Emploi US, Yellen et Fujimori

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Emploi US, chiffres décevants

Sur le papier, rien à redire! 559'000 créations d’emploi et un taux de chômage qui chute à 5,8% sont des statistiques de bonne facture, qui font sans nul doute des envieux sur le vieux continent. Toutefois, il flotte un air de déception autour de ces chiffres car compte tenu de la vigueur du rebond économique aux Etats-Unis, on aurait pu s’attendre à mieux, voire beaucoup mieux puisque certaines banques d’investissement très optimistes pronostiquaient un exceptionnel rebond avec 800'000 à 1 million de créations d’emplois. 

Alors que se passe-t-il? Un vieux réflexe que nous connaissons bien en Europe, surtout chez certains de nos voisins, mais qui semble inédit chez l’oncle Sam. A force de recevoir des chèques plutôt généreux émis par le tandem Biden-Yellen, certains Américains préfèrent désormais rester à la maison plutôt que de rechercher un nouvel emploi. Dans une économie en pleine reconstruction, se pose donc la question légitime de l’ampleur de l’aide aux ménages. Et si la pandémie était en train de provoquer un changement profond des mentalités, avec des chômeurs qui prennent goût au welfare state? En tout cas, ce n’est pas l’opinion de Janet Yellen qui s’est permis ce week-end de commenter sa politique de manière étrange. 

La communication de Janet Yellen crée la confusion et on ne sait plus
qui fait quoi ou qui dit quoi entre la Réserve fédérale et le Secrétariat au Trésor.

Madame Yellen fait le forcing pour que le plan Biden de 4’000 milliards de dollars soit mis en œuvre. Elle a déclaré à Bloomberg que si cela débouche sur un environnement de taux d’intérêts un peu plus hauts, ce sera finalement «un plus» du point de vue de la société américaine (jusque-là, elle reste dans son rôle) et du point de vue de la Fed (mais là, elle s’exprime à la place de Jerome Powell, créant un mélange des genres surprenant). Elle a ajouté que ce plan ne sera pas suffisant pour déclencher une poussée d’inflation mais que les Etats-Unis ont bataillé contre une trop faible inflation et de trop faibles taux d’intérêts depuis une dizaine d’années. 

Janet Yellen a affirmé qu’il fallait donc revenir vers un environnement de taux normal et que si ce plan aide un peu, ce ne sera pas une mauvaise chose mais plutôt une bonne chose. Dans son esprit, les prochaines aides ne devront pas être considérées comme un stimulus mais comme des investissements pour répondre aux besoins à long terme de l’économie américaine. Si sur le fond elle a sans doute raison, sa communication crée la confusion et on ne sait plus qui fait quoi ou qui dit quoi entre la Réserve fédérale et le Secrétariat au Trésor.

Quoi de neuf au Pérou?

Nous attendions avec grand intérêt le verdict des urnes au Pérou, étant donné l’impact que le résultat pourrait avoir sur les spreads souverains et crédits dans toute la région. Le candidat de gauche radicale, Pedro Castillo était crédité de vingt points d’avance dans les sondages il y a deux mois. Puis l’avance a fondu à dix points, puis cinq. Selon les premiers résultats officiels mais très partiels, la candidate de droite populiste, Keiko Fujimori, fille de l’ancien président entre 1990 et 2000 qui purge une peine de prison de 25 ans, arrive en tête avec 52,9% des voix contre 47,1% pour son adversaire. Bonne nouvelle: tous deux ont affirmé respecter le résultat quel qu’il soit. 

La «non-victoire» de Castillo devrait faire pousser un ouf de soulagement,
si elle était confirmée, chez tous les détenteurs de dettes sud-américaines.

Il va falloir recompter les bulletins un par un et le résultat définitif ne sera pas connu avant plusieurs jours mais la «non-victoire», appelons-la comme ça, de Castillo devrait faire pousser un ouf de soulagement, si elle était confirmée, chez tous les détenteurs de dettes sud-américaines. Le risque était réel de voir Castillo confisquer des entreprises et expulser les investisseurs étrangers. Repsol-YPF en Argentine, cela ne vous rappelle-t-il rien? 

D’un autre côté, nous avions été parmi les premiers à relativiser le risque en prenant l’exemple de Lula au Brésil, passé de l’extrême gauche pendant la campagne électorale à socialiste modéré une fois élu. Lula affirmait même vouloir prendre pour modèle le gouvernement Lionel Jospin en France! Concrètement, dans nos portefeuilles, nous avions appliqué à la lettre la devise «dans le doute, abstiens-toi» en nous séparant d’une petite position CoFiDe en dollars. Comme nous l’a enseigné l’épisode brésilien du début des années 2000 avec Lula, nous allons regarder de très près l’évolution de la situation à Lima et tenter de trouver d’éventuelles opportunités d’investissement dans cette région du monde. 

Toutefois, nous garderons à l’esprit que toute prise de position dans de telles obligations devrait générer plus de volatilité et présenter une asymétrie de risque encore plus élevée que dans d’autres types de dettes, y compris émergentes. Comme toujours, dans notre univers obligataire, ne nous laissons jamais influencer par la performance attendue mais plutôt par sa cousine, la performance ajustée au risque!

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