Fed, BCE, emploi US: quelle semaine!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Plein emploi

La semaine dernière a été riche en événements forts dont les points culminants auraient dû être les réunions de la Fed mercredi et de la BCE jeudi. Mauvaise pioche! La palme est revenue aux chiffres de l’emploi US de vendredi. Avec plus de 500'000 créations d’emplois et un taux de chômage plongeant à 3,4%, l’économie américaine démontre une santé éclatante qui nous faire douter sur deux sujets d’importance majeure. Tout d’abord, l’excellente santé du marché du travail fait vaciller les convictions des partisans d’une récession proche et sérieuse. Ensuite, de tels chiffres vont entraîner inéluctablement une recrudescence de révisions à la hausse des pressions salariales, ce qui n’est pas du tout synonyme de décrue de l’inflation. Les faucons de Washington n’ont toujours pas dit leur dernier mot.

Mercredi, les marchés voulaient croire que la messe était presque dite. La Fed a validé la politique des petits pas en optant à l’unanimité pour une hausse de 25bp en ajoutant «ongoing rate increases will be appropriate». Cela signifie que dès que l’inflation sera sous contrôle, nous en aurons terminé avec les hausses de taux directeurs. Jay Powell a ajouté deux informations importantes dès le début de son allocution. Le QT est maintenu et la Fed a la ferme intention de poursuivre sa politique de réduction de la taille de son bilan. Ensuite, les membres du FOMC sont «strongly commited» à ramener l’inflation à 2%. Cela signifie qu’aucune discussion n’est envisageable concernant une mise à jour de ce niveau de 2% (vers 2,5% ou 3% par exemple) qui, pour certains, appartient désormais à «l’ancien monde».

La BCE a frappé fort en ne surprenant pas les marchés avec une hausse de 50bp et en laissant entrevoir plusieurs hausses de taux supplémentaires.

Résultats des courses, les taux ont baissé, les marchés étant persuadés que l’inflation devrait fléchir dans un avenir proche, correspondant à une ou deux hausses de taux supplémentaires de la Fed. La détente des taux s’est poursuivie jeudi après-midi. En effet, la BCE a frappé fort en ne surprenant pas les marchés avec une hausse de 50bp et en laissant entrevoir plusieurs hausses de taux supplémentaires. Les taux allemands se sont fortement détendus (-20bp pour le Bund 10 ans, de 2,25% à 2,05%), y compris sur la partie courte puisque le 2 ans Schatz est passé de 2,65% à 2,50%. C’était sans compter sur les Non-Farm Payrolls de vendredi qui ont renversé la table. Tant mieux pour nous qui cherchions des niveaux d’achats en Treasuries à taux nominal et…à taux réels.

Retour sur les TIPS

La dernière fois que nous avons investi en TIPS, c’était en février 2020. Nous avions acheté du 30 ans sur un niveau de B/E proche de 1,6%. Trois ans après, nous sommes de retour sur ce marché mais avec une stratégie totalement différente. Aujourd’hui, il s’agit de profiter de taux réels à court terme attrayants dans une optique «buy and hold». Nous avons donc profité de la pagaille sur les marchés de taux vendredi après-midi et lundi pour investir en TIPS 2 ans offrant un taux réel s’élevant à 2,10%. Nous sommes convaincus que cette stratégie est plus avantageuse que d’investir en Treasuries 2 ans à taux nominal de 4,30%. Et comme il s’agit d’une stratégie de détention jusqu’à l’échéance finale, le pire scénario serait un manque à gagner. Depuis ces fameux chiffres de l’emploi, les taux US remontent à toute allure puisque les scénarios idéaux de reflux de l’inflation marquant la fin d’une politique ultra-restrictive de la Fed ont pris du plomb dans l’aile. Nous en avons donc profité pour rajouter de la duration en achetant du 20 ans (2044 pour être précis) sur des niveaux de 3,80%. Il s’agit du premier acte d’un scénario visant à augmenter peu à peu la duration de nos portefeuilles en dollars.

Sur les marchés de crédits nous sommes restés actifs mais pas autant que nous l’aurions souhaité. Nous avons maintes fois évoqué le fait qu’en ce début d’année, nous sommes beaucoup plus attirés par les crédits en euros que par leurs homologues en dollars. De plus, nos portefeuilles ont été «victimes» de plusieurs tenders sur le marché des hybrides (EDP, Repsol, Telefonica) et nous souhaitions réinvestir. Nous n’avons que partiellement rempli nos objectifs car le marché des hybrides est devenu très recherché. En l’espace d’à peine six mois, le marché a tourné et nous sommes passés de «pas de bid» à «pas d’offre». Signe que cette classe d’actifs est compliquée à appréhender, une lueur d’espoir nous est apparue lorsque le 5 ans allemand est passé de 2,10% jeudi soir à 2,30% hier mais les prix des hybrides que nous recherchions ont à peine bougé lorsque le rendement de l’Obl remontait de 20bp. Les spreads de crédit devraient toutefois s’écarter légèrement dans les semaines à venir. Nous n’avons pas abdiqué!

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