Rendez-vous à 14h30

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Le calme avant une possible tempête

Après s’être approché de 1,75% autour du week-end de Pâques, le 10 ans US a pris une bouffée d’oxygène la semaine dernière pour redescendre dans la zone 1,62%-1,65%. Cette stabilisation est-elle temporaire? Nous serions tentés de répondre par l’affirmative tant la semaine qui s’annonce risque d’être chargée. Nous sommes entrés dans une séquence d’adjudications qui, sans être gigantesques, pourraient participer au mouvement de steepening. Après 58 milliards de 3 ans et 38 de 10 ans hier, nous attendons 24 milliards de 30 ans aujourd’hui. Mais la nouvelle du jour (voire du mois) tombera à 14h30 cet après-midi avec la publication tant attendue – et tant redoutée – du CPI. On aurait envie de dire «fasten your seatbelts» car les marchés attendent +0,5% en mars après +0,4% en février, ce qui ferait passer, en YoY, l’indice des prix de +1,7% à +2,5%. 

Si les taux bougent il ne faudra pas hésiter
à éventuellement en profiter.

Nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise et le PPI de la semaine dernière nous a donné une illustration concrète de ce qui pourrait arriver. Nous attendions +0,5% et nous avons eu droit à +1%, ce qui a propulsé l’indice en YoY à +4,2%, la progression la plus élevée depuis presque dix ans! Nous avions intitulé notre chronique du 29 mars «quand l’inflation sera à 3,5%». Pour aujourd’hui, c’est sans doute un peu prématuré mais une surprise proche de 3% n’est pas à exclure. Il s’agit donc d’être bien concentrés cet après-midi et si les taux bougent il ne faudra pas hésiter à éventuellement en profiter. La Fed est toujours dovish et le pic de CPI est prévu pour le second trimestre. Mais le 10 ans à 2%, ce n’est plus une utopie dans les circonstances actuelles. Profitons-en si cela se matérialise par une poussée de fièvre des taux longs sur le coup de 14h30.

Les crédits toujours chers mais attrayants

Comme les marchés actions, les marchés de crédits se portent bien. Ils sont théoriquement entrés dans une zone qui les font apparaître chers mais que faire d’autre? C’est le TINA des bonds ! Les spreads, même déjà très tights, sont encore intéressants. Nous sommes toujours réticents à investir dans la trop bonne qualité (emprunts notés AA et A) car dans cet environnement, compte tenu de l’étroitesse de leurs spreads, ils se comportent comme des proxys des emprunts d’états. Il reste encore quelques émissions intéressantes dans le segment BBB et crossover (BB+) mais nous sommes un peu déçus par le manque d’attrait du marché primaire. C’est encore plus flagrant dans le compartiment des hybrides corporates. 

Du côté des émergents, il y a quelques bonnes affaires à regarder de près
mais la plupart d’entre-elles se situent en Amérique Latine.

Les émetteurs devraient pourtant se méfier du comportement des taux gouvernementaux car les fenêtres de tir pourraient se fermer bientôt. Même en Europe, dont la situation est toujours très différente de celle des Etats-Unis, le Bund pourrait tout à fait aller tutoyer le niveau de -0,10% et les trésoriers d’entreprises qui sont censés émettre de la dette (senior ou subordonnée) ne devraient peut-être pas attendre trop longtemps sous peine de devoir payer des rendements plus élevés qu’aujourd’hui. Du côté des émergents, il y a quelques bonnes affaires à regarder de près mais la plupart d’entre-elles se situent en Amérique Latine, zone trop risquée selon nous aujourd’hui. En effet, la situation sanitaire et politique est très délicate dans plusieurs pays de la région et nous n’osons pas (peut-être à tort) franchir le pas. 

Dans notre gestion en dollars, nous restons donc très prudents, avec environ 25% de cash et de Treasuries à maturités inférieures à 18 mois en attendant que des opportunités s’offrent à nous. Elles viendront sans doute des marchés de crédits, des émergents et pourquoi pas des emprunts d’états longs après un coup de grisou alimenté par les craintes inflationnistes. Les taux longs US vont également devoir affronter les anticipations de tapering de la Fed qui deviennent de plus en plus proches. Les plus téméraires avancent même le début de ce tapering dès cet été. Cela nous semble extrêmement optimiste mais avec le trio Jellen-Powell-vaccins ce n’est pas non plus totalement farfelu. Reste à savoir comment Wall Street digérerait la nouvelle… En Europe, nous nous attendons à une situation moins volatile due au comportement de la BCE, conséquence du retard pris par le vieux-continent dans la reprise mondiale post-Covid. Il faudra tout de même se méfier du Bund qui, comme nous venons de l’évoquer, pourrait retourner vers -0,10% dans le sillage de la correction des taux longs US. Rendez-vous donc tout à l’heure à 14h30 pour l’ouverture des hostilités.

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