Trouver l'impact hors de la dette labellisée ESG

Matt Lawton, T. Rowe Price

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Afin d’avoir un réel impact, les investisseurs se doivent de regarder au-delà de l’étiquette ESG.

Les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont devenus incontournables dans l’investissement. La croissance rapide des émissions obligataires portant le label ESG est un bon indicateur. Il s'agit notamment des obligations vertes, sociales et durables - une gamme obligataire émise afin de financer des projets qui cherchent à avoir un effet positif sur les questions environnementales et/ou sociales, comme le changement climatique ou les inégalités sociales.

Pourtant, si ces instruments ont suscité l'intérêt des investisseurs et augmenté les flux de capitaux vers les entreprises respectant des critères ESG, ce n’est pas le seul moyen pour les investisseurs en quête d’impact sociétal positif.

En effet, l'évaluation d’entreprises, hors marchés obligataires labellisés ESG, peut permettre de découvrir des opportunités en termes d'impact positif et de résultats financiers. Cela élargit l'éventail des possibilités, en soutenant directement les entreprises – plutôt que de se limiter à financer des projets spécifiques – et cela permet également d’élaborer un portefeuille harmonisé sur les objectifs d'impact à long terme.

Le financement ESG va au-delà des étiquettes

La dette labellisée ESG est devenue importante sur le marché obligataire mondial ces dernières années. Les émissions vertes, sociales, durables et liées à la durabilité ont franchi la barre des 1000 milliards de dollars en 2021, contre seulement 442 milliards de dollars en 2020.

Toutefois, les obligations ESG n'ont pas le monopole sur les marchés obligataires. Pour de nombreux émetteurs, les activités quotidiennes – de la transformation des ressources énergétiques aux décisions de prêt d'une institution financière – peuvent produire des avantages environnementaux et sociaux matériels et mesurables. Selon Bloomberg, l'année dernière, les entreprises et les gouvernements ont levé plus de 24'000 milliards de dollars de dette non labellisée ESG sur les marchés obligataires, il incombe ainsi aux investisseurs d'impact d’analyser les marchés des capitaux de la dette pour trouver des opportunités d'investissement.

Si la dette libellée en dollars américains portant le label ESG a baissé en termes relatifs depuis l'année dernière, neuf mois après le début de l'année 2021, son prix était toujours supérieur de cinq points de base en moyenne à celui de ses pairs non ESG.
Augmentation des opportunités de trouver l’impact

D'une part, élargir la zone de recherche des investissements à impact peut sembler contre-intuitif. Les obligations sont intrinsèquement liées à des projets distincts, que ce soit au niveau individuel ou dans le cadre d'un ODD. Cela signifie que le résultat, qu'il s'agisse d'un projet ou d'un objectif, peut être clairement retracé jusqu'à l'investissement initial labellisé ESG, et l'impact peut donc être quantifié.

Si l'on considère la volonté de limiter ou de ralentir l'apparition du changement climatique, par exemple, on peut associer les obligations vertes dont le produit finance des projets comme la recherche sur les véhicules électriques. Cependant, si l'on considère l'ODD de lutte contre le changement climatique – mesuré en partie par l'objectif d'atteindre des émissions de carbone «nettes» d'ici 2050 – une vision plus globale de l'espace des titres à revenu fixe est nécessaire. Par exemple, il pourrait être plus efficace d'investir dans une société d'énergie renouvelable, dont les activités quotidiennes contribuent à accélérer la décarbonisation de l'économie mondiale en transférant la production d'énergie des combustibles fossiles vers des alternatives à faible teneur en carbone.

Par exemple, NextEra Energy Operating Partners (NEOP) est une entreprise qui exploite un portefeuille d'actifs éoliens, solaires et de stockage sur batterie. À première vue, l'entreprise pourrait être négligée par les investisseurs d'impact qui se concentrent uniquement sur les obligations labellisées ESG, car NEOP n'a jamais émis de tels instruments.

NEOP exploite un portefeuille d'actifs d'énergie renouvelable comprenant 6250 mégawatts de capacité nette et, grâce à son pipeline de développement, vise 17'300 mégawatts d'ici 2023-2024. Ainsi, bien que ses obligations ne portent pas une désignation «verte» ou ESG, investir dans NEOP soutient directement un émetteur dont les activités quotidiennes génèrent des impacts environnementaux significatifs et mesurables.

Avoir un impact, éviter le «Greenium»

Les obligations non labellisées présentent par ailleurs un autre avantage pour les investisseurs d'impact: le fait qu'elles se négocient avec une décote par rapport à la dette labellisée ESG.

Ce que l'on appelle le «greenium» – l'écart d'une obligation labellisée ESG par rapport à la courbe non labellisée de l'émetteur – s'est élargi au fil du temps, parallèlement à l'augmentation de la demande pour cette classe d'actifs. Les obligations ESG libellées en euros, par exemple, sont devenues progressivement plus chères et se négocient avec une prime d'environ trois points de base par rapport aux obligations classiques. Et si la dette libellée en dollars américains portant le label ESG a baissé en termes relatifs depuis l'année dernière, neuf mois après le début de l'année 2021, son prix était toujours supérieur de cinq points de base en moyenne à celui de ses pairs non ESG.

Cela semble logique à première vue, étant donné que l'objectif des obligations labellisées ESG est de réduire le coût du capital pour les projets verts et sociaux en leur allouant préférentiellement des capitaux. Toutefois, en y regardant de plus près, si les investisseurs d'impact peuvent obtenir l'effet environnemental ou social souhaité sans payer la prime habituelle associée à un label ESG, il est probable que les investissements se tourneront plus vers des produits non labellisés.

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