Quand l’inflation sera à 3,5%

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Une volatilité accrue

Dans l’environnement actuel, quelque chose nous dérange. Depuis le début de l’année, les scénarios de reflation, puis d’inflation aux Etats-Unis ont alimenté les débats d’experts et d’investisseurs. La Réserve fédérale a longuement exprimé son point de vue sur le sujet. Nous savons donc tous que d’ici quelques semaines, nous serons confrontés à des publications de CPI élevés, proches de 3,5%. Etant donné que nous sommes tous prévenus et que le risque de publication de statistiques d’un tel niveau est déjà ancré dans tous les esprits, pourquoi devrait-on s’attendre, lorsqu’apparaîtra sur nos écrans Bloomberg ce fameux 3,5%, à un pic de volatilité sur les taux longs US et à de violentes remontées des rendements à 10 et 30 ans? Il ne devrait pas y avoir d’effet surprise, les investisseurs sont déjà positionnés en fonction de ce scénario et, dans le pire des cas, la Fed pourra agir sur les marchés afin d’éviter toute catastrophe. Cela dit, il est fort vraisemblable que nous assisterons malgré tout à la manifestation de ces exagérations temporaires. 

Au cours de la semaine écoulée, nous avons assisté
à une pause dans la correction des taux longs.

Dans une chronique récente, nous redoutions déjà que nos niveaux-clés de retour sur les taux longs US (à savoir 1,75% sur le 10 ans et 2,5% sur le 30 ans) puissent être allègrement dépassés à l’occasion de sell-offs au moment de la publication de statistiques d’inflation «hors norme» (si nous définissons comme «norme» les CPI des dernières années). Nous allons donc faire preuve de vigilance accrue et ne pas hésiter à investir de nouveau dans les taux longs nominaux américains. En attendant, au cours de la semaine écoulée, nous avons assisté à une pause dans la correction des taux longs. Le 10 ans a même atteint 1,59% mercredi et jeudi, repassant sous la barre des 1,60% pour la première fois depuis le 16 mars. Cette pause, a priori momentanée, est la bienvenue en cette fin de trimestre. Elle permet à la Fed de gagner un peu de temps, aux marchés actions de poursuivre une envolée qui a fêté ses 1 ans le 23 mars et aux gérants obligataires de souffler un peu avant le week-end Pascal!

La BCE «piégée» par les taux US

Après être remonté à -0,25% le 18 mars, le Bund a profité de l’accalmie sur les taux US pour fluctuer dans une zone -0,32% / -0,38%. Un peu de répit pour la BCE, c’est toujours bon à prendre mais, comme sur le marché des Treasuries, une vague de correction supplémentaire est tout à fait envisageable. Nous avons récemment vu passer des prévisions de taux allemand à 10 ans en fin d’année à +0,30% et à 1% dans un an. Ces niveaux, qu’il faudra bien revoir un jour ou l’autre pour le bien de tous, sont malheureusement incompatibles avec la situation économique actuelle de la zone euro. La croissance va repartir très lentement, beaucoup moins fortement qu’en Asie et aux Etats-Unis. 

L’inflation ne sera pas au rendez-vous, au grand dam de la BCE. Cette dernière doit donc faire preuve de doigté et tenter de convaincre les marchés qu’un découplage des taux européens avec les Treasuries est souhaitable et logique. Si les taux longs du vieux continent repartent à la hausse trop vite et trop fortement, cela pourrait remettre en cause le rebond attendu, qui est déjà trop faible. Il faut donc remettre à mi-2022 (si possible plutôt la fin de l’année) les anticipations de remontée du rendement du Bund et le PSPP va être l’outil privilégié par l’institution de Francfort pour casser l’effet d’entraînement des taux US. 

Un tapering de la BCE après mars 2022 serait du plus mauvais effet.

Madame Lagarde devra donc convaincre ses collègues de ne pas hésiter à revoir les conditions du PSPP en cas de problème: augmenter les montants d’achats d’actifs (ce qui a déjà été fait) et prolonger, en cas de besoin, ce fameux PSPP afin de dissiper les inquiétudes des investisseurs. Un tapering de la BCE après mars 2022 (terme actuel du PSPP) serait du plus mauvais effet et dans ce cas, le retour violent du Bund vers 1% deviendrait tout à fait possible. Le Bund n’est pas le seul à se retrouver en danger. Les taux français sont à risque et le spread Bund-OAT, si rien n’est fait par la BCE, pourrait poursuivre un écartement inéluctable (et théoriquement logique). 

Les spreads périphériques pourraient être mis également sous pression. Il faut donc que la banque centrale gère avec toute l’attention nécessaire le comportement des spreads des FRITES (FRance,ITalie,ESpagne, acronyme que nous devons à notre excellent confrère Fabrizio Quirighetti depuis quelques années). Au-delà de l’évolution du rendement du Bund, c’est bien du côté de ces trois pays que le risque est le plus élevé. Pour l’instant, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions douter de la volonté et de la compétence de la BCE. Mais les marchés peuvent tout à fait, comme dans le cas de l’inflation US, jouer à se faire peur et «tester» la BCE. Nous estimons que dans l’état actuel de l’économie de la zone euro, tout coup de grisou sur le Bund – et a fortiori sur les FRITES – serait une opportunité d’investissement. Joyeuses Pâques à tous!

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