Reflation quand tu nous tiens

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
La Fed en mode «wait and see»

Le 10 ans US est bien passé sous le niveau de 1% la semaine dernière mais très brièvement et pour mieux rebondir pour la clôture mensuelle de janvier à 1,07%. La Fed est restée fidèle à l’attitude que l’on attendait d’elle: prudente, légèrement optimiste pour le futur mais lucide sur les difficultés à court terme (en affirmant par exemple que le véritable taux de chômage était plus proche de 10% que les 6,7% officiels). Jerome Powell a surtout tenu à donner du temps au temps, en prenant le soin de ne fermer aucune porte tout en apportant du grain à moudre aux «reflationnistes». Il a également tenu à minimiser le rôle de la Fed dans le rally quasi ininterrompu des marchés actions depuis le 23 mars 2020. Entre temps, Wall Street a tout de même connu l’une de ses pires semaines depuis bien longtemps mais les marchés obligataires ont retenu la volonté de la banque centrale de favoriser une reflation dans les prochains mois. 

Le scénario idéal pour Wall Street serait un package moins généreux que 1’900 milliards
mais voté à une large majorité de Démocrates et Républicains modérés.

Le steepening de courbe est donc promis à un retour sur le devant de la scène en ce début de mois et ce n’est pas forcément pour nous déplaire: si le mouvement continue, nous continuerons d’engranger des performances relatives significatives grâce à nos TIPS longs et si les taux nominaux atteignent des niveaux intéressants (entre 1,15% et 1,20% sur le 10 ans par exemple), cela nous fournira l’opportunité de réinvestir en Treasuries. Le plan Biden de 1'900 milliards de dollars sera sans nul doute l’un des principaux animateurs des marchés: le scénario idéal pour Wall Street serait un package moins généreux mais voté à une large majorité comprenant Démocrates et Républicains modérés. Pour la Maison Blanche, ce serait également le moyen d’avoir quelques munitions supplémentaires dans le cas où la crise sanitaire repartirait. En ce qui concerne notre stratégie de duration pure et de pente de courbe, nous allons donc imiter la Fed et nous mettre également en mode «wait and see». Les taux longs US présentent au moins un avantage: comme ils sont en grande partie manipulés par la Fed, peu nombreux sont les Hedge Funds à oser les shorter massivement et par conséquent faible est le risque de voir survenir un épisode GameStop!

Léger coup d’arrêt sur le crédit

Notre portefeuille investi majoritairement en hybrides corporates non-bancaires s’est déprécié de -0,50% en janvier. «Enfin!» serait-on tenté de dire car cette mini-correction prouve plusieurs choses. Tout d’abord, ce n’est pas une classe d’actifs «martingale». Ensuite, le contenu equity de 50% se rappelle à nos bons souvenirs lorsque les marchés actions virent à l’orange. Enfin, c’est le marché idéal pour l’expression du risque idiosyncrasique. Il aura fallu, par exemple, que le doute apparaisse sur le bon déroulement du projet Hercule (amplifié par un «effet BFMTV») pour que l’action EDF dégringole, entraînant sur son passage la dette hybride de l’électricien français. Dans un registre différent, nous avons été déçus par la trop faible correction des spreads italiens après la démission du gouvernement Conte. Que ce soit au niveau du spread souverain par rapport au Bund ou au niveau des spreads de crédit des principaux émetteurs transalpins, nous sommes restés sur notre faim. La BCE est passée par là et les investisseurs semblent désormais moins enclins à paniquer que dans un passé pré-Draghi. 

Janvier n’a pas été suffisamment généreux en termes de nouvelles émissions.

Nous attendons le mois de février avec impatience sur le front du marché primaire. Janvier n’a pas été suffisamment généreux en termes de nouvelles émissions (en tout cas à notre goût) et nous attendons plus d’opportunités sur les hybrides ou sur un marché que nous avions un peu délaissé en 2020 à cause des incertitudes liées au Brexit: le retour sur le devant de la scène d’émetteurs britanniques. Nous avons bien participé récemment à la nouvelle émission Tesco 2029 (avec step-up de coupon en cas de non-respect par l’émetteur de son plan de réduction d’émissions de CO2) en espérant qu’il s’agit du début du retour en grâce des crédits anglais dans nos portefeuilles. Sur le marché Investment Grade en dollars, nous avons rarement eu l’occasion d’investir dans de beaux noms à un taux encore attrayant. Toutefois, un émetteur a fait sa première apparition dans nos portefeuilles: NextEra qui, en quelques années, est devenu un «green major» incontournable. En conclusion, nous abordons ce mois de février en étant confiants sur les crédits tout en restant vigilants et nous restons attachés à nos TIPS longs en attendant que la repentification de la courbe nous donne des points d’entrée sur les taux nominaux. Si nous n’avions qu’un souhait, ce serait surtout celui de ne pas revivre février 2020, si anxiogène et tellement compliqué. Ce ne serait déjà pas si mal!

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