la récréation.

Cela signifie que nos niveaux-clés de retour sur les taux longs US (à savoir 1,75% sur le 10 ans et 2,5% sur le 30 ans) pourraient être allègrement dépassés à l’occasion de sell-offs, suite à une publication de CPI élevés (alors que tout le monde s’y attend) ou suite à une communication ambigüe de la Fed. Ne nous trompons pas, c’est bien Jerome Powell qui sifflera tôt ou tard la fin de la récréation, lorsque les niveaux de taux longs deviendront douloureux pour l’économie américaine et remettront en cause le scénario de retour à la normale. 

Sur les marchés de crédits, volatils également mais potentiellement moins que celui des emprunts d’états, nous continuerons à privilégier la dette hybride. Une inconnue va toutefois se rajouter dans l’équation: le comportement des investisseurs vis-à-vis des obligations. Vont-ils délaisser le fixed-income ou conserver leurs positions? Elaborer des stratégies est une chose, les mettre en œuvre dans un contexte défavorable en termes de flux en est une autre. Il nous reste donc à convaincre les investisseurs à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain! Les marchés de taux n’ont pas dit leur dernier mot. Bon deuxième trimestre à tous!

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