30 ans US, un pari gagnant-gagnant?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

3,5% en avril, 4% en mai

La partie longue de la courbe des US Treasuries a récemment souffert. Le 30 ans, qui s’affichait encore à 3,52% le 6 avril a grimpé jusqu’à 3,95% en fin de semaine. Par rapport aux violents mouvements sur les taux plus courts, à 2 ans par exemple, cette volatilité de presque 50 points de base n’apparaîtrait pas scandaleuse si l’on ne parlait pas d’un emprunt à duration proche de 18. La question qui se pose désormais est la suivante: à pratiquement 4% de rendement, le 30 ans américain est-il une bonne affaire?

Les taux longs US sont récemment remontés pour diverses raisons mais selon nous, le déclencheur principal de ce rebond réside dans le fait qu’ils avaient surtout beaucoup baissé (à juste titre) en pleine panique SVB-Credit Suisse. Comme il semblerait que les marchés ont déjà oublié ces fâcheux incidents, le 30 ans revient petit à petit vers son niveau d’avant crise des banques régionales américaines et débâcle de Credit Suisse. Remettre donc de la duration aujourd’hui, en profitant de surcroît de cette remontée quasi inespérée des rendements longs, est-il un pari trop risqué?

Dans un «scénario 1», imaginons que la vague de baisse d’inflation va se terminer, que la Fed va devoir lutter contre un léger rebond du CPI et que, comme le réclame Jim Bullard (Fed de Saint-Louis), au moins deux hausses de taux supplémentaires de la Fed seront nécessaires. A priori, la courbe devrait alors évoluer sous la forme d’un bearish flattening caractérisé par une remontée spectaculaire du 2 ans, un 5 ans à la peine, un 10 ans plus ou moins stable et un 30 ans en légère baisse. Donc, acheter du 30 ans aujourd’hui dans un tel scénario n’est pas l’idée du siècle car les gains seront sans doute minces mais ce sera toujours mieux que les moins-values potentiellement conséquentes si l’on se contente de rester sur du 2-5 ans.

Les deux principales directions que peuvent prendre les Etats-Unis dans les prochaines semaines et prochains mois sont favorables au 30 ans.

Dans un «scénario 2» que l’on pourrait nommer «credit crunch et récession», la partie longue de la courbe pourrait s’effondrer. Certaines banques d’investissement n’hésitent plus à affirmer que d’ici un an, le 10 ans US retournera vers 2%. Un établissement réputé s’avance même à pronostiquer une chute vertigineuse jusqu’à 1%. Nous n’en demandons pas tant! Bien entendu, nous pouvons élaborer plusieurs scénarios alternatifs mais les deux principales directions que peuvent prendre les Etats-Unis dans les prochaines semaines et prochains mois sont favorables au 30 ans. Profitons-en.

D’autres stratégies sont envisageables

Nous ne sommes pas obnubilés par le 30 ans et regardons bien entendu toute la courbe. Nous devrions d’ailleurs mentionner «les courbes» car les taux réels ne doivent surtout pas être négligés. Nous avons récemment augmenté une fois de plus notre position en TIPS janvier 2025 à 2,10% de rendement réel. En buy and hold, il s’agit presque d’une évidence et si jamais le «scénario 1» devait se matérialiser, ce serait un excellent investissement.

Comme nous l’avons mentionné dans notre chronique de la semaine dernière, nous aimons également le 10 ans et en avons récemment acheté afin d’être présents sur toute la courbe longue. Le 10 ans devient de plus en plus intéressant car la position short dans ce segment de maturité est historiquement très élevée. Il suffirait qu’un événement de nature économique ou géopolitique déclenche un mouvement baissier taux, le rally du 10 ans serait potentiellement amplifié par des opérations de rachats de shorts massifs. Un peu de 10 ans dans un portefeuille aujourd’hui est donc loin d’être une idée saugrenue.

Toutefois, nous ne pouvons pas terminer cette chronique en passant sous silence le fait que les Treasuries à échéances proches de 20 ans sont très attrayantes. Entre août 2044 et août 2046, les rendements s’affichent au-dessus de 4,10%. Nous avons régulièrement parlé de cette fameuse «bosse» du 20 ans dans la courbe des taux. Les marchés sont de plus en plus entraînés par les dérivés (short 10 ans par exemple) et pour le plus grand bonheur du 20 ans, les investisseurs se ruent sur les contrats Futures et options 10 ans et 30 ans. Le 20 ans poursuit son petit bonhomme de chemin. Il a pour lui une duration qui fait moins peur que celle du 30 ans et une volatilité moindre que celle de ses petits camarades. Vingt ans, c’est définitivement le bel âge!

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