Une saison des résultats à haut risque?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Le niveau actuel des indices actions offre des marges de manœuvre limitées. Un repli pourrait bien se produire malgré des surprises positives.

La saison des résultats qui débute devrait continuer à délivrer des surprises positives, surtout aux Etats-Unis. Mais les marchés d’actions semblent avoir devancé les analystes, ce qui milite pour une certaine prudence à court terme et offre des opportunités à moyen terme.

Les derniers remous au sujet de l’inflation aux Etats-Unis ont de vastes implications de marché: regain de pression haussière sur les taux et le dollar, envolée de l’or reflétant le risque de tolérance des banques centrales à l’inflation, volatilité obligataire qui est repartie en flèche…

Pourtant, la rigidité de l’inflation repose sur des bases saines. Au-delà de l’effet pétrole, la hausse des prix est surtout alimentée par la bonne tenue de la consommation, et in fine par la croissance forte aux Etats-Unis. On pourrait débattre du niveau de l’inflation, sachant que la Réserve Fédérale cible depuis plusieurs décennies une autre mesure que l’indice des prix à la consommation, beaucoup plus proche du sacro-saint 2%. On devrait aussi débattre de la pertinence d’une cible si rigide, et de l’intérêt de viser une fourchette plutôt qu’un niveau absolu. Les banques centrales y viendront au cours des prochaines années, mais à présent ce serait un aveu de faiblesse qui affaiblirait leur crédibilité. 

Du point de vue de l’investisseur, il est important de mettre en évidence le fait qu’un peu d’inflation causée par une croissance robuste est un environnement favorable pour les actions. En effet, les résultats des entreprises et les dividendes payés aux actionnaires sont portés aussi bien par l’effet volume que par l’effet prix. Evidemment cela repose sur l’hypothèse que les entreprises arrivent à protéger leurs marges en répercutant la hausse du coût des intrants sur leurs prix finaux. Cela est généralement le cas au niveau de l’ensemble du marché, d’autant plus dans un environnement où la demande est forte et le taux d’emploi élevé. 

A moyen terme, le risque clé pour les marchés d’actions est un essoufflement brutal de la croissance. Il pourrait être causé par une consommation qui ralentit.

Autrement dit, la croissance du résultat des entreprises est appréhendée en nominal. La croissance réelle du PIB aux Etats-Unis étant attendue autour de 3% au T1-2024, auxquels s’ajoutent une inflation proche de 3%, cela signifie une croissance nominale de l’économie qui est actuellement proche de 6%! Enfin, le rapport entre croissance nominale du PIB et croissance des bénéfices étant supérieur à 1, la croissance annuelle des bénéfices au T1-2024 pour les entreprises du S&P 500 pourrait bien être supérieure à 8%.

On s’avance donc vers une saison des résultats qui devrait continuer de surprendre positivement le consensus des analystes. En revanche, les marchés semblent avoir devancé les analystes qui sont restés relativement prudents dans leurs estimations de bénéfices, par crainte d’un ralentissement marqué de l’économie qui ne se produit pas, voire par crainte d’une récession. La question clé pendant cette saison des résultats est de savoir si les marchés vont saluer ces surprises ou si celles-ci vont plutôt confirmer leurs attentes implicites, exprimées à travers une forte progression du S&P 500 depuis le début de l’année.

De notre point de vue, le niveau actuel des indices actions offre des marges de manœuvre limitées. Un repli pourrait bien se produire malgré des surprises positives. Mais il serait rapidement stabilisé par des investisseurs rassurés par la croissance et par une Réserve Fédérale qui souhaite malgré tout baisser les taux pour s’assurer d’un atterrissage en douceur de l’économie. Achat sur repli reste donc une stratégie pertinente de notre point de vue.

A moyen terme, le risque clé pour les marchés d’actions est un essoufflement brutal de la croissance. Il pourrait être causé par une consommation qui ralentit, mais aucun signe avant-coureur de ce type ne se manifeste pour l’instant. Si cela venait à arriver, l’inflation diminuerait et la Fed baisserait les taux de façon agressive pour soutenir l’activité. Le vrai risque pour les marchés est un choc exogène qui raffermirait davantage l’inflation, tel qu’une forte et soudaine hausse du pétrole qui s’avèrerait persistante. Dans ce contexte, la tolérance de la banque centrale à l’inflation bute sur une contrainte dure. Les investisseurs s’inquiéteraient de nouvelles hausses de taux aux Etats-Unis qui causeraient un atterrissage brutal de l’économie et un repli marqué des actions. 

Le contexte géopolitique troublé porte les germes d’un tel choc exogène. Mais il est imprévisible et les investisseurs ont dû apprendre à vivre avec. L’offre abondante en Amérique du Nord et du Sud limite le risque d’emballement du pétrole au-delà des $ 100 de façon persistante. Dans ce contexte, les actions restent paradoxalement la classe d’actif à renforcer au-delà de potentielles prises de bénéfices en ce début de T2. 

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