La Fed face à une conjoncture atypique

Clémentine Gallès, Société Générale Private Banking

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Les incertitudes quant au comportement des ménages et des entreprises complexifient l’action de la banque centrale américaine.

©Keystone

L’économie américaine continue de connaître des perturbations et irrégularités dû à la crise COVID. Les Etats-Unis ont vécu une forte reprise à la suite de la crise, permise notamment par un policy-mix — politique monétaire et budgétaire — très expansionniste. Les soutiens budgétaires ont dopé les revenus des ménages avec deux effets encore visibles: une augmentation de leur épargne (12% du PIB) et une focalisation de leur demande sur la consommation de biens, surtout de durables. Une autre perturbation forte post-COVID est la déstabilisation du marché du travail américain. Contrairement à l’Europe, les entreprises américaines ont massivement licencié pendant le COVID, pour réembaucher très rapidement ensuite. Cette spécificité a eu deux conséquences dont les répercussions sont toujours présentes. Une partie des ménages (en particulier les plus proches de l’âge de la retraite) n’est pas revenue sur le marché, tandis que ceux qui retournaient ont généré une pression à la hausse sur les salaires.

Ralentissements en vue

Un ralentissement de l’activité se profile, en particulier engendré par le changement de politiques économiques. Après cette forte reprise, l’économie est en train de ralentir, le consensus s’attendant à une expansion de seulement 0,4% en 2023, après 2% en 2022. Ce ralentissement est provoqué à la fois par le niveau élevé de l’inflation, et surtout, par des politiques économiques plus restrictives, qui pèsent à terme, sur le marché du travail.  La consommation devrait en conséquence nettement ralentir. Cependant, le surplus d’épargne toujours important ainsi que la dégradation seulement progressive du marché du travail rendent la rapidité d’ajustement incertaine. Du côté des entreprises, le resserrement marqué des conditions financières pèserait sur l’investissement, mais la particulièrement bonne santé financière des entreprises rend là aussi l’ampleur et la rapidité de l’ajustement incertaines.

Changements structurels

La Fed a amorcé depuis quelques mois un resserrement marqué de sa politique, dans un contexte d’inflation toujours très élevée. Ainsi, depuis le début de l’année, la Fed a augmenté ses taux directeurs de 400 points de base et les marchés anticipent un resserrement supplémentaire de 100 points dans les mois à venir. Les incertitudes sur la rapidité des ajustements comportementaux des ménages et des entreprises complexifient logiquement l’action de la Fed. Au-delà de ces incertitudes, l’autorité monétaire doit en plus faire face à une autre particularité de ce cycle. En effet, des évolutions structurelles ont modifié les caractéristiques de l’investissement des ménages (marché immobilier résidentiel) et des entreprises, qui pourraient rendre l’action de la banque centrale moins efficace que lors des cycles précédents. Les ménages sont à la fois moins endettés et surtout le sont dorénavant très peu à taux variables, impliquant une tolérance plus forte à la remontée des taux d’intérêt. Par ailleurs, l’investissement immobilier est lui aussi plus faible en part de PIB par rapport aux crises précédentes et il n’y a pas de cycle de surinvestissement des entreprises.

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