Toujours en zone de turbulences

Clémentine Gallès, Société Générale Private Banking

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La crise systémique écartée, il reste les répercussions au niveau macro.

La faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank continue de semer le trouble. Si les difficultés de cette banque semblent s’expliquer en très grande partie par son caractère très spécialisé et par une mauvaise gestion de son risque financier, elle a été le déclencheur d’inquiétudes pour le secteur bancaire dans son ensemble. Au niveau des banques régionales américaines tout d’abord, en particulier chez les établissements pouvant présenter des profils de risques similaires à celui de SVB.

L’alerte continue d’être élevée, avec notamment des tensions sur les dépôts de certains établissements, mais les autorités prennent le risque au sérieux et devraient permettre d’éviter une crise plus systémique. L’autre transmission des tensions provoquées par la faillite de SVB a évidemment été le rachat en accéléré de Crédit suisse par UBS, avec des pertes conséquentes pour les actionnaires et certains créanciers. Cette opération reflète principalement le déclin de la confiance des investisseurs, mais aussi des déposants envers Crédit suisse. En effet, la banque suisse souffrait depuis plusieurs années d’une très faible rentabilité (voire des pertes significatives certaines années) en raison de litiges importants mais aussi de choix d’investissements hasardeux. Cet achat en accéléré s’accompagne de fortes garanties du gouvernement et des autorités monétaires suisses pour la nouvelle banque fusionnée. A un niveau international, les principales banques centrales des économies développées ont en outre annoncé la réouverture de lignes de swap de devises pour faire face à des tensions éventuelles sur le financement en devises des banques.

Question de confiance

Si les marchés ont été affectés par ces turbulences, il est important de noter que nous ne sommes pas à ce stade, dans une crise bancaire systémique. En effet, si les incertitudes restent élevées, les capacités du secteur financier à absorber ces turbulences sans provoquer de crise systémique le sont encore plus. Tout d’abord parce que les banques américaines d’envergure nationale ainsi que les banques européennes présentent des modèles d’affaires très diversifiés et des gestions de leurs risques financiers contrôlés. Leurs niveaux de capital et de liquidités rassurent sur leur capacité à gérer la montée des taux d’intérêt. Par ailleurs, la réaction rapide et importante des autorités permet de penser que les risques de contagion directe resteront limités.

Répercussions au niveau macro

Les turbulences actuelles auront des conséquences sur les perspectives économiques à court et moyen terme. Tout d’abord, le climat d’incertitudes actuel pèsera sur les décisions de l’ensemble des acteurs économiques et aura tendance à freiner l’activité économique. Par ailleurs, si les tensions devaient rester limitées pour les banques européennes et pour les grandes banques américaines, les banques régionales américaines resteraient sous pression et pourraient freiner leur fourniture de crédits à l’économie américaine. Représentant plus de 40% de l’ensemble de crédit, cela pourrait accélérer nettement la transmission du resserrement monétaire enclenché depuis plusieurs trimestres par la Fed. Au total, le ralentissement de l’activité pourrait être plus marqué et encourager les banques centrales à être plus modérées dans leurs décisions à venir de politique monétaire, permettant une fin de cycle de resserrement plus rapide qu’attendu. Il peut néanmoins être souligné que de part et d’autre de l’Atlantique, les ménages et les entreprises disposent toujours de bilans financiers sains leur permettant de faire face et d’éviter un ralentissement trop marqué des économies.

Maintenir un positionnement équilibré

Malgré la progression des incertitudes, une approche stratégique équilibrée entre actions et obligations est à maintenir. En effet, un positionnement très diversifié permet de se protéger au moins partiellement des turbulences sur les marchés actions par l’exposition sur les marchés obligataires, qui affichent de nouveau une corrélation négative. Au sein des actions, favoriser davantage des secteurs défensifs. Tout comme une surexposition aux marchés obligataires d’Etat américain et à la dette d’entreprises bien notées pour l’attractivité des rendements que proposent ces classes d’actifs, ainsi qu’à l’or qui reste la valeur refuge de prédilection. Compte tenu du fait que la BCE pourrait encore augmenter ses taux, il serait judicieux de rester neutres sur les obligations souveraines européennes. En tous les cas, il faut rester très vigilants, afin d'être réactifs face aux évolutions de la situation.

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